Fillon, l’humilié perpétuel ?
par olivier cabanel
jeudi 30 mai 2013
Mais qui est François Fillon ? Comment cet homme qui semble plutôt fait pour l’ombre que pour la lumière se retrouve-t-il au devant de la scène, après avoir subi, pendant les 5 ans de son ministère, humiliations et colères de l’ex-président ?
Il pourrait bien jouer bientôt un rôle capital dans la réorientation de son parti, lequel est tiraillé d’une part par un Copé se rapprochant plus ou moins discrètement des valeurs du Front National, et d’autre part par sa volonté de redonner à l’UMP ses racines gaulliennes
Comme l’a constaté Brice Hortefeux récemment sur l’antenne d’Europe 1, l’UMP est divisée, et d’après lui, n’a pas vocation à être « une co-propriété », (lien) … et si depuis le départ du petit chef, ce parti se trouve au bord de l’implosion, les démêlés de ses anciens animateurs n’arrangent rien.
Quid de Rachida Dati, dont on apprend qu’elle avait jusqu’à 8 liaisons en même temps, s’il faut en croire l’avocate de Dominique Desseigne, qui était manifestement l’un de ceux-ci ? lien
En tout cas, en abandonnant ses prétentions à la mairie de Paris, elle handicape NKM, qui devant une victoire trop facile, craint le pire, déjà déstabilisée par sa position ambigüe face au « mariage pour tous ». lien
Quid de l’ancienne laborantine adepte du rose fuchsia, qui après avoir fait gaspiller à l’état près de 2 milliards d’euros pour des vaccins inutiles, joue maintenant les midinettes de tv, exhibant sa nouvelle ligne haricot, et tirant à boulet rouge sur son ancien propre camp ? lien
Quant à Guaino, il s’est mis aux abonnés absents, critiqué d’avoir trop parlé, d’après son propre camp, et peut-être pas assez d’après les juges. En tout cas, après avoir menacé de quitter la politique si la loi sur la moralisation de la vie politique était votée (lien), de lourds nuages noirs s’accumulent au dessus de sa tête et sa décision de ne pas se rendre à la convocation de la police risque de ne rien arranger. lien
Quid de l’égérie catho Boutin, qui après avoir menacé son ancien chef de faire péter « une bombe atomique médiatique » si l’Elysée continuait à empêcher sa candidature en bloquant les 500 indispensables signatures ? lien
La bombe a manifestement fait long feu, malgré le manque de signatures… du coup elle mène maintenant avec une Barjot la fronde contre le mariage pour tous, et elle n’a aucun état d’âme à critiquer le mariage gay, alors qu’elle-même a épousé son propre cousin. lien
Bruno le Maire prend du recul, affirmant que son parti n’a pas encore tiré la leçon de la défaite de 2012.
Laurent Vauquiez, ne lâche rien et considère sévèrement Jean-François Copé comme un simple coordinateur.
Ce dernier se contente de sa place dans le fauteuil présidentiel de l’UMP, ayant concédé à Fillon qu’il y aurait bien une primaire pour la présidentielle de 2017, et il s’emploie, comme l’explique Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef de Challenge, à récupérer les « anti-mariages pour tous », ce qui ne semble pas lui réussir, puisqu’il vient de perdre 6 points dans un récent sondage. lien
Quant à l’ex-président, ses ambitions de retour sur la scène politique pourraient bien être troublées par la justice. lien
Mais revenons à Fillon.
Pour comprendre comment il en est arrivé là, presque par hasard, il faut découvrir son parcours.
Gaulliste à 14 ans, alors que les évènements de mai venaient juste de se terminer, une photo du grand Charles trônait dans sa chambre, pendant que d’autres y mettaient James Dean ou Che Guevara, scout à 17 ans, il deviendra l’assistant parlementaire du très gaulliste Joël le Theule, lequel voyait déjà en lui son successeur, s’il faut en croire la biographie qu’à fait de lui Christine Kelly (François Fillon, le secret et l’ambition-éditions du moment). lien
On y apprend qu’adolescent, il ne dédaignait pas de vider la cave de ses parents, pour trinquer avec ses amis, planquant les cadavres des bouteilles vides derrière les pleines…ou que s’ennuyant dans sa classe de l’école st Michel, il balancera lors d’un cours une ampoule lacrymogène, ce qui lui vaudra une exclusion de 3 jours et des travaux d’intérêt général…sans oublier qu’au Lycée Notre Dame de Ste Croix, il avait organisé une manif dans la cour de cette vénérable institution, avec banderoles, poings levés, slogans demandant le départ d’une prof d’anglais…ce qui lui vaudra son exclusion.
C’est à la disparition du député maire de Sablé, et ancien ministre des transports, que ses amis Sarthois l’avaient poussé à se présenter…ce qu’il avait accepté après 2 jours de réflexion.
