Gouvernement Valls : la montagne accouche d’une souris

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 2 avril 2014

Très peu de changements : tout ce grand bruit pour ça ? L’arrivée de Ségolène Royal et de François Rebsamen, le seul sang neuf du gouvernement, ne semble pas en mesure de redonner une impulsion aux réformes pour sortir la France de la spirale du chômage et du manque de repère dans un monde globalisé.



Le changement de gouvernement ne va pas beaucoup changer la donne. La composition de la liste des membres du gouvernement (ici) a été rendue publique ce mercredi 2 avril 2014 peu après 11h15, quelques minutes après le départ du Président de la République François Hollande pour Bruxelles. Le nouveau gouvernement se réunira à l’Élysée le vendredi 4 avril 2014 à 10h00 pour le premier conseil des ministres.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce nouveau gouvernement est presque la copie conforme du précédent, à quelques ministères près. Les conseillers du nouveau Premier Ministre insistent pour dire que c’est le gouvernement le plus resserré de la Ve République avec 16 ministres (8 hommes, 8 femmes) mais il semblerait que seront par la suite nommés des ministres délégués ou des secrétaires d’État qui rendront (discrètement) ce gouvernement aussi pléthorique que les précédents (cette pratique d’une nomination en deux étapes est assez fréquente).

Les écologistes d’EELV ont quitté le navire pour des raisons aussi politiciennes qu’ils y étaient entrés, puisque Manuel Valls n’a pas encore eu le temps de présenter ce qu’il allait faire maintenant (concrètement). Chapeau (!) quand même à certains parlementaires EELV qui mourraient d’envie d’entrer au gouvernement et qui ont résisté à la tentation (très insistante de Manuel Valls) qui aurait fait éclater le parti écologiste. Je pense notamment à Jean-François de Rugy et Jean-Vincent Placé.

Deux autres personnalités importantes du précédent gouvernement ont été, elles aussi, remerciées : Pierre Moscovici, incapable de leadership politique, et Vincent Peillon, beaucoup trop individualiste dans sa cuisine ministérielle.

Notons que pour les "exclus", grâce à Nicolas Sarkozy et sa révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ils pourront retrouver dans un mois leur siège de parlementaire (national ou européen) sans provoquer d’élection partielle, ce qui est appréciable dans le contexte actuel.

Deux seules personnalités font leur entrée au gouvernement : un retour pour Ségolène Royal, en deuxième place derrière Laurent Fabius, avec un grand Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, un ministère équivalent à celui de Jean-Louis Borloo puis Nathalie Kosciusko-Morizet ; et enfin, l’arrivée tant attendue du sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen, pas à l’Intérieur ou à la Décentralisation comme il s’y était préparé, mais au Travail, à l’Emploi et au Dialogue social.

Mais pour l’essentiel, à quelques chaises musicales près, les principaux ministres restent ce qu’ils étaient sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : Laurent Fabius aux Affaires étrangères (et le Développement international, l’équivalent du commerce extérieur), Arnaud Montebourg à l’Industrie (avec l’Économie en plus), Marisol Touraine aux Affaires sociales, Jean-Yves Le Drian à la Défense, Najat Vallaud-Belkacem aux Droits des femmes (qui récupère aussi la Ville, la Jeunesse et les Sports), Marylise Lebranchu à la Décentralisation, Aurélie Filippetti à la Culture et à la Communication et Stéphane Le Foll à l’Agriculture (qui devient porte-parole du gouvernement).

Sans oublier le principal maintien que j’ai gardé pour la fin, qui a une signification d’autant plus politique qu’elle était souvent en opposition avec Manuel Valls, Christian Taubira reste Ministre de la Justice.



Parmi les changements, Bernard Cazeneuve est nommé à l’Intérieur et Michel Sapin aux Finances : ce sont deux proches de François Hollande. Malgré son inconsistance, Benoît Hamon a reçu une belle récompense pour représenter l’aile gauche du gouvernement avec l’Éducation nationale mais aussi l’Enseignement supérieur et la Recherche, troisième dans la hiérarchie gouvernementale, Sylvia Pinel est transférée du Commerce (où elle n’avait pas brillé) au Logement (le poste de Cécile Duflot) et George Pau-Langevin à l’Outremer (élue parisienne, elle était auparavant déléguée à …la réussite éducative !).



Parmi les absents, outre l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë et l’actuelle maire de Lille Martine Aubry, on pourrait regretter l’absence du sénateur André Vallini qui attendait depuis longtemps la Justice et Jean-Michel Baylet qui, apparemment, était sur le point d’être nommé mais une mise en examen est arrivée au même moment. Plus généralement, avec l’éviction de Geneviève Fioraso, l’absence de Michel Destot et d’André Vallini, c’est Grenoble qui a été mis à l’index par le nouveau gouvernement, peut-être pour cause de résultats municipaux indélicats ?

En dehors de Martine Aubry, tous les candidats socialistes à la primaire de 2011 sont désormais au gouvernement de l'ancien maire d'Évry.

Dans l’ensemble, cela manque donc terriblement d’originalité et d’audace. Loin d’harmoniser Bercy, on y a au contraire créé un véritable bicéphalisme en séparant les Finances (Michel Sapin) de l’Économie (Arnaud Montebourg), ce qui laisse présager de futurs couacs sur toutes les questions économiques à un moment où la cohésion de l’exécutif sur ces sujets est indispensable.

Rappelons aussi que deux ministres, Ségolène Royal et Michel Sapin, l’étaient déjà avec précisément les mêmes portefeuilles sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy, nommé il y a exactement vingt-deux ans !

François Hollande s’est adjugé des proches pour les postes régaliens de l’Intérieur et de la Défense (à l’exception du Quai d’Orsay et la Justice).

Il est assez étrange que certains ministres sortants qui ont montré qu’ils étaient en échec dans leurs projets ne bougent pas et sont confirmés voire promus. C’est le cas de Marylise Lebranchu, incapable de faire la réforme du territoire qui est attendue pour diminuer les strates, Arnaud Montebourg incapable de redéfinir une véritable dynamique industrielle, Michel Sapin, incapable de réduire le chômage, et Laurent Fabius dont l’action diplomatique peut être contestée dans les relations de la France avec la Russie et la Chine.

Au final, cette équipe, qu’on dit resserrée dans un premier temps mais qui va être apparemment complétée dans un second temps, n’a aucune raison de redonner un peu de souffle sinon un nouvel élan à l’exécutif puisqu’elle émane directement du gouvernement précédent. À quand le grand retour de Dominique Strauss-Kahn ou l’arrivée de Daniel Cohn-Bendit ?!

Les électeurs auront cependant une nouvelle possibilité de se faire entendre, pas plus tard que dans moins de deux mois, le 25 mai 2014, aux élections européennes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (2 avril 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Composition du gouvernement Valls du 2 avril 2014.
Bilan désastreux des municipales pour le PS.
Manuel Valls nommé à Matignon.
Matignon selon Pompidou.
François Hollande.
Manuel Valls.
Laurent Fabius.
Ségolène Royal.
Benoît Hamon.
Christiane Taubira.
Michel Sapin.
Arnaud Montebourg.


 

 

 


 


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