Histoire et politique : merci, Monsieur de Villepin

par Daniel RIOT
mercredi 14 décembre 2005

Une clarification utile et bienvenue : celle de Dominique de Villepin, dans un contexte chargé de mauvaises passions. En Europe, aujourd’hui, ce n’est ni aux gouvernements ni aux parlements de dire quelle est l’Histoire... L’histoire officielle est officielle, mais n’est pas l’Histoire... C’est comme la Vérité. N’a-t-on pas assez tiré les leçons des régimes où l’Histoire est téléguidée ? Savoir distinguer la croyance et le savoir, et faire face aux réalités, loin des vaines nostalgies ou des rancoeurs entretenues…

Enfin, un constat de bon sens, au plus haut niveau gouvernemental. Dommage que le Premier ministre n’ait pas réagi plus tôt. Avant les manifestations antillaises, notamment. Avant le vote des députés de l’UMP. Mais ce qu’il a déclaré hier, sur France-Inter, doit être entendu. C’est à son ministre de l’Intérieur de faire, sur ce point précis, « repentance » ... « Ce n’est pas au Parlement d’écrire l’histoire », a estimé Dominique de Villepin, faisant référence à la loi du 23 février 2005 sur les rapatriés, qui évoque le "rôle positif" de la colonisation. « Ce n’est pas aux politiques, ce n’est pas au Parlement d’écrire l’histoire ou de dire la mémoire. C’est la règle à laquelle nous devons être fidèles [...] Il n’y a pas d’histoire officielle en France ». Heureusement. Sinon, ne parlons plus des "Lumières"...

Il faut « un temps d’apaisement, un temps de dialogue ; [...] que des gestes soient faits qui permettent d’avancer tous ensemble », a ajouté M. de Villepin. « Il revient à l’inspection générale de l’éducation nationale de faire les programmes [...] Et les enseignants sont libres dans le cadre de ces programmes de leur enseignement. » Le premier ministre a estimé qu’il fallait « regarder notre histoire en face, surtout les questions qui dérangent. Il faut trouver les moyens de la regarder avec sérénité [...] Dans notre pays, il n’y a pas une mémoire, mais des mémoires. Ces mémoires, elles sont à vif, parