Gérald Dahan, pire que les RG ?

par Brady
mercredi 31 janvier 2007

Gérald Dahan, l’imitateur qui a fait croire à Raffarin que Douste-Blazy aimait les petites dames de Boulogne, et qui a fait mettre la main sur le coeur des Bleus pour la France de Chirac, vient de frapper encore en piégeant Ségolène Royal. Drôle ? Ou inquiétant ?

Pour être sincère : j’aime bien les imitations de Gérald Dahan. A condition qu’on les prenne pour ce qu’elles sont : de fausses conversations téléphoniques mêlant une personnalité et un interlocuteur supposé réel et il est extrêmement difficile de démonter l’imposture. C’est ainsi qu’imitant Philippe Douste-Blazy, Dahan avait réussi à faire croire à Jean-Pierre Raffarin que son ministre de la Santé était coincé du côté du Bois-de-Boulogne en fâcheuse posture (à une époque où un proche de Raffarin avait rencontré ce genre de pépin...). Mais son plus gros coup, dont des millions de Français ont été témoins, a eu lieu à l’occasion du match de football Eire-France à Dublin. En imitant Chirac hospitalisé, Dahan a réussi à faire mettre la main sur le coeur à l’ensemble de l’équipe de France. Dahan a même réussi plus tard à imiter Thuram (qui n’a pourtant pas un accent marquant, a priori) pour piéger des journalistes sportifs en leur faisant croire que Thuram et Zidane allaient racheter le PSG.

Vu comme cela, c’est drôle. Mais il y a un côté inquiétant à l’histoire (non, non, j’essaye de ne pas virer parano). Le premier point inquiétant, c’est la facilité avec laquelle un imitateur se procure les numéros de téléphone des grands de ce monde. On parle des RG, mais la facilité avec laquelle Dahan a pu se procurer le numéro de téléphone de Jean-Pierre Raffarin à Matignon est quand même surprenante. Dès lors vient une question : que se passerait-il si un imitateur aussi brillant que lui arrivait à se faire passer pour un proche de MAM pour extraire des informations relatives à la défense nationale ? Ou s’il s’infiltrait pour piocher les informations confidentielles de campagne, en imitant Raffarin auprès de Sarkozy, ou en appelant Dray en se faisant passer pour Strauss-Kahn ? N’y a-t-il pas un risque d’instrumentalisation des compétences de l’imitateur qui pourrait ainsi être un outil de renseignements plus efficace que les RG ?

C’est pour cette question que le dernier gag de Dahan m’inquiète plus qu’il ne me fait sourire. Gérald Dahan a piégé Ségolène Royal en se faisant passer pour le premier ministre du Québec, Jean Charest, auprès de la candidate socialiste (on peut s’étonner au passage que le numéro de la candidate ait pu être, une fois encore, facilement obtenu). S’ensuit un échange supposé privé (du moins du point de vue de la candidate). Gérald Dahan promet de libérer l’intégralité de l’entretien le 8 mars, lors d’un spectacle privé, mais sort un extrait le plus significatif, où la candidate déclare en riant : "Les Français n’auraient rien contre (l’indépendance de la Corse)". Naturellement, Sarkozy, qui ne veut pas tirer la campagne sur le caniveau, et qui a été particulièrement brillant dans la gestion de la question Corse durant son mandat place Beauvau, a vite rebondi sur l’affaire et sur une nouvelle aubaine qui tombe très bien.

Sauf que... permettez-moi d’être un peu parano. Gérald Dahan n’avait-il pas été invité à faire quelques imitations lors du Congrès d’investiture de l’UMP ? Et pourquoi diffuse-t-il cet extrait-ci, rajoutant du sel sur une polémique alors que la personne visée se trouve à 7000 kilomètres de l’hexagone ? Surtout, pourquoi tente-t-il d’en faire une exploitation commerciale pour la promotion de son spectacle, là où il pourra diffuser l’intégralité de l’entretien, permettant de juger la candidate sur l’intervention complète, et non sur quelques lignes qui peuvent facilement modifier tout le sens de l’intervention ?

Je précise que vu l’estime que j’ai pour Gérald Dahan, j’espère qu’il reviendra sur sa déclaration et diffusera l’entretien en intégralité, car il est dommage d’exploiter une partie seulement de la conversation (sans même avoir demandé a priori l’autorisation à sa victime, alors qu’il avait eu la décence de le faire pour le faux entretien Douste-Blazy/Raffarin), sans donner l’occasion au spectateur de tout connaître, afin de ne pas montrer qu’un piège "à décharge".

Car il vient de démontrer qu’avec un bon imitateur et des fuites de numéros téléphoniques, on peut faire bien plus de dégâts qu’avec les services de renseignement...


Dahan piège Sarkozy


Dahan piège Ségolène Royal


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