Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

par Yohan92
jeudi 26 avril 2007

Ou comment Sarkozy critique les manigances d’appareil dans le dos des électeurs alors qu’il préfère manigancer dans le dos des appareils.

Hier Sud-Ouest a révélé les dessous de l’entretien accordé par François Bayrou le 16 mars en présence de cinq lecteurs et cinq journalistes. Une partie de la conversation avait été classé Off par François Bayrou et n’avait donc pas fait partie de l’article :

« Je n’ai pas parlé avec Nicolas Sarkozy depuis trois ans. Il y a trois ans, c’est pas pour le raconter forcément, mais je vous le raconte, Nicolas Sarkozy est élu à la tête de l’UMP. Le dimanche suivant, il me fait inviter par Jacques Chancel pour venir passer une après-midi avec lui. Donc, je prends ma voiture et je vais chez Jacques Chancel. Là, Sarkozy me dit : "Je te propose une alliance contre Chirac. On va faire les jeunes et on va le démoder, lui qui est vieux. On va lui faire la guerre et, au bout du compte, on fait une alliance contre Chirac". Je lui dis : "Ca ne m’intéresse pas. Je ne veux pas faire d’alliance avec toi. Je ne veux pas faire une alliance contre Chirac sur le critère de l’âge. Cela ne me ressemble pas. Alors, tu fais ce que tu veux, mais moi, je ne le ferai pas." Depuis, en effet, il y a comme un froid entre nous... »

Essayons de tirer les enseignements de cette révélation.

Trois ans plus tard, il paraît clair que cette alliance n’avait aucun intérêt pour Nicolas Sarkozy, mais si l’on se situe dans le contexte de l’époque, on voit très nettement ce qui l’a poussé à le faire.

A l’époque, à peine un an après le début de la guerre en Irak, la cote de popularité de Jacques Chirac affiche une santé sinon insolente, tout du moins inquiétante pour un Nicolas Sarkozy qui pense déjà à l’élection présidentielle « en se rasant le matin ».

Les barons de la chiraquie ont toujours une très forte influence au sein de l’UMP, et il sait très bien que si Chirac se maintient à ce niveau de popularité jusque mi-2006, sa qualité de sortant et ses nombreux soutiens internes feront que la bataille à l’investiture sera plus difficile à mener que ce qu’il imaginait.

On comprend alors l’intérêt de fondre ce qu’il reste de l’UDF au sein de l’UMP afin de s’assurer une investiture plus facile.

On comprend aussi l’intérêt de le faire en terrain « neutre » loin des yeux des barons de la chiraquie.

Dès le refus de François Bayrou, souvenez-vous des grandes campagnes de recrutement lancées par l’équipe Sarkozy pour obtenir des nouveaux adhérents. L’appel d’air créé par la démagogie et le beau parler de Sarkozy ont fait que, tous ces nouveaux adhérents n’ayant d’yeux que pour lui, Chirac était alors out.

François Bayrou est très loin d’être un imbécile, et lorsque l’on voit la façon dont il a su résister aux différentes offensives du RPR et de l’UMP pour faire perdurer son parti, on sait qu’il a forcément dû être retors pour survivre.

De nombreux commentaires lus ici ou là sur Internet montrent la naïveté des gens concernant les off. Je vous le dis sincèrement, nous ne sommes pas classés 35e pays au rang mondial en qualité de liberté de la presse pour rien, les off existent et les hommes politiques en usent et abusent très habilement.

En gros, vous ne répétez pas ceci ou cela car sinon, plus d’entretiens, plus de révélations...

Je pense que si François Bayrou l’a dit à Sud-Ouest en le faisant classer off, c’était pour se garder cette munition pour l’entre-deux-tours. En effet, face à un Sarkozy sûr de lui, marquant sa différence et critiquant les manigances de Bayrou avec Ségolène Royal, cette munition lâchée lors du « Grand Débat » aurait pu faire mouche, surtout si elle était corroborée le lendemain par un journal ayant eu l’info en off un mois et demi auparavant.

C’est là qu’il va falloir jouer serrer au Parti socialiste pour tirer toute la quintessence de cette info. Ils doivent l’utiliser, d’une pour montrer le gène de la traîtrise que possède Nicolas Sarkozy (Pasqua à Neuilly, Chirac en 95 ...), ses mensonges avérés (faites ce que je dis et pas ce que je fais) et surtout décourager les chiraquiens de voter pour lui. Le soutien du chef de l’Etat était déjà très mou, je pense que ses fidèles n’ont pas besoin de beaucoup plus pour s’abstenir ou, mieux, voter Ségolène Royal.


Lire l'article complet, et les commentaires