Gilets jaunes : Macron est-il sorti du guêpier ?

par Fergus
lundi 29 avril 2019

La conférence de presse donnée par Macron le jeudi 25 avril à l’Élysée a été scrutée avec une grande attention par les observateurs de tous bords, français et étrangers. Dans le contexte de conflit social qui, sous l’impulsion des Gilets jaunes, agite notre pays depuis le mois de novembre, l’exercice s’annonçait délicat, voire périlleux pour la capacité du président à garder la main sur l’agenda politique…

Un exercice d’autant plus difficile, et potentiellement hasardeux, que de fortes attentes avaient été exprimées par nos compatriotes dans les cahiers de revendications et lors des très nombreux débats organisés par les municipalités et les associations sur l’ensemble du territoire national. Quelques jours après son « grand oral » élyséen, Macron peut-il s’estimer tiré d’affaire ou, au contraire, doit-il encore craindre une paralysie de sa capacité d’action ? À ce jour, nul ne peut le dire. Mais le fait est que, dans l’entourage du chef de l’État, les crispations qui prévalaient avant la conférence de presse, ont laissé la place à des attitudes nettement plus confiantes et détendues. 

Sur la forme, force est de reconnaître que Macron, après un discours liminaire trop dilué et, de ce fait, quelque peu soporifique, a été plutôt bon durant la longue séance de questions-réponses à laquelle il s’est prêté face aux représentants des médias, présents en grand nombre dans la salle des fêtes rénovée de l’Élysée. Il est vrai que le président, constamment animé par une feinte empathie, affectionne tout particulièrement ces échanges qui en réalité n’en sont pas, faute de possibilité de relance de la part des questionneurs. À cet égard, les 80 heures de « débat » auxquelles Macron, dans des conditions le plus souvent similaires, s’est soumis lors de ses rencontres avec les maires de France ont été pour lui autant de profitables séances de média-training.

Sur le fond de sa prestation, Macron – en bon héritier de ses prédécesseurs – nous a fait du Sarkozy ou du Hollande en affirmant droit dans les yeux des téléspectateurs qu’il avait non seulement écouté mais entendu les revendications émanant des classes populaires et moyennes. Un désir de changement si fortement exprimé par nos compatriotes – qu’ils soient ou non porteurs d’un gilet jaune – que le chef de l’État a, par nécessité pour le bien de notre pays, décidé au terme d’une intense réflexion de… garder le même cap ! Ce même cap néo-libéral, émaillé de régressions sociales et de détricotage insidieux des acquis des salariés et des retraités, qui a conduit au blocage des ronds-points et suscité un très fort soutien des Français au mouvement des Gilets jaunes.

Certes, il y a eu de la part d’un président au pied du mur quelques avancées positives ici et là, notamment en matière de fiscalité pour les classes moyennes. Merci les Gilets jaunes et tous ceux qui ont apporté leur contribution au Grand débat ! Mais le compte n’y est pas et l’on reste évidemment très loin des attentes exprimées par les Français, tant sur le plan socio-économique que sur le plan institutionnel. Et que dire de l’écologie, presque totalement absente de cette grand-messe élyséenne, exception faite de la création d’un « Conseil de défense écologique » dont l’influence risque d’être anecdotique ?

Faut-il être surpris des insuffisances criantes qui caractérisent les annonces de Macron ? Non, car l’on n’attendait pas grand-chose de cet exercice, et l’on n’a par conséquent pas été surpris du contenu étique de l’emballage présidentiel. Manifestement, le président n’a pas entendu les Français dans leur diversité, ou du moins ne leur a prêté qu’une oreille délibérément sélective. La réalité qui se dégage de sa prestation est en effet évidente de cynisme : Macron a choisi de brosser dans le sens du poil son électorat et ses soutiens oligarchiques de 2017 en ne cédant qu’à la marge aux revendications de nos concitoyens. 

Dans de telles conditions, les manifestations du samedi 27 avril ont, pour Macron et ses amis, pris une allure de test. Rejoint par de nouvelles troupes, le mouvement des Gilets jaunes aurait démontré que le chef de l’État a perdu son pari. Cela n’a pas été le cas : le ministère de l’Intérieur a dénombré 23 600 manifestants sur le territoire national, dont plus de la moitié à Paris étaient venus des rangs cégétistes. Quant aux Gilets jaunes, ils ont eux-mêmes évalué la participation à 60 000, autrement dit très en-deçà des cohortes attendues de Français mécontents des annonces présidentielles.

Macron n’a donc pas perdu son pari, mais il est évident qu’il ne l’a pas gagné non plus car les frustrations sont vives chez nos concitoyens, et la colère d’une partie significative d’entre eux n’est pas retombée, quoi que l’on puisse en penser dans les sphères du pouvoir. Ces sentiments à l’égard de l’exécutif s’exprimeront-il dans les manifestations du 1er mai sous la forme d’une participation massive ? Rien n’est moins sûr, et c’est plus probablement le 26 mai dans les urnes du scrutin européen que le mécontentement s’exprimera, malheureusement sans la moindre chance que le résultat soit de nature à changer ce fameux cap néolibéral. À moins que les Français ne saisissent cette opportunité de sanctionner Macron ? On n’ose y croire…


Lire l'article complet, et les commentaires