Il est urgent de proposer une sortie à l’impasse destructrice de la « masterisation » pour la formation des enseignants, matérialisée par le passage, décidé et mis en place par le gouvernement, du niveau de recrutement des concours enseignants à bac + 5, sans réelle formation pédagogique. Cette nécessité est d’autant plus forte qu’elle doit aussi répondre à la crise du recrutement qu’elle n’a pas manqué d’aggraver.
Pour autant, les formations initiale et continue des professeurs, en vigueur avant la réforme, étaient inadaptées et sous-dimensionnées face aux enjeux de l’école d’aujourd’hui. Faire ce constat, c’est aussi prendre en compte le fait que les modalités de formation initiale du métier conditionnent en grande partie l’image que les futurs professeurs se font de celui-ci. Aussi, notre premier postulat est que le sens de la mission des professeurs se définit d’abord au moment crucial de la formation initiale et de l’entrée dans le métier.
Un principe fondamental de notre approche est que le métier de professeur s’apprend de façon méthodique et ordonnée, comme celui d’ingénieur, de médecin ou d’officier de Marine. Il s’apprend à la fois sur d’incontestables bases académiques et au sein d’une école d’application chargée d’encadrer la confrontation avec le réel : les élèves de notre temps, dans une société en évolution.
Or, cet apprentissage a un coût et prend du temps. Il faut faire le pari qu’il s’agit d’un investissement rentable pour toute la nation. Il n’est pas un pays en réussite éducative qui n’ait investi fortement dans la sélection et la formation de ses professeurs. Sans enseignants bien formés, il ne peut y avoir de réussite de l’élève, de l’école et de l’éducation.
Un raisonnement court en filigrane de notre propos : il s’agit de la nécessité de surmonter l’opposition entre « savoirs académiques » et « compétences professionnelles », qui se cristallise notamment autour de la formation des professeurs, de dépasser l’affrontement entre les « républicains », nécessairement présentés comme des dinosaures promoteurs de savoirs certes élevés mais intransmissibles aux élèves, et les pédagogues, toujours affublés de sobriquets humiliants, militants d’une école vidée de tous savoirs ambitieux. Cette querelle a trop coûté à l’école, mais aussi à la gauche. Celle-ci ne peut rester dans l’ambigüité : un projet éducatif progressiste repose largement sur une formation de qualité des personnels, levier majeur des transformations de l’école française.
Pour ce faire, trois options sont possibles, qui nécessitent dans tous les cas de rompre avec la situation actuelle :
- Option A : fixer le concours pour les enseignants (admission et admissibilité) à la fin du Master 1ère année (M1). L’année de M2 est composée d’une partie stage pratique, une partie mémoire et une partie découverte des métiers et missions connexes à l’enseignement.
- Option B : fixer le concours (admission et admissibilité) à la fin du Master 2ème année (M2). L’année de M1 est composée d’une partie recherche, une partie stages obligatoires de découverte du métier et une partie approche formalisée des politiques éducatives et de la connaissance du monde scolaire. L’année de stage aurait lieu à l’issue du M2, dans un service à mi-temps avec une formation soutenue en école professionnelle.
- Option C : appliquer un parcours de formation spécifique aux professeurs des écoles (option A) et aux professeurs du secondaire (option B).
Une formation de qualité des personnels enseignants passe par la mise en place de véritables écoles professionnelles : celles-ci piloteraient la formation initiale et continue, en partenariat avec les universités, sur la base de cahiers des charges nationaux.