Grand débat : fiscalité plus juste, hauts revenus plafonnés, services publics renforcés, Les Rencontres Républicaines livrent leurs pistes

par Bastien Gouly
mercredi 6 février 2019

Grand débat national : chiche ?

 

Le président de la République a lancé depuis le 15 janvier 2018 un grand débat national pour trouver une réponse politique au mouvement des Gilets jaunes. Or, deux constats peuvent déjà être posés :

- Il s'avère que les revendications des Gilets jaunes sont assez simples et connues : problème de pouvoir d'achat et demande de plus justice fiscale. Il n'apparait dès lors pas nécessaire d'entamer un grand débat national pour que le gouvernement puisse comprendre les enjeux de la crise sociale.

- Il apparait que le grand débat national soit d'abord une tentative pour le pouvoir d'éteindre la contestation et les revendications pour mieux les détourner. En effet, plusieurs ministres, et le président lui-même, ont déjà averti qu'ils ne changeraient pas de cap politique à l'issue du grand débat national. Ainsi, on peut se demander l'intérêt de pratiquer une illusion de débat pendant trois mois, si ce n'est tenter de justifier les politiques menées et faire indirectement campagne avant les élections européennes de mai 2019.

Néanmoins, Les Rencontres Républicaines, souhaitant l'éclosion d'idées émancipatrices, proposent au débat et à la discussion générale plusieurs pistes de réflexion.

 

I) La justice fiscale :

 

- Non pas réduction mais meilleure répartition de l'imposition sur le revenu. Rajouter trois tranches d'imposition entre 9 974 euros et 50000 euros pour réduire l'imposition sur ces différentes classes populaires et moyennes. (Exemple : de 9 974 euros à 15 000 euros, taux à 10% - contre 14% aujourd'hui ; de 15 000 à 25 000, taux à 12% ; de 25 000 à 37 500, taux à 14% ; de 37 500 à 50 000, taux à 20% - au lieu de 30% actuellement).

 

 - Création de nouvelles tranches d'imposition au-delà de 155 000 euros (exemple : taux à 50% de 155 000 à 200 000 euros ; 55% pour les revenus imposables de plus de 200 000 euros à 250 000 euros ; 60% de 250 000 à 350 000 euros ; 65% de 350 000 à 450 000 euros ; 70% de 450 à 600 000 euros ; 75% de 600 à 750 000 euros ; 80% de 750 000 à 1 million d'euros ; 85% au-delà de 1 million d'euros).

- Suppression de la flat tax car le barème de l’imposition doit redevenir progressif. La flat tax est entrée en vigueur le 1er janvier 2018 avec un taux fixé à 30%. Instaurée par Emmanuel Macron, elle concerne les revenus du capital et permet un bouclier fiscal pour les plus riches.

- Développer un service fiscal pour les citoyens français vivant et/ou travaillant sur le sol étranger, déclarant des revenus hors de France. Chaque citoyen français a des droits et des devoirs qu'il habite en France ou à l'étranger. L'Etat a également des droits et des devoirs vis-à-vis de chaque citoyen, qu'il réside en France ou à l'étranger. Par voie de conséquence, si le Français habite dans un pays où l'imposition est moins forte qu'en France, l'Etat doit alors soumettre ledit citoyen a une imposition française. Pour exemple, les Etats-Unis ont également un système imposant les Américains expatriés.

 

- Mise en place d'une TVA ultra-réduite à 1% sur les produits de première nécessité (alimentaire, hygiène et certains produits médicaux).

 

- Instauration de deux nouvelles taxes TVA progressives pour les produits alimentaires selon leur qualité nutritive. L'une à 8% pour les produits qui seraient étiquetés "orange" selon leur "nutri-score", l'autre à 10% pour les produits qui seraient étiquetés "rouge" selon leur "nutri-score". Si le label "nutri-score" n'est pas encore une obligation pour les marques, son calcul peut être repris pour fixer la TVA selon la qualité nutritionnelle du produit.

 

- L'Etat ne peut pas augmenter massivement la taxe sur le Diesel quand ce même Etat incitait quelques années auparavant à l'achat de véhicules... Diesel. Si l'Etat a un cap, celui de réduire la consommation de Diesel, les mesures ne peuvent être qu'incitatives et non punitives.

- L'Etat ne peut pas sanctionner les automobilistes parce qu'ils roulent à l'essence. Les citoyens ne doivent pas être punis parce que l'Etat et les constructeurs n'ont pas davantage développé les véhicules "propres" à prix abordables et permettant une utilisation similaire au parc existant. Les primes accordées aux foyers les plus démunis sont évidemment insuffisantes pour que ceux-ci puissent investir dans un véhicule électrique ou hybride. Les incitations doivent être plus nombreuses. D'ailleurs, l'Etat n'a-t-il pas un rôle d'investisseur dans "la recherche et développement" s'il souhaite remplacer l'ensemble du parc automobile à essence par un parc fonctionnant avec une énergie dite propre ?

- Restructuration du CICE (supprimé au 1er janvier 2019 et remplacé par un allègement des cotisations sociales pour les entreprises). Les allègements doivent être ciblés uniquement sur les PME/TPE françaises.

 

II) Les services publics :

 

- Non pas réduire mais renforcer les services publics. Les services publics permettent un bouclier de protection pour les populations les plus fragiles, notamment lors de crises financières et économiques. Ils permettent aussi de réduire les inégalités sociales. L'Etat doit de nouveau investir massivement dans l'Education nationale, la santé et les services de protection afin que ces services restent publics et accessibles aux citoyens de toute zone. Exemples : recrutement de professeurs et de personnels soignants, investissements pour l'amélioration des conditions de travail et d'accueil dans les hôpitaux ou les commissariats. 

