Flou persistant
par jlhuss
mercredi 4 juillet 2012
L'exercice est obligatoire en début de mandature et cet oral que le nouveau Premier Ministre passe devant l’Assemblée Nationale n’apporte jamais de très grandes surprises. Il pourrait même apparaître suranné depuis l’instauration du quinquennat. Comme est toujours identique le scénario d'une opposition vociférante, hurlante les bras levés. Il y en a un peu marre de ces figures de style cent fois vues, remakes insoutenables avec simple inversion des rôles. L'UMP, désormais dans l'opposition, n'a pourtant pas besoin de ces expressions excessives. Un silence de cathédrale, laissant les nouveaux "godillots" du PS et d'EELV, applaudir tout encore imprégnés des joies éphémères de la victoire, eut été préférable. Même Noël Mamère se joint à la claque ; il aurait obtenu des "garanties". La décence responsable d'un Fillon est préférable aux tirs tous azimut d'un Jacob.
Certes l'exercice n'est pas exaltant. Il n’y eut guère dans le passé que Chaban-Delmas prônant une « nouvelle société » qui fit un peu bouger les lignes au pupitre en ulcérant le Président de la République de l’époque, Georges Pompidou. L’auteur en fut d’ailleurs châtié à distance. Ces temps sont bien révolus, les Premiers Ministres restent « sages » : plus question pour eux d’innover. Ainsi l'UMP pouvait se contenter d'un "il aurait pu faire plus court et moins lassant". L’abus des « grandes phrases » creuses et inutiles ne fait guère en effet avancer les choses. A quelques semaines de l’élection présidentielle et de la formation du gouvernement pouvait-on attendre autre chose que l’énoncé réitéré des 60 propositions du candidat Hollande ? Pas vraiment.
Une nouveauté pourtant, elle réside dans la reconnaissance d’une croissance qui s’effondre. Enfin, le Parti Socialiste semble reconnaître que la crise est réelle, profonde et qu’elle ne se réglera pas avec quelques dîners à Berlin, Rome ou Madrid. Mais le constat demeure au simple niveau du descriptif. Ce rendez-vous avec la réalité, n’entraîne aucune révision des promesses de campagne dans le secteur des dépenses en particulier. Pourtant François Hollande lui-même, pendant la campagne, allait répétant que tout serait révisable en fonction de cette satanée croissance.
Il n'est pas nécessaire de hurler pour que nos concitoyens comprennent toute l'ambiguïté du triple NON de Jean-Marc Ayrault à toutes modifications des promesses et sa persistance dans la course aux dépenses supplémentaires. Continuer à pourfendre une augmentation de la TVA pour laisser entrevoir en creux celle de la CSG ne rassurera pas les classes moyennes, au demeurant déclarées "intouchables". Guère besoin de hurler pour qu'elles comprennent bien vite.
L'UMP, plutôt que de se plier à ce rituel dépassé, pouvait par son silence ou ses commentaires ouatés se satisfaire que l’alibi tant attendu de la Cour des Comptes ne soit pas au rendez-vous. Le gouvernement espérait avec l’audit être en possession d'une possibilité d’attaque rétrospective contre l’exécutif précédent permettant de faire avaler les pilules amères. Les socialistes pensent encore qu’ils pourront tenir 5 ans avec seulement l’antisarkozysme comme argumentaire. Pas de chance, le poste des dépenses en particulier a été très rigoureusement tenu par le gouvernement précédent. Le socialiste Didier Migaud, Président de la Cour et les magistrats qui l’entourent objectivent en revanche un besoin de financement à hauteur de 33 milliards d’euros pour le budget 2013 afin d'atteindre les objectifs fixés. Ils ajoutent « qu’il conviendrait d’agir en priorité » sur les dépenses plutôt que sur les recettes.
La véritable surprise eut été de constater la prise en compte des réalités et l’adaptation des projets à ces dernières. Il n’en est rien. Pourtant les élections sont terminées, la chasse à l’électeur est derrière nous. Il serait peut-être temps de dire la vérité. On pouvait attendre autre chose que "Nous ne renonçons à rien", "Je revendique le sérieux, je refuse l'austérité" , "Ce sera difficile mais j'ai confiance"...
La musique ne change pas, le gouvernement réfute la rigueur, nos concitoyens seraient donc incapables d'en appréhender la nécessité. On se demande toujours comment il fera pour maintenir « le sérieux » en même temps que les engagements de campagne. Nous demeurons dans le même flou que tout au long du parcours du candidat François Hollande. Il n'est plus candidat, mais Président ; il faudra bien un jour sortir de l'ambiguïté.