Gilets jaunes : Pourquoi Emmanuel Macron, loin d’être un incompétent, est un dirigeant remarquable

par Alexandre Gerbi
mardi 20 novembre 2018

La politique conduite depuis un an et demi par Emmanuel Macron et ses résultats désastreux (hausse de la fiscalité, du chômage, de la dette, chute du pouvoir d'achat, de la protection sociale, de l'économie, etc.) conduisent bon nombre d'analystes à douter de la compétence de celui qu'on nous présentait hier encore comme un petit génie polymorphe.
 
Evidemment, s'il suffisait d'avoir échoué au concours de l'ENS, d'avoir réussi celui de l'ENA et d'avoir gagné des millions chez Rothschild pour être un esprit supérieur, cela se saurait. Et à vue de nez, à en juger par nombre de ses déclarations (en vrac : "Être élu est un cursus d’un ancien temps", "La Guyane est une île", "La colonisation est un crime contre l'humanité", "Je n'aime pas ce terme de modèle social", "Les Britanniques ont la chance d’avoir eu Margaret Thatcher", etc.), Macron est loin d'être un Albert Einstein de la politique, de l'histoire et de la géographie.
 
Au demeurant, la nullité apparente du président Macron pourrait n'être qu'un trompe-l'oeil. Car à y regarder de plus près, il n'est pas impossible que celui qui tient lieu de chef de l'Etat soit au contraire un remarquable stratège politicien.
 
En effet, on peut lire dans l'ouvrage de référence intitulé Le Grand Echiquier (1997) de Zbigniew Brzezinski :
 
"En matière économique, l’Europe doit résoudre le problème que pose son système de redistribution sociale trop lourd et qui entrave ses capacités d’initiative. La résistance que les corporatismes de toutes sortes opposent aux tentatives de réformes accroît le handicap, parce qu’elle contraint les États à concentrer leur énergie sur les problèmes intérieurs."
 
Telle était, au lendemain de la chute de l'URSS, la feuille de route ultralibérale prévue pour la France et pour l'Europe par le pouvoir états-unien dont Brzezinski était l'une des éminences grises en matière géostratégique. 
 
En clair : l'Europe n'ayant plus son rôle de vitrine à tenir face au bloc soviétique, elle devait remiser son "modèle social" (ce terme que Macron n'aime pas) défendu par les "corporatismes de toute sorte" dont les Gilets Jaunes, à n'en pas douter, sont un ultime avatar. 
 
Vingt et un an après Le Grand Echiquier, la destruction du modèle social européen est déjà en grande partie chose faite chez nos voisins. Mais cette même destruction connaît quelques difficultés à triompher complètement en France. Malgré les nombreuses érosions dont il a fait l'objet sous les règnes successifs de Chirac, Sarkozy et Hollande, le modèle social français conserve encore quelques beaux restes. Macron, porté à bout de bras par le Système pour accéder à la magistrature suprême en 2017, est manifestement chargé d'achever la besogne. 
 
Dans cette entreprise, Macron doit, comme énoncé par Brzezinski, affronter les divers corporatismes. Beaucoup sont déjà totalement ou en grande partie domestiqués, de la presse sous perfusions aux syndicats également sous perfusion. Reste donc l'ultime rempart : le "petit peuple", c'est-à-dire les 75% de Français perdants de la mondialisation. Or comment faire avaler à cette fraction majoritaire de la population, déjà largement précarisée, la destruction de son modèle social ? Tout simplement en lui expliquant d'un air navré : "Le pays n'a plus d'argent. La France est en cessation de paiement. Il faut malheureusement renoncer à notre modèle social. Tout simplement parce que nous n'en avons plus les moyens."
 
Sous cet angle, une politique telle que celle de Macron, qui a pour effet, en ruinant le pouvoir d'achat, de faire exploser le chômage et la dette, tout en achevant de démolir l'économie, est excellente. Elle permet de justifier la réalisation du plan défini par Brzezinski et, au delà, par tous les tenants du Système, à commencer par l'ultralibérale Commission européenne et ses marionnettistes financiers.
 
Il faut donc se rendre à l'évidence. Loin d'être un incompétent, Emmanuel Macron est au contraire un expert remarquable dans l'art de mettre le pays à genoux, pour lui faire enfin accepter l'inacceptable. C'est pourquoi il regarde avec un petit sourire en coin les Gilets Jaunes, "sans-dents", "alcooliques", "illettrés", "derniers de cordée" et autres "gens qui ne sont rien", se débattre au bord de l'abîme de misère qu'il a creusé et qu'il compte bien, "gardant le cap", continuer de creuser pour eux.

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