 

- Dans un principe de renforcement des services publics, toute loi imposée au secteur privé par l'Etat, si celle-ci favorise les droits ou avantages du salarié, doit également s'imposer aux services publics. Ainsi, par exemple, les agents publics (ou fonctionnaires) devraient avoir droit à une complémentaire santé subventionnée à plus de 50% (comme cela a été exigé pour les entreprises privées au 1er janvier 2016). Aussi, lorsque Emmanuel Macron a demandé le 10 décembre aux entreprises d'offrir une prime (qui a été défiscalisée dans la limite de 1000 euros), l'Etat se devait de donner l'exemple. 

 

- L'Etat doit déchirer et revoir son plan Action publique 2022. Il ne peut pas favoriser le recours aux contrats courts et aux précaires (vacataires) pour assurer les services publics. C'est un non sens. Il ne répond qu'à une logique économique dangereuse qui remet en cause l'objectif du service public. Rappelons que ce même Etat a d'ailleurs tenu le discours, celui de punir les entreprises privées qui abuseraient des contrats courts (CDD). L'Etat doit donc être cohérent. Pour rendre les services publics efficaces, il faut que ses agents soient dans une relation de confiance avec leur employeur, l'Etat.

 

III) Les institutions :

 

- Retour au septennat pour le mandat présidentiel. D'abord, Ccela permettra aux citoyens et aux élus de ne pas être constamment en temps électoral. Si le président de la République dispose d'un mandat de deux années de plus que le mandat parlementaire à l'Assemblée nationale, il peut alors surpasser les logiques de partis. Il peut aussi représenter la France à l'international, sans se soucier des éventuelles manœuvres parlementaires. Enfin, avec le septennat, le Président de la République peut agir sans l'adoption d'une réflexion "court-termiste" en vue de sa propre réélection.

 

- Pour la fusion du CESE avec le Sénat. L'une des crises d'un régime peut reposer sur l'illisibilité de ses institutions. Actuellement, parmi les principales critiques : le rôle du Sénat et du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Le Sénat est la chambre haute représentant 344 sénateurs élus au suffrage indirect. Le CESE est une assemblée représentant divers acteurs de la société, 233 conseillers désignés pour cinq ans par les organisations (patrons, syndicats, associations) et le conseil des ministres. Ces deux instances sont l'expression de la reconversion d'élus et de "copains". Le CESE fait davantage de la figuration, censé donner son avis sur les projets de lois, décrets et ordonnances. Il est très peu utilisé et a une force simplement consultative. Un gouvernement peu passer outre.

En fusionnant le Sénat avec le CESE, on donne un nouveau souffle aux institutions. Nous pouvons ainsi envisager un Sénat de 250 membres – soit moins de la moitié du nombre total des membres actuels du CESE et du Sénat. Il pourrait réunir, pour une demi-partie, des élus politiques (élus au suffrage indirect à travers les circonscriptions locales) et, pour l’autre moitié, des membres des forces actives du pays. Cette proposition, sans le chiffrage, ni quelques intentions, avait été proposée en 1969 par le Général de Gaulle par référendum.

Parmi les différences souhaitées par rapport au projet de 1969, qui reste de fait une innovation inachevée de la Ve République :

Les procédures de navette parlementaire (Assemblée nationale vers le Sénat) seraient maintenues, y compris pour les lois organiques (définissant l’organisation des pouvoirs administratifs).

Cette nouvelle formule du Sénat serait complémentaire de l’Assemblée nationale. Elle vise à connecter le pouvoir politique avec les forces actives. Accord ou désaccord, le gouvernement pourra se justifier de toute action devant une représentation générale de la France.

Une limite doit être toutefois imposée à ce pouvoir sénatorial : l’Assemblée nationale conservera la priorité dans la production normative. Le Sénat pourra proposer, produire et valider. Il ne pourra bloquer une loi ou une réforme, qu’après avoir acquis les trois quarts des votes de sa représentation (à l’encontre du projet), soit 188 voix dans ce modèle.

Effectivement, l’idée est et reste que le gouvernement est nommé démocratiquement et doit pouvoir agir avec la chambre basse (l'Assemblée nationale), directement élue par la nation.

- Pour une suppression ou une restructuration de la plupart des hautes autorités et conseils supérieurs. Le nombre d'institutions alternatives, guidant l'action du pouvoir, ne fait qu’augmenter et permet d'offrir des strapontins lucratifs aux "recasés" de la République. Ces institutions sont généralement censées faire le travail que le CESE doit lui-même fournir. Le CESE est ainsi directement mis en concurrence par les hauts conseils (exemple : Haut Conseil à la vie associative), conseils supérieurs (exemple : Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes) ou hautes autorités (exemple : Autorité de la concurrence), etc.

Ces institutions doivent être supprimées si leurs prérogatives rentrent dans le cadre du CESE.

 

- Le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) doit être démantelé et recréé sur des bases saines. L'Etat doit le rendre indépendant en supprimant son mode actuel de désignation. Actuellement : "Le Président du CSA est nommé par le Président de la République. Les six autres membres du Collège sont nommés par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. Ces derniers désignent chacun trois membres, choisis en fonction de leurs compétences, de leur expérience et de leur expertise." Il faut fixer une nouvelle méthode de désignation des membres :

D'une part, un membre pourrait toujours être nommé par le président de la République. D'autre part, les 24 autres membres pourraient, quant à eux, être nommés par la CCIJP (Commission de la carte d'Identité des Journalistes Professionnels).

 

IV) Mesures diverses

 

1) Assurer le meilleur service et une meilleure sécurité pour les citoyens.

2) Rendre moins dépendant l'Etat vis-à-vis des fluctuations du marché concernant certains services essentiels (comme l'énergie et l'eau).

 

 

 

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