Il y a une semaine, L’Oeil de Brutus a attribué au passage au quinquennat une part de responsabilité dans la déliquescence de la Cinquième République. Un argument qui parle aux gaullistes, qui, comme moi, ont voté contre le changement de durée du mandat présidentiel. Et si ce n’était pas la bonne cible ?
La pratique ou la durée ?
S’il
est bien logique qu’un mandat de sept ans pousse à davantage se soucier du long terme qu’un mandat de cinq ans, et que la non-cocomitance du mandat présidentiel et du mandat de l’Assemblée instaurait deux temps différents, le septennant poussant à un président plus arbitre, le quinquennat risquant de le pousser à une position de premier ministre bis, les dernières décennies incitent à la méfiance. En effet,
Valéry Giscard d’Estaing, pourtant élu pour sept ans et non cinq, n’a-t-il pas été un précurseur du président qui se mèle de tout, brouillant la distinction avec le Premier Ministre, ravalé avant l’heure au stade de « collaborateur ». A contrario, le quinquennat de Jacques Chirac s’est passé en respectant bien la division des tâches originelles de la Cinquième République, malgré un mandat plus court.
Bref, prendre ces deux exemples pousse à relativiser les avantages et les inconvénients théoriques des deux mandats en montrant que plus que la durée du mandat présidentiel, c’est peut-être plus la conception du pouvoir qui prime, un quinquennat pouvant être mené selon l’esprit du Général de Gaulle, du point de vue du partage du pouvoir exécutif au moins, tandis qu’un septennat peut être mené avec les mêmes défauts
que l’Oeil de Brutus attribue plus généralement au quinquennat. J’ai fini par acquérir la conviction que les dérives de notre vie politique sont beaucoup plus les conséquences des comportements des personnes qui nous gouvernent plutôt que de nos institutions, ou même des évolutions de nos institutions, même quand je les ai combattues, comme je l’ai fait à l’époque du référendum.
En défense du quinquennat
En outre, l’alignement du mandat présidentiel sur le mandat de l’Assemblée Nationale n’est pas sans avantage. D’abord, cela limite le risque de cohabitation. Etant donné que la plupart des successeurs du Général de Gaulle ne partagent pas sa conception de la vie publique, il n’est peut-être pas inutile d’avoir une organisation institutionnelle qui limite le risque de ces périodes où le président de la République et la majorité à l’Assemblée Nationale ne sont pas du même bord. Je ne vois pas l’intérêt d’un tel partage pour notre pays. En outre, la concomitance des deux élections, mais avec les élections législatives qui suivent l’élection présidentielle, réaffirme la prééminence du président de la République, ce qui me semble bien correspondre à l’esprit des institutions de la 5ème République.
Ensuite, je me demande si, finalement, cinq ans ne correspondent pas à la bonne durée pour un mandat présidentiel. Sept années, après tout, représentent un mandat très long par rapport à ce que font tous les autres pays. Et si cela pouvait correspondre à l’organisation institutionnelle de la Quatrième République ou à la personnalité hors du commun du Général de Gaulle, j’ai tendance à penser que cinq ans donnent assez de temps pour réformer le pays. Après tout,
nous sommes loin des excès étasuniens, où il y a des élections nationales tous les deux ans, ce qui, pour le coup, fait que dès qu’une élection est passée, les élus tendent à ne plus penser qu’à leur réélection. Cinq années me semblent représenter un bon compromis entre le fait de donner du temps à l’action du gouvernement et permettre l’expression démocratique du peuple. Peu de pays au monde accordent des mandats de plus de cinq ans d’ailleurs.
Pour toutes ces raisons, même si je m’étais opposé au passage au quinquennat lors du référendum, par fidélité aux institutions mises en place par le Général. Mais avec le temps, j’ai de plus en plus tendance à penser qu’au final, ce n’était pas une si mauvaise réforme.