Faut-il voter Hollande au 2e tour de la présidentielle ?

par Fergus
mardi 6 décembre 2011

7 mai 2012. Selon toute vraisemblance, si l’on en croit les sondages et si aucun évènement majeur ne vient bouleverser le cours de la campagne électorale, le 2e tour de la présidentielle devrait opposer François Hollande à Nicolas Sarkozy. Une offre qui fait tousser dans les rangs de la « vraie gauche », au point que des sympathisants du Front de Gauche envisagent dès maintenant de s’abstenir ou de voter blanc ce jour-là. Est-ce bien raisonnable ?

C’est une évidence : le « peuple de gauche » n’est pas uni derrière une idéologie commune à toutes ses composantes. Le fossé s’est même dangereusement creusé au fil du temps entre les inconditionnels de l’orthodoxie socialiste héritée du Front Populaire et les tenants d’une social-démocratie à la française devenue peu à peu nettement plus libérale que sociale, à l’image de la plupart des grands partis socialistes européens. Résultat : le PS s’est largement coupé de son électorat naturel historique, principalement centré sur les classes populaires, au point de perdre en 2002 puis en 2007 des élections présidentielles pourtant largement à sa portée.

Une nouvelle opportunité s’offre en 2012 au terme d’un 1er mandat calamiteux de Nicolas Sarkozy. Les « orthodoxes » devront-ils, par pragmatisme électoral, se rallier à François Hollande au 2e tour de la présidentielle ? Ou, a contrario, voter blanc, voire se détourner des urnes, comme beaucoup en manifestent l’intention dans un discours au contenu très dur, souvent relayé ici-même, sur le site d’AgoraVox ? Telles sont les questions que se posent la plupart des électeurs qui, comme moi, iront voter au 1er tour de la présidentielle pour un candidat clairement positionné à gauche. Un candidat porteur d’un projet social. Un candidat résolument hostile au diktat des forces de la finance et d’une Union européenne vassalisée par les oligarchies. Le candidat du Front de Gauche : Jean-Luc Mélenchon.


Des griefs contre le Parti Socialiste, il y en a de très nombreux. Et la défiance, voire l’hostilité que le PS suscite chez de nombreux militants et sympathisants de la gauche populaire sont évidemment compréhensibles, même si cette défiance et cette hostilité s’expriment parfois sur un ton agressif jusqu’à l’excès. Comment convaincre aujourd’hui des employés et des ouvriers, progressivement délaissés au profit quasi exclusif des classes moyennes embourgeoisées, voire boboïsées, que le PS prendra en 2012 la voie du renouveau progressiste en tournant le dos à une social-démocratie dévoyée ? En tournant le dos à la pensée unique néolibérale à laquelle les caciques socialistes ont trop longtemps prêté une oreille complaisante ?


Mettre un point final au sarkozysme


La tâche sera rude pour François Hollande et ses amis, et gageons qu’ils auront bien du mal à convaincre les Français... de gauche. Mais les socialistes bénéficient d’un « joker » cette fois-ci, sous la forme d’un rejet de Nicolas Sarkozy qui, mois après mois, ne se dément pas, comme l’a montré, le 29 novembre, le sondage TNS-Sofres pour Le Nouvel Observateur. Certes, Sarkozy bénéficie d’un mouvement à la hausse, et la candidature de Hollande souffre de flottement et de polémiques largement entretenues par la droite et les grands médias. Mais au 2e tour, c’est toujours Hollande qui l’emporte par 60 % contre 40 % ! Et l’on mesure mieux le péril pour Sarkozy lorsqu’on apprend que seulement 23 % des électeurs de Bayrou et 36 % des électeurs de Marine Le Pen se reportent au 2e tour sur le candidat sortant. 

