François Bayrou, baudruche ou espoir de la République française ? (2)

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 13 août 2008

L’isolationnisme politique de Bayrou a été suicidaire. Et pourtant, la statue du Commandeur continue à se forger pour cet opposant d’un nouveau type. Suite.

Dans le premier article, j’évoquais la lente ascension de François Bayrou comme personnage politique majeur du paysage français, ainsi que les critiques parfois antagonistes qu’il a essuyées après l’élection présidentielle de 2007.

Depuis quelques semaines, François Bayrou réapparaît dans les médias français alors qu’il subissait jusque-là une couverture très confidentielle.


Mais pourquoi ce retour en grâce dans les médias ?

Apparemment, au départ, parce que François Bayrou a été le seul à protester contre le poker gagnant de Bernard Tapie. Le soutien de Tapie à Sarkozy semblerait avoir trouvé ici sa contrepartie pécuniaire.

Je n’ai pas beaucoup entendu de leaders socialistes protester contre ce nouveau gros lot qui profite à Bernard Tapie. Parce qu’il a été un ancien ministre de François Mitterrand ?

Pourtant, ce n’est pas la première fois que Bayrou se trouve seul dans ses protestations.


Poule aux œufs d’or privatisée

Rappelez-vous, bien avant l’élection présidentielle de 2007, qu’il n’y avait que Bayrou à avoir contesté la privatisation des sociétés d’autoroute. Aucun membre officiel de l’opposition socialiste. Sociétés très rentables données à « des copains et des coquins » selon une vieille expression de feu Michel Poniatowski, mais, aussi, inflation prévisible des tarifs des péages.

Résultat, quelques années plus tard, tous ceux qui empruntent les autoroutes le savent, des hausses de prix exagérées, avec un véritable cynisme de la part de ces sociétés privatisées. Leur convention avec l’État plafonnait la hausse de prix, mais en moyenne. Ainsi, certains tronçons avec très peu de passages ont vu leurs tarifs stagner, voire baisser pendant que les tronçons très fréquentés sont devenus de plus en plus chers.

Certes, on pourrait toujours dire que l’entretien des autoroutes à fort trafic coûte plus cher que celles désertiques. Cependant, comme l’avait anticipé François Bayrou, c’est bien le peuple français qui a été doublement lésé.


Constance et impasse



Depuis une dizaine d’années, François Bayrou a ainsi pris quelques marques, semé quelques prises de position qui montrent à la fois une certaine vision des choses, constante, et le courage de l’avoir exprimée.

Le véritable point d’achoppement reste cependant son comportement entre les deux tours de l’élection présidentielle 2007.

Avec une campagne de premier tour basé sur "ni droite ni gauche", l’absence de François Bayrou au second tour ne pouvait aboutir qu’à une impasse politique et à un dilemme.

On lui a reproché d’avoir annoncé qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy au second tour. Quand je dis "on", je peux aussi m’inclure, même si tout le monde s’en moque, puisque je lui ai aussi reproché cela.

J’avais alors trois considérations : la continuité de son discours d’avant premier tour (ni Sarkozy ni Royal) qui nécessitait de ne prendre position ni contre ni pour l’un des candidats du second tour, la nécessité cependant d’être responsable et de prendre position clairement en faveur de l’un ou de l’autre des candidats (d’où le véritable piège de ce discours qui imposait à son auteur d’être présent au second tour), et, enfin, l’aspect suicidaire qui lui fit perdre son groupe parlementaire (le refus de compromission électorale est un argument peu acceptable quand on observe ce qu’il s’est passé lors des municipales de mars 2008).


Une position centrée sur les valeurs

La motivation affichée par François Bayrou était, elle, sur un autre plan. Sur celui des valeurs. L’ambition très forte du personnage rendait peu crédibles ces considérations morales. On préférait dire en effet : il préfère s’opposer pour devenir le principal opposant à Nicolas Sarkozy. C’est un peu vrai, mais pas tout à fait juste.

Les préoccupations morales de François Bayrou étaient très fortes et après plus d’un an de sarkozysme présidentiel, beaucoup d’élus UMP sont obligés de le lui reconnaître.

François Bayrou rappelle : « Les raisons pour lesquelles j’avais indiqué que je ne voterais pas pour Nicolas Sarkozy, qui reposaient sur un conflit de valeurs et non des antagonismes de personnes comme on a voulu le faire croire, ne peuvent plus aujourd’hui être ignorées par personne », en complétant : « Il y a aujourd’hui très peu de gens qui résistent à cette réalité. Les syndicats ont été désarmés, mis à terre et moqués. Et il ne faut pas oublier que beaucoup de gens ont peur. C’est pourquoi j’ai un devoir de rassemblement pour construire une opposition démocratique et républicaine. »

Et de là à parler des valeurs républicaines et pas du contenu politique du programme gouvernemental.

François Bayrou attaque en effet les « grosses dérives » du pouvoir actuel. Il condamne ainsi Nicolas Sarkozy : « Jamais personne n’avait entraîné la France là où Nicolas Sarkozy l’entraîne aujourd’hui. Il transgresse tout ce qui était l’essentiel du consensus républicain. »

Sur le fichier Edvige, indigné que les tous les candidats aux élections soient fichés ou encore des mineurs de 13 ans, il est encore plus sévère : « Où va-t-on ? Quel régime est-on en train de mettre en place ? Quelle société est-on en train de construire ? »

Un sénateur de l’UMP lui a même avoué, à Versailles, lors du vote en Congrès de la révision constitutionnelle, qu’il avait eu raison : « Vous êtes le seul à avoir dit depuis le premier jour ce qui se passe à présent, et on ne voulait pas vous croire. »

Car les transgressions de Nicolas Sarkozy sont nombreuses et inquiètent avec raison bon nombre de citoyens.

Face à celles-ci, François Bayrou se montre comme le rempart le plus solide et le plus cohérent pendant que les éléphants socialistes piétinent dans leurs divisions.


Dans le troisième article, je préciserai les atouts et handicaps d’une éventuelle prochaine candidature de François Bayrou à l’élection présidentielle.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 août 2008)


Pour aller plus loin :

François Bayrou persévère dans son rôle d’opposant (31 juillet 2008).

Les votes et interventions du député des Pyrénées-Atlantiques (31 juillet 2008).

Les transgressions de Nicolas Sarkozy.



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