« Front Républicain » : un concept obsolète
par Fergus
vendredi 28 avril 2017
Faut-il appeler les électeurs à un vote Macron pour battre Le Pen ? Telle est la question que se posent de nombreux responsables politiques confrontés à la nécessité de mettre en œuvre ou pas un « front républicain » afin de barrer la route à la candidate du Front National. Le moins que l’on puisse dire est que ce concept défensif, lézardé ici, fissuré là, moribond ailleurs, ne fait plus l’unanimité, même au sein des partis de gouvernement...
Une large majorité des responsables politiques n’en appelle pas moins, dans le cadre de ce « front républicain » qui ne dit pas toujours son nom, à voter Emmanuel Macron. Sans trop d’ambiguïté du côté des socialistes, et de manière résolue dans les rangs des centristes. Rien de tel chez les Républicains où la volonté d’empêcher l’élection de Marine Le Pen à la présidence est nettement plus protéiforme entre les résolus partisans du vote Macron emmenés par Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, et même Nicolas Sarkozy, et tous ceux qui, dans une communication contournée, expriment d’ambiguës « pudeurs de gazelle », pour reprendre l’expression imagée de Jean-Luc Mélenchon.
Un candidat de la France Insoumise qui, pour sa part, n’a donné aucune consigne, préférant s’en remettre à l’avis des adhérents du mouvement, consultés par internet et dont la décision collective devrait être communiquée mardi.
En l’occurrence, seule la France Insoumise est dans le respect des électeurs : ce sont eux qui, par le truchement des adhérents du mouvement, diront ce qu’ils veulent entendre de la part des caciques de la FI. Tout cela pour, au final : soit voter en leur âme et conscience pour celui ou celle qu’ils considèrent comme le moindre danger, entre le néolibéral décomplexé Macron et la démagogue nationaliste Le Pen ; soit s’abstenir ou voter blanc afin de marquer leur profond rejet de ces deux faces d’une même désillusion.
Quant à l’inquiétude et aux atermoiements des caciques des partis de gouvernement si largement désavoués lors du 1er tour de la présidentielle, ils ont quelque chose de pathétique. Ce sont en effet très largement le Parti Socialiste et Les Républicains qui, avec le concours de leurs supplétifs, ont créé la situation présente en permettant la survenue d’un « 21 avril puissance 2 ». Plus les uns ont, depuis 20 ans, tenté de décrédibiliser le Front National, plus celui-ci a progressé, porté par la colère des cocus d’un système doux pour les puissants et dur pour les faibles. A contrario, plus les autres ont tenté de copier la ligne politique du FN, notamment en matière d’identité, de sécurité et d’immigration, plus ils ont conforté eux aussi le vote Front National en légitimant le traitement démagogique de ces thèmes dans l’opinion.
Dans de telles conditions, en appeler aujourd’hui à un « front républicain » pour éteindre l’incendie que ces partis ont eux-mêmes allumé il y a des décennies, puis entretenu de manière irresponsable scrutin après scrutin, n’a plus aucun sens. Et cela même si près de 8,7 millions de Français ont donné leur suffrage à Marine Le Pen le 23 avril. Les bons apôtres qui en appellent au « front républicain » devraient de surcroît démontrer que le Front National ne respecte pas les règles démocratiques en vigueur dans le cadre de nos institutions, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Certes, le Front National peut l’emporter au soir du 7 mai, et ce sera incontestablement la conséquence d’une grave maladie de notre système politique, gangréné par les dérives néolibérales et la course déraisonnable aux profits, au détriment des classes populaires, de plus en plus précarisées, et des droits sociaux, de plus en plus remis en cause. Rien d’étonnant pourtant dans ce possible triomphe de la candidate du FN : depuis bien trop longtemps, les responsables politiques de la droite républicaine et de la gauche socialiste attisent les braises en méprisant les aspirations du peuple de France et le rejet de ces prétendues élites dont le cynisme n’a d’égal que la cupidité.
Le 7 mai, les électeurs auront donc le choix entre la cible de ce « front républicain » obsolète, l’autoproclamée « candidate du peuple », par ailleurs nationaliste et xénophobe, et le serviteur zélé des puissances financières et industrielles, adoubé par les libéraux allemands et chaleureusement soutenu par l’ex-président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Tempête dans de nombreux crânes en perspective...