Faut-il alléger les droits de succession ?
par Voris : compte fermé
mardi 22 août 2006
Le Ministre de l’Intérieur, qui vient d’imposer une politique de quota fixe aux sans-papiers les touchant du même coup dans leurs libertés, exige du Gouvernement la suppression totale des droits de succession. Ce faisant, il vient renverser l’ordre des principes établi par notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui nous dit ceci : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Ce texte fondateur garantit les droits énoncés non seulement au citoyen mais à l’Homme. Ce sont des « droits naturels » De plus, il place la liberté devant la propriété.
Sur les avis pourtant contraires de l’ancien ministre du budget, Alain Lambert, et du président de la commission des Finances Pierre Méhaignerie (tous deux UMP), M.Sarkozy veut supprimer les droits de succession pour les familles les plus aisées. En bon défenseur des grandes fortunes, il a mis cette réforme à son programme dès 2002. Bercy qui préférerait, semble-t-il aider les personnes assujetties à l’ISF (Impôt sur la fortune), pourrait le suivre dans cette voie pour lui ôter un de ses arguments de campagne.
Rappelons qu’en 2004, lorsqu’il était ministre de l’Economie, Nicolas Sarkozy avait déjà allégé les droits de succession en instituant un abattement de 50 000 euros.
Compte tenu des abattements actuels - 76 000 euros pour le conjoint survivant auxquels s’ajoutent 50 000 euros à partager avec les autres héritiers -, de nombreux conjoints sont désormais exonérés de droits de succession. Grâce aux facilités ouvertes par l’assurance-vie et les donations, un couple peut transmettre 500 000 euros hors tout droit de succession au décès du premier conjoint. A cela se sont ajoutées plus récemment des mesures d’exonération massive pour toute transmission anticipée du capital des PME. Nicolas Sarkozy veut aller encore plus loin. Si elle venait à être retenue, sa réforme occasionnerait de nombreux effets négatifs :
1 - Des injustices :
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D’autres impositions mériteraient d’être corrigées prioritairement :
Alain Lambert, ancien ministre UMP du budget, déclare : « Pour avoir pratiqué cette fiscalité pendant plus de 30 ans dans le notariat, je suis septique sur l’utilité de privilégier la baisse de cette fiscalité, par rapport à d’autres impôts infiniment plus dévastateurs pour notre économie et pour l’emploi »
- L’inégalité dans l’héritage serait renforcée :
On sait que beaucoup d’enfants n’héritent d’aucun bien de leurs parents et parfois même n’héritent d’eux aucun amour, aucune éducation. L’ascenseur social se trouve ainsi en panne pour eux mais pas pour ceux qui bénéficient d’un confortable héritage matériel, affectif, culturel, et éducatif (école privée, cours particuliers, grandes écoles).
On sait moins que les enfants peuvent aussi se voir priver d’héritage par la mise en œuvre du principe de récupération de l’aide sociale. Et comme il n’y a pas d’exception pour les plus pauvres, cela touche par exemple des RMIstes dont un parent vient de décéder et qui peuvent se voir retirer tout droit à succession si ce parent a été placé en établissement pour personnes âgées et a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement pour un montant atteignant l’actif successoral. (Il y a aussi obligation de rembourser le montant de la donation que ce parent leur aurait faite de son vivant).
- Nos greniers sont vides :
J’emploie cette expression pour les populations dont la survie dépend d’associations caritatives pour l’aide alimentaire, la vêture. Alors qu’il y a absence criante de prévoyance pour ces situations (chaque année, les œuvres charitables sont tributaires de dons aléatoires), et que l’on ne voit jamais le bout de la crise du logement social et de l’hébergement d’urgence, la réforme prônée par M.Sarkozy consoliderait la fortune des familles très aisées dans leur transmission de patrimoine. Où est la justice ici ?
2 - Des inconvénients sur le plan économique :
- Le manque à gagner pour
l’Etat se chiffrerait à 150 millions d’euros la première année et à 400 millions d’euros par la
suite. D’où une marge de manœuvre encore plus réduite pour l’Etat qui ne
pourrait plus intervenir sur le plan socio-économique sauf à creuser le gouffre
de sa dette une fois de plus.
- L’abolition des droits de succession freinerait la croissance : d’une part, elle favoriserait l’émergence de rentiers lorsqu’il y a transfert d’énormes capitaux. D’autre part, dans un contexte de prolongement de la durée de vie, les droits de succession restent le seul levier pour inciter à la transmission anticipée. Les supprimer revient à éterniser la détention des patrimoines entre des mains séniles qui ralentissent le dynamisme.
Quelle que soit la suite qui sera réservée à son idée, M.Sarkozy démontre, par son attitude obstinée sur quatre années, son souci particulier pour des intérêts minoritaires et du même coup ses faibles dispositions à remplir le rôle de président de tous les Français.
Alors propriété d’abord, ou avant tout liberté ?