HADOPI : ça devient lourd !
par Olivier from Madinina
lundi 15 juin 2009
Alors que le conseil constitutionnel a obtenu les deux oreilles et la queue (cf. Maître Eolas) de la loi Hadopi, on se doutait bien que les défenseurs de cette loi ringarde n’allaient pas en rester là. Même si leur nombre se réduit à peau de chagrin (gouvernement, majors, sociétés de collecte et des artistes, dont quelques-uns uns ont un passé bien rempli vis-à-vis de la fraude fiscale), leur détermination à se rendre ridicule, à nouveau, ne faiblit pas. La seule question qui demeurait était « comment vont-ils se sortir de ce bourbier ? » . La réponse semble évidente, ils ne s’en sortiront pas ! Petit tour d’horizon sur la situation du téléchargement illégal vis-à-vis de la législation.
Internet, téléchargement et contrefaçon
L’Internet et le téléchargement, contrairement à ce que semble penser la Ministre de la Culture (sic), ce n’est pas nouveau. Une bonne quinzaine d’année en ce qui concerne le premier quant à son ouverture au grand public (avec Mosaïc, premier navigateur graphique) et 3/4 ans plus tard pour le P2P avec Napster. Et je ne parle pas des premiers plans de réseau apparus au milieu des années 60 sous le nom de Arpanet. Si l’industrie du divertissement en général et celle de la musique en particulier se sont fait piéger, on ne peut pas dire que ce fut par surprise. Depuis plus de 10 ans, cette dernière semble rejeter toute forme d’évolution en repoussant d’un revers de main la problématique de la dématérialisation et en se contentant d’actionner ses réseaux lobbyistes à intervalle régulier pour légiférer contre les « pirates ».
Depuis les premiers pas du téléchargement illégal, ce dernier est couvert par le délit de contre-façon. On pourrait penser que cette qualification « dure » pour un simple acte de copie contenterait les tenants d’une culture payée à l’acte qui peuvent, ainsi, envoyer les téléchargeurs en prison pour 5 ans et leur infliger jusqu’à 500.000€ d’amende. Mais ce serait oublier la complexité de la détermination de la preuve dans ce type d’affaire : repérage sur les réseaux, perquisition, saisie du matériel informatique (souvent incomplet du fait de la multiplication et de la miniaturisation du stockage amovible), analyse du contenu des disques durs, recherche de l’origine des fichiers douteux … etc. Au final, depuis 10 ans, les condamnations pour ces délits sur Internet se comptent sur les doigts des 2 mains en France et ont touché uniquement les gros consommateurs possédant plusieurs milliers de fichiers soumis au droit d’auteur sur leur ordinateur. Et la chasse va être de plus en plus complexe avec l’arrivée en force des systèmes de masquage d’IP (proxy, VPN …) et des techniques de cryptage des données sur les disques durs (TrueCrypt et autres).
DADVSI
Cette situation a amené les majors, à demander au gouvernement de légiférer pour automatiser la sanction en s’affranchissant des parties enquête et procédure. De cette idée est née, en 2006, la loi dite DADVSI (Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), issue d’une directive européenne (EUCD) et sensée conforter le droit d’auteur dans l’environnement numérique et automatiser (déjà !) la sanction sous forme d’amende (38€ par fichier téléchargé). Déjà (aussi !), le Conseil Constitutionnel avait retoqué la loi en exprimant que, s’il s’agissait de contrefaçon, la procédure et la sanction devaient être les mêmes pour tous les délits relevant de cette qualification. Retour à la case départ de la recherche, de l’enquête et du procès … tout ça pour une poignée de morceaux de musique (ou de films) présents sur les ordinateurs des contrevenants, autant dire peu efficace.
HADOPI
Dès la DADVSI retoquée, promulguée et enterrée, les majors sont revenues à la charge. S’en ait suivi le fameux (fumeux ?) rapport Olivennes, instruit et rédigé par ce dernier, autrement connu en tant que PDG de la FNAC. Notons au passage le coté hautement congénital de ce rapport, établi par une partie prenante (et non des moindres) du dossier. Comme attendu par les majors, le rapport indique que la répression doit être automatisée et à grande échelle pour endiguer le téléchargement, et tente d’adapter la logique des radars automatiques routiers au téléchargement illégal en créant la notion de « riposte graduée ». Echaudé par le précédent DADVSI, le ministère de la culture cherche une solution pour ne pas s’attaquer au délit de contrefaçon, et la trouve au travers d’un nouveau délit : l’absence de sécurisation de l’accès Internet par l’abonné. L ‘idée est futée mais sa mise en œuvre totalement ratée abouti, une nouvelle fois, à une censure partielle du Conseil Constitutionnel, mais cette fois nettement plus sévère (et pour cause). Voilà ou nous en somme aujourd’hui.
Et maintenant ?
Le gouvernement a décidé de promulguer la loi amputée de son volet répressif et de mettre en place un nouveau projet qui prendra en charge cet aspect. Son autisme sur le sujet devient vraiment préoccupant, parce qu’il n’a aucune marge de manœuvre. Il n’a que 2 possibilités pour qualifier le téléchargement : la contrefaçon, dont l’arsenal législatif est plus que complet (et a démontré son inefficacité sur le sujet) et la non-sécurisation, que le Conseil Constitutionnel a validé mais fortement secoué en indiquant que le seul acte de contrefaçon ne suffisait pas à le qualifier. Autant dire que, là aussi, la preuve va être quasi impossible à constituer et que la machine judiciaire française se mettra que très rarement en branle pour en arriver, simplement, à une coupure de connexion Internet.
Voilà l’impasse dans laquelle se trouvent, aujourd’hui, le gouvernement et les majors. Mais ne doutons pas de leur aptitude à tout oser …