Il avouait à l’époque que cette promotion avait été pour lui une surprise : « député à 27 ans, je ne l’aurais pas cru »…
Il reste pourtant des zones d’ombre.
Le Theule était chargé de l’information sous De Gaulle, et il était suspecté par Chirac d’avoir trop communiqué auprès des médias sur l’affaire Markovic, cette sombre histoire qui couté cher à Pompidou.
Le 1 octobre 1968 le corps de Stefan Markovic, ancien garde du corps d’Alain Delon, est découvert enroulé dans l’enveloppe d’un matelas…il aurait eu une liaison avec la femme de l’acteur…et cet organisateur de « parties fines » avait raconté à l’un de ses proches avoir aperçu, lors d’une de ces soirées spéciales, l’épouse de Georges Pompidou, premier ministre pendant plus de 6 ans d’un certain Charles de Gaulle jusqu’au 21 juillet 1968.
A l’époque, ce dernier avait seulement déclaré : « à trop vouloir diner en ville dans le Tout Paris comme aiment faire les Pompidou, et à y fréquenter trop de monde, et de demi monde, il ne faut pas s’étonner d’y rencontrer tout et n’importe qui ». lien
Le 28 avril 1969, De Gaulle démissionne, suite à l’échec de son référendum ; Pompidou le remplacera le 15 juin suivant, puis quittera ce bas monde le 2 avril 1974.
Pourtant l’affaire Markovic pourrait bien refaire surface, suite à la publication en 2009 d’un livre « roman noir » (éditions du seuil) signé d’un certain Francis Zamponi, journaliste de son état. lien
Il avait déjà réalisé un documentaire sur le sujet, lequel fut diffusé en 2001 par FR3.
D’après lui, il s’agissait d’abattre médiatiquement Pompidou, successeur pressenti de De Gaulle, en manipulant l’opinion publique, les ordres venant « des plus hautes sphères de l’état ».
Plus tard, La mort suspecte et toujours non élucidée du ministre Robert Boulin le 29 octobre 1979 va inquiéter Le Theule, craignant pour sa propre vie, et il va confier à Fillon quelques informations « sensibles » au cas où il lui arriverait malheur.
En 2011, Francis Deswarte, gendarme, aujourd’hui à la retraite, premier sur les lieux lors du drame a du voulu libérer sa conscience, affirmant : « je suis catégorique. Robert Boulin n’est pas mort noyé. Ce n’est pas possible. Il était quasiment à quatre pattes. La tête hors de l’eau (…) ma conviction, c’est qu’il tentait de ramper jusqu’à la berge. Et puis il avait des traces sur le visage. Comme des griffures rouges ». lien
On s’interroge encore aujourd’hui sur quelques faits troublants : l’ancien ministre de l’intérieur, Christian Bonnet disait avoir eu l’annonce de sa mort à 2 heures du matin, alors que le corps n’a été retrouvé que 6 heures après.
Il avait subi des violences, les gendarmes ayant constaté des hématomes, des coups au visage, ayant entraîné 2 fractures.
On sait que lorsqu’il s’est rendu à son dernier rendez vous, il avait sorti des dossiers du coffre du ministère, dossiers jamais retrouvés. lien
A-t-il été assassiné ? Pour quelle raisons ? Était-ce lié à l’affaire Markovic ?
Le Theule va mourir d’un arrêt cardiaque, quelques mois après Robert Boulin, en 1980, quasiment dans les bras de François Fillon, projetant ce dernier dans le monde politique, presque malgré lui. lien
Mais que sont devenus les « dossiers sensibles » que Le Theule avait confié à Fillon ?
L’INA a sauvegardé une vidéo de ce moment, et on y aperçoit fugitivement celui qui sera en 2007 premier ministre du gouvernement Sarközi.
En tout cas, pendant 5 longues années, le « collaborateur présidentiel » va subir humiliation sur humiliation, et l’expression « en avoir plein le dos » prendra tout son sens lorsqu’il se mettra à souffrir de terribles douleurs lombaires. lien
Aujourd’hui, François Fillon, plus gaulliste que jamais, fait tout son possible pour se démarquer de l’ex-président, affirmant que « contrairement à d’autres, il n’a jamais insulté personne, jamais blessé une partie de la population »…visant implicitement l’ancien président.
Il n’y a pas si longtemps, il disait « se foutre de Nicolas », lequel avait trop clairement affiché son soutien à Copé dans la lutte pour la tête de l’UMP. lien
Alors, 2017 sera-t-elle son année, malgré la volonté de celui qui reste son principal rival, Jean-François Copé ?
Seul l’avenir nous le dira.
Ceci dit, au moment où 8 millions de français vivent sous le seuil de la pauvreté, ces affrontements ne sont peut-être pas la préoccupation principale des citoyens. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « les dents ont beau rire, le cœur sait la blessure qu’il porte. »
L’image illustrant l’article vient de « forum.doctissimo.fr »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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