Hamon face à ses responsabilités

par Fergus
mercredi 12 avril 2017

Au fil des enquêtes d’opinion, le trio des favoris de la présidentielle (François Fillon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron) s’est transformé en un quatuor avec la spectaculaire percée de Jean-Luc Mélenchon. Et nul ne peut, aujourd’hui, prédire quels seront les deux candidats qualifiés pour le 2e tour parmi ces quatre prétendants à la charge élyséenne. Compte tenu de l’évolution de la campagne, ce qui semble en revanche acquis, c’est la déconfiture de Benoît Hamon, désormais hors course. Un constat qui pourrait changer considérablement les données électorales dans les prochains jours...

Il faut se rendre à l’évidence : depuis sa victoire lors de la « Primaire de la Belle alliance populaire », Benoît Hamon a été moqué, dénigré, et même ostracisé par les hollandais et les vallsistes, stupéfaits puis furieux d’avoir vu leur champion – Manuel Valls – battu par celui qu’ils considéraient avec beaucoup de condescendance comme un second couteau. Hamon vainqueur, leur regard n’a pas changé sur celui qui est devenu le candidat officiel du Parti Socialiste, et nombreux sont ceux qui lui savonnent la planche en affichant ouvertement leur préférence pour Emmanuel Macron ou en manœuvrant en coulisse pour se rallier le moment venu au candidat d’En Marche ! Arnaud Montebourg lui-même a pris ses distances et enfermé un peu plus le candidat du PS dans sa solitude impuissante.

Hamon n’avait pas besoin de ces intrigues politiciennes ou de ces prises de distance. Lui qui, il n’y a pas si longtemps, estimait qu’il occupait une « position centrale entre Macron et Mélenchon » déchante aujourd’hui en constatant qu’il est désormais relégué très loin du candidat de la France Insoumise, avec moitié moins d’intentions de vote dans les dernières enquêtes ! Oubliée la légitimité que le candidat du PS revendiquait en se basant sur les 2 millions de voix recueillies lors du 2e tour de la primaire : manifestement, le falot Hamon ne fait pas le poids face au flamboyant Mélenchon, fort de son charisme, de sa puissance en meeting, du considérable succès de sa chaîne dédiée sur Youtube, et surtout de l’engagement de tous les citoyens qui, dans le cadre d’une démarche collective, ont œuvré à l’émergence de l’Avenir en commun.

Et le calvaire n’est sans doute pas terminé. À tel point que l’on en vient à penser que Benoît Hamon pourrait obtenir un score aussi piteux que Gaston Deferre en 1969 (5,01 %). Dès lors il est légitime de se poser la question de la pertinence du retrait du candidat socialiste. Dans un article du 22 février, j’observais qu’il existe beaucoup plus de points de convergence que de points de divergence entre le programme de Hamon et celui de Mélenchon. Il suffit à cet égard de consulter la liste suivante pour s’en convaincre :

 

Certes, il y a des points de désaccord, notamment sur le Revenu Universel et sur le rapport à l’Union Européenne que l’un comme l’autre veulent réformer, façon « bizounours » pour Hamon, de manière plus musclée pour Mélenchon. Mais rien d’insurmontable pour des hommes qui, tous les deux, affirment être au service de la nation et de nos compatriotes confrontés à la violence sociale exercée par une oligarchie dénuée de scrupules dans son allégeance à la dictature des marchés. Dans ces conditions, et en l’absence d’une « alliance de la gauche de progrès » qui n’a pas ou se réaliser, la meilleure solution pour faire gagner le camp du progrès social réside de manière évidente dans le renoncement du candidat le moins bien placé dans les enquêtes, en l’occurrence Hamon.

Un tel retrait est-il envisageable ? En réalité non pour différents motifs, et notamment en raison de deux obstacles majeurs : 1) La menace qui pèserait sur la pérennité du PS dont l’absence lors du scrutin présidentiel équivaudrait quasiment à un arrêt de mort ; 2) La crise financière qu’induirait pour le parti le non-remboursement par l’État des frais de campagne engagés jusque-là. Hamon restera donc candidat jusqu’au bout. Ce faisant, il actera de facto, malgré les discours humanistes et progressistes tenus la main sur le cœur depuis la primaire PS-PRG, la prédominance de l’appareil politique socialiste sur l’intérêt des classes populaires et moyennes si maltraitées par les derniers quinquennats.

Gageons que, du fait de l’inutilité flagrante du maintien de Hamon en termes d’altruisme politique au service des Français modestes, cette attitude lui vaudra de perdre de nouveaux points au profit de Mélenchon. Cela sera-t-il suffisant pour permettre la qualification du candidat de la France Insoumise ? Rien n’est moins sûr car la doxa libérale qui a tant pollué les esprits jusqu’au cœur des rangs socialistes est un poison dont les effets insidieux sont difficiles et longs à éradiquer. 

Dans mon précédent article (Mélenchon peut-il être en finale le 7 mai ?), j’écrivais ceci :

« Le 23 avril, l’enjeu sera limpide : soit les électeurs soutiendront le projet de la France Insoumise pour rompre avec la ligne libérale et les régressions sociales qui prévalent depuis plusieurs quinquennats ; soit ils opteront pour un duel opposant le 7 mai deux des trois candidats suivants : 1) un jeune loup proche de l’oligarchie et partisan de l’ubérisation de la société ; 2) une candidate nationaliste et xénophobe aux amitiés sulfureuses ; 3) un imposteur doublé d’un escroc ayant érigé la cupidité en modèle de vie pour lui-même, et l’austérité cynique pour les classes populaires ! »

Cette alternative est plus que jamais d’actualité. Et tous ceux qui, parmi les électeurs du PS, mais aussi les indécis et les abstentionnistes, veulent la victoire du peuple sur les marchés et l’émergence d’une nouvelle gouvernance respectueuse des citoyens choisiront de soutenir Mélenchon en tournant le dos à une candidature Hamon qui n’a plus de sens en regard des enjeux du prochain mandat. Dans le cas contraire, c’est une nouvelle fois le libéralisme décomplexé qui l’emportera !


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