« Gréviculture », Monsieur Attal ? Et si l’on parlait plutôt de la « Mépriculture » des puissants

par Fergus
lundi 9 avril 2018

Qu’il y ait en France un nombre de journées de grève plus élevé que chez nos voisins, et notamment l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe, c’est un fait avéré, et par conséquent incontestable. Les grévistes arrêtent-ils pour autant le travail de gaîté de cœur en amputant leurs ressources et en occasionnant une gêne pour les clients de leur entreprise ? Non, évidemment ...

Gabriel Attal (photo Le Point)

Il y a quelques jours au micro de France-Inter, le député des Hauts-de-Seine et porte-parole du parti présidentiel LREM Gabriel Attal était interviewé par le journaliste Nicolas Demorand. Une interview marquée, de la part du très ambitieux parlementaire estampillé En Marche !, par une insupportable arrogance qui a été très mal ressentie par de nombreux auditeurs et a, dans les heures et les jours qui ont suivi, suscité de multiples réactions négatives dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il a notamment été reproché à Gabriel Attal d’avoir accusé les Français en général et les cheminots en particulier d’être ancrés dans la « gréviculture » qui prévaudrait, selon lui, dans notre pays et nuirait à son développement et sa nécessaire modernisation.

Qui est Gabriel Attal ? Un jeune politicien de 29 ans éduqué dans le cadre de la très sélect École Alsacienne puis diplômé de la prestigieuse IEP de Paris (Sciences-Po). Conseiller de l’ex-ministre de la Santé Marisol Touraine, Gabriel Attal – un pur produit de la « gauche caviar » –, n’en est pas moins passé sans vergogne du PS à LREM, faute d’avoir été investi par la section locale socialiste des Hauts-de-Seine en vue des législatives en 2017. Élu député En Marche !, Gabriel Attal est nommé porte-parole de LREM en novembre de la même année.

Bref, tout va très bien pour cet ambitieux dont les dents rayent de manière si évidente le parquet que l’on en serait presque gêné pour lui si ses propos ne suscitaient la juste colère des ouvriers et des employés de notre pays. Car de facto les propos tenus par Gabriel Attal sont inacceptables, tout particulièrement dans la bouche d’un individu qui n’a jamais de sa vie exercé le moindre emploi dans une entreprise, et qui ne sait donc rien des conditions de travail et des pressions subies par les salariés qu’il vilipende pourtant sans retenue sur un ton aussi péremptoire que condescendant.

À cet égard, Gabriel Attal est un parfait représentant de la classe politique au pouvoir et de ces grands patrons dont elle relaie les exigences avec servilité en conduisant les contreréformes destinées à saper toujours plus les droits des travailleurs. Non, les ouvriers et les employés de France ne sont pas ancrés dans la « gréviculture » ! Ils réagissent simplement, et par la force des choses, à la « mépriculture » qui prédomine dans les sphères du pouvoir et dans la majorité des grandes entreprises où les salariés ne sont plus, depuis fort longtemps, considérés autrement que comme des outils de production et des variables d’ajustement déshumanisées.

Une « mépriculture » qui interdit toute négociation sérieuse en amont des réformes destinées à moderniser les entreprises dans une société en mutation où les modèles d’hier ne sont – personne ne le nie – plus forcément les mieux adaptés à notre époque. Or, ces négociations, abordées cartes sur table et dans le respect des parties, aboutissent en Allemagne et dans la majorité des pays d’Europe à des compromis acceptables par tous sans qu’il soit besoin, la plupart du temps, de recourir à la grève. Rien de tel en France où patronat et exécutif politique se placent d’emblée dans un rapport de force en produisant des projets très largement finalisés qui ne laissent place qu’à des ajustements mineurs. Difficile de faire plus méprisant pour les salariés et leurs représentants !

Dans de telles conditions, comment s’étonner du conflit dur qui s’est engagé à la SNCF entre, d’une part, l’exécutif et une direction aux ordres, d’autre part, les syndicats de cheminots ? Tant que le gouvernement ne lèvera pas l’hypothèque de la dette, ce n’est évidemment ni l’évolution du statut des agents, ni la transformation de l’EPIC en Société Anonyme, ni les restructurations internes de l’entreprise qui permettront à celle-ci de se redresser pour faire face à l’ouverture à la concurrence. Les syndicats le savent. Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Élisabeth Borne également. Mais l’occasion est trop belle pour ces derniers de tenter de casser l’un des derniers bastions du service public en ouvrant la porte à une future privatisation.

Mépris pour les travailleurs, surdité aux revendications des plus modestes, arrogance dans les rapports aux syndicats, tels sont les néolibéraux au pouvoir ! Un néolibéralisme décomplexé qui pourrait bien valoir un jour un maroquin à Gabriel Attal tant le sniper du macronisme a le profil de ces personnages nés et élevés dans cette « mépriculture ». À condition toutefois que la « convergence des luttes », à laquelle aspire un nombre croissant de nos compatriotes, ne vienne pas miner les fondations de cet édifice En Marche ! où se concentre la morgue des gouvernants !


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