Ce constat fait, rien n’est encore gagné pour François Hollande, eu égard aux nombreux aléas qui peuvent modifier le cours de la campagne. Le pari n’en est pas moins engagé de manière favorable pour le candidat du PS, et cela d’autant plus qu’un grand nombre de nos compatriotes, parmi les électeurs de gauche, veulent absolument tourner la page du sarkozsyme et ne supporteraient pas une nouvelle défaite en 2012. Beaucoup de ceux-là, échaudés par les échecs précédents, sont prêts à « voter utile » dès le 1er tour. Quant aux autres, ils voteront Eva Joly ou, comme je le ferai moi-même, Jean-Luc Mélenchon.


Sans grand espoir pour le Front de Gauche d’accéder au 2e tour. En l’état actuel de la sociologie française et de l’immense désir de voir Sarkozy battu, c’est pratiquement impossible, et j’en suis désolé. « Il faut désormais tourner le dos aux grands partis qui nous ont si souvent trahis. Á nous d’être combattifs et convaincants pour susciter un puissant mouvement au service de la véritable gauche. », peut-on lire ou entendre ici et là de la part de militants du Front de Gauche ou de sympathisants engagés. Ce travail de prosélytisme peut en effet être accompli. Mais sans illusions : le délai sera beaucoup trop court d’ici à la présidentielle pour modifier des décennies d’habitudes électorales et convaincre des millions de Français. « Il faut appeler à la révolte pour faire exploser le système. » peut-on également lire ou entendre. Mais si ce cri du cœur est justifié, chacun sait que la révolte ne se décrète pas, surtout lorsque la population a plutôt tendance à se recroqueviller sur elle-même dans une attitude fataliste. Qui plus est, nul ne sait ce qu’une révolte peut engendrer : le meilleur est certes possible, mais aussi le pire...

Une alliance indirecte avec Sarkozy

Selon toute probabilité, se reposera donc au soir du 1er tour la question à laquelle se heurtent sans cesse les électeurs de la gauche populaire : quelle attitude adopter lors du 2e tour ? Voter ou ne pas voter ? Pour certains, la question est d’ores et déjà résolue : « Hollande et Sarkozy, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Cela se fera sans moi. » affirment les uns ; « Voter Hollande après Sarkozy, c’est tomber de Charybde en Scylla. » soulignent les autres. Des jugements de dépit bien compréhensibles, eu égard aux déceptions du passé, mais erronés et dangereux.


Erronés, car quels que soient les griefs que l’on peut adresser au Parti Socialiste, force est de reconnaître qu’il n’y a pas égalité entre la gauche et la droite dans les responsabilités de chaque camp sur l’état du pays et la situation des foyers français. Il suffit à cet égard de comparer le bilan social et économique, pourtant très décevant, de Lionel Jospin, avec celui, désastreux pour les classes populaires et les finances publiques, des Premiers ministres qui l’ont précédé et suivi à Matignon pour s’en convaincre. 


Dangereux, car ne pas voter Hollande reviendrait, en l’état actuel des forces en présence, à s’allier de facto avec l'UMP. S’allier avec tous ceux qui, à droite, n’ont pas d’états d’âme et, même s’ils détestent Sarkozy, voteront sans barguigner pour lui, les uns pour sauvegarder leurs intérêts, les autres par idéologie conservatrice. Dangereux, car favoriser, fut-ce indirectement, un 2e et dernier mandat totalement décomplexé de Nicolas Sarkozy reviendrait à prendre une part de responsabilité dans l’accélération du démantèlement des services publics, dans l’accroissement de la paupérisation de la population française, dans la dramatique augmentation du nombre des exclus.

C’est pourquoi, le moment venu, au 2e tour de la présidentielle, il faudra clairement se poser la question de ce que l’on veut, non pour les décennies à venir, mais pour le futur proche : soit voter pour François Hollande, fût-ce en traînant les pieds, afin de virer Nicolas Sarkozy, et avec lui une politique toujours plus désastreuse pour notre pays et nos compatriotes, soit ne pas voter (ou voter blanc) et augmenter ainsi les chances d’être réélu pour le plus calamiteux et le plus cynique chef d’état de la Ve République.


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