Frêche : « Trop de pieds noirs chez les Bleus ! »
par LM
vendredi 17 novembre 2006
Le président du Languedoc-Roussillon s’est encore fendu d’un de ces traits d’esprit qui l’ont rendu (in)fréquentable, à Montpellier comme à Ouarzazate. Cette fois-ci, c’est l’équipe de France de Raymond qui trinque, trop noire.
Dans le Sud, on dit de lui qu’il a parfois « les fils qui se touchent ». Georges Frêche, soixante-huit ans, président de la sémillante région du Languedoc-Roussillon, a l’habitude, à intervalles irréguliers, de faire parler de lui. Quelques déclarations à l’emporte-pièce, près du bonnet ou du ballon de rouge, suffisent à le placer dans quelques journaux télévisés, et à soulever l’indignation de la plupart des plumes vertueuses de notre beau pays. Lui s’en balance, fait parfois mine de s’excuser, ou y est obligé par la loi, et recommence aussi sec. Un peu fada, un peu à la « Loulou » (Nicollin, l’autre omniprésente tête pensante de la région) Frêche ne s’embarrasse plus de rien, ni de respect ni de bienséance politicienne. Ce que son parti, le PS, peut bien penser de ses « écarts », il s’en bat l’œil (ou autre chose). C’est pas monsieur Royal qui va le faire entrer dans les rangs. Ventripotent, l’accent roulant, Frêche ne dit rien quand il ne dit pas une connerie. Il doit entendre cela comme un régionalisme, une sorte de coutume locale. Il tentera d’imposer le nom de Septimanie pour rebaptiser la région de Languedoc Roussillon mais devra reculer devant un massif rejet populaire... après avoir dépensé deux millions d’euros en campagne d’affichage...
Donc de temps en temps l’imposant président de région se laisse aller à dire (selon l’expression de tout pilier de comptoir qui se respecte) « tout haut ce que les gens pensent tout bas ». Même si, chez Frêche, être le seul à partager ses idées ne l’empêche pas de dormir. Il sort sa vanne, en rigole sur le coup, et après tente de faire comme si rien ne s’était passé. Petit florilège, compilé par Wikipédia : en 2000, à l’occasion de l’inauguration du tramway de Montpellier, devant une femme en tchador, il s’exclame : « Ne vous inquiétez pas pour la Dame, elle n’a que les oreillons ! » La même année, passant sous un tunnel, dans ce même tramway, il déclare : « Ici, c’est le tunnel le plus long du monde : vous entrez en France et vous ressortez à Ouarzazate », le terminus du tramway étant dans le quartier de La Paillade, quartier à forte population maghrébine. En 2002, battu aux législatives, il déclare : « « La droite a été soutenue par les islamistes et les femmes voilées d’Al-Qaeda. » En mai 2003, à l’hebdomadaire La Gazette de Montpellier : « « Je dis que l’incapacité de notre pays, depuis quarante ans, à intégrer convenablement les millions de citoyens nés, sur notre sol, de parents d’origine étrangère, constitue [...] la plus grande menace intérieure pour notre avenir. [...] La communauté d’origine maghrébine devient si nombreuse qu’une partie d’entre elle ne souhaite plus s’intégrer », et que « le problème majeur n’est pas la religion, mais le nombre ». Beaucoup plus drôle, à la suite de l’élection de Benoît XVI : « J’espère qu’il sera meilleur que l’autre abruti », avant d’ajouter plus loin, toujours au sujet du nouveau pape allemand, et en faisant référence au bombardement de Dresde : « C’est dommage, ils en ont loupé un. » On ne reviendra même pas sur l’altercation la plus bruyante, en février dernier, au sujet des harkis, une sortie gauloise de Frêche qui dans son emballement et lors d’un dépôt de gerbe (une gerbe sur une gerbe, ça fait beaucoup de gerbes) traitera les harkis de « sous-hommes ». Il sera condamné, et s’excusera.
Aujourd’hui, celui qui n’en a « rien à foutre de l’avis d’universitaires trous du cul », s’en prend dans le journal Le Midi libre aux joueurs de l’équipe de France de football. Comme Le Pen en son temps. Frêche estime qu’il y a trop de noirs chez les Bleus : « Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu’il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais, là, s’il y en a autant, c’est parce que les blancs sont nuls. J’ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. » On pourrait tout de suite rétorquer à monsieur Frêche qu’une certaine équipe « all black » a récemment mis une déculottée de première à un quinze de France très blanc (de peur ?), donc qu’en sport le noir est parfois la couleur de la victoire. Mais il n’est pas dans les propos de Frêche question de sport, juste d’une analyse fine et juste ce que doit être une équipe de France : une équipe qui soit un reflet fidèle de la société. Or, les Bleus sont tellement noirs qu’on jurerait que la France c’est l’Afrique ! C’est là le fond (c’est le cas de le dire) de la pensée septimanienne de Frêche. Et puis, s’il y en a autant, de noirs, c’est parce que « les blancs sont nuls », nous dit-il. Bouffés tout crus par les envahissants noirs ! Aplatis, les blancs ! Du temps de la jeunesse de monsieur Georges, ça ne se serait pas passé ainsi ! Qu’on se le dise, en Septimanie et ailleurs !
Frêche a honte pour la France. Il supporte encore le poids de nos fautes sur ses larges épaules de pilier retraité, mais ça ne durera pas comme les impôts. Un jour ou l’autre, on devra faire sans lui, sans ses lumières, sans ses éclairages. Sans sa faconde. Pauvres de nous.
En attendant, au PS, en plein choix cornélien (la gazelle ou les gaziers ?), on réagit « fortement » aux propos de l’embarrassant : « Il faut qu’il s’en explique immédiatement ! », a grondé Hollande, bientôt première dame de France, en attendant obligé d’endosser un costume de surveillant général qui lui va comme un piercing à Ségolène. Claude Bartolone, bras droit de Fabius, est monté au créneau aussi, infligeant un « carton rouge » au septimaniaque, supporter de Royal. Jean Luc Mélenchon (on a les ennemis qu’on mérite) sénateur de l’Essonne a lui évoqué une « dérive raciste », en demandant aux candidats du PS à l’investiture de prendre leur distance avec « de tels propos », traduisez avec Frêche lui-même. Pas la première fois que certains socialistes, las des excès en tout genre de Frêche, demandent son exclusion pure et simple du PS. Fort à parier que l’intéressé s’en « moque » (pour ne pas parler comme lui). Fort à parier aussi qu’il garde encore quelques soutiens au Parti et que fort de sa longévité, c’est un de ces « encombrants » dont on ne se débarrasse pas comme ça, en le plaçant dans une benne Nicollin.
Et nos chers footballeurs, qu’en disent-ils ? On attend la réaction du « citoyen Thuram » ou du « psychologue Dhorasso » sur ce dérapage incontrôlable. Réunis hier entre « anciens » pour se faire applaudir du Stade de France, nul doute que ces travailleurs jamais au noir auront un message à faire passer à l’envahissant président du Languedoc-Roussillon. Nul doute non plus qu’il en faudra plus à Frêche pour se sentir coupable de quoi que ce soit, lui qui a bâti sa « légende » sur ces coups de gueule, et se contente aujourd’hui de gérer les affaires courantes et sa carrière finissante, en roue libre, avec quelques grands travaux à mener à terme, histoire de laisser une trace, physique et durable, de son passage.
Un successeur viendra, et d’aucuns diront peut-être : « J’espère qu’il sera meilleur que l’autre abruti. »