François Hollande, l’incompris
par parlons-en
vendredi 19 juin 2015
Certains dressent déjà un bilan catastrophique d’un président peu lisible, d’autres estiment déjà qu’il est un grand Président. Concrètement, qui est capable d’établir un jugement objectif sur la Présidence Hollande ?
Dans un an, la campagne pour la présidence de la République sera officiellement lancée. Chaque commentateur, citoyens, journalistes et politiciens vont se lancer dans la grande analyse du bilan. Une traditionnelle discussion de sourds où les uns oublis leurs échecs et les autres taclent par principe, sans vraiment réussir à contredire, puisqu’ils ne peuvent prouver qu’ils auraient fait mieux. Cette fois encore, François Hollande devra subir cette étape incontournable de diagnostic, propre à la démocratie. Il sera jugé sur ses engagements de 2012, sur sa fidélité ambigüe envers sa famille politique et sur ses décisions imprévus. De l’autre bord, chacun ira de son propre gré pour proposer une alternative, un virage, un changement, une soi-disant différence supposée sauver la France d’une gouvernance médiocre. C’est bien le principe d’une campagne politique : programme contre programme, vision contre vision, pédigrée contre pédigrée ; mais surtout, personnalité contre personnalité. Puisque les tentatives pour décrédibiliser l’autre sont prioritaire par rapport au vrai combat d’idées. Et tous les moyens sont bons : le physique, les qualités d’orateur, la gestion de la vie privée, les antécédents professionnels et personnels, etc. Ces batailles d’égos n’ont rien d’un débat constructif, au grand dam des observateurs étrangers : les citoyens.
La spécificité d’un débat centré sur le bilan, c’est qu’on compare un président à plusieurs candidats. Donc à quelqu’un qui a vécu, dormi, mangé, uriné, décidé, jugé, dirigé, espéré en tant que Président, avec les responsabilités qui accompagne le statut. Alors que les autres devront défendre une position critique sans pouvoir démontrer qu’ils auraient été capables de faire mieux. A ce jeu là, François Hollande sait mettre en avant ses atouts, ses réussites, tout en préservant sa modestie grâce à son expérience et à sa culture du pays, de ses sensibilités et surtout des règles du jeu dans l’arène politique. Il continuera d’étouffer ses échecs avec des arguments plausibles, car le métier de Président est « difficile » et on ne peut pas toujours aller au bout, même si on en a envie ; la faute au contexte, au temps, aux prédécesseurs, aux pessimistes. Seulement, François Hollande a un défaut qui peut lui faire perdre toute crédibilité, toute nouvelle élection, toute audibilité : son sens médiocre pour la pédagogie.
Sa victoire de 2012 était basée sur la mise en avant d’évidences que l’ancien Président n’avait pas exploité. Aujourd’hui, il doit faire comprendre au peuple que les mesures prises pendant ces années au pouvoir étaient les plus judicieuses pour le pays, même si elles ne respectaient pas tous les principes idéologiques de son mouvement politique originel. Faire comprendre aux électeurs qu’il a dû réformer dans ce sens parce que c’était une nécessité, ce qui demande d’être parfaitement compréhensible, avec des mots simples, justes, et selon un raisonnement cohérent. Mais François Hollande a déjà pris beaucoup de retard. Le pourquoi de ses décisions n’a jamais été saisi par la population, ni avant, ni pendant et encore moins maintenant. Il a misé sur le résultat pour prouver de la pertinence des décisions prises, mais il se retrouve bloqué dans un contexte imprévisible où les indices de référence qu’il a utilisé pour convaincre ne l’aident pas à valider ses choix.
Pourtant, il s’avère que la scène politique française n’est pas aussi exigeante. Les débats à la plus forte audience ne sont pas faits encourager la pédagogie. Ils se résument souvent à une bataille idiote et inutile entre personnages médiatiques formés à démolir l’adversaire plutôt qu’à bâtir à plusieurs. Le plus gros travail de l’équipe de François Hollande doit être, dès maintenant, de rehausser le niveau des discussions pour placer les électeurs devant un affrontement de fond, avec lucidité et pédagogie. Pour y arriver, ils ne doivent pas se laisser entrainer par les habitudes du système médiatique, assoiffé de clash et de phrases chocs. La course doit être linéaire, chaque point doit être débattu, un par un. Sur ce terrain de la vérité, François Hollande arrivera peut-être à démontrer que si la France est dans l’état dans lequel elle est, c’est-à-dire moins pire qu’elle aurait pu être, c’est notamment grâce à sa ligne politique et sa persistance. En clair, il doit prendre en main, avec l’aide de son parti et de ses alliés, l’ordre du jour des débats politiques pour élever leur niveau, tout en étant compréhensibles, accessibles et intéressants aux yeux des citoyens.
Bien sûr, se mettre au niveau de chaque citoyen pour le convaincre avec sincérité et précision n’est pas envisageable par un seul homme. Les bureaux politiques nationaux doivent relayer le processus par le biais des médias et les bureaux locaux par la presse régionale et par la reprise de la communication politique de proximité. La gauche doit occuper la place médiatique en apportant sur le plateau de jeu un résonnement cohérent, des explications simples, des démonstrations rationnelles et des personnes compétentes en matière de communication. En face, les adversaires devront accomplir le travail titanesque et risqué de proposer mieux sur le fond, et non sur la forme, comme ils se préparent à le faire pour les prochaines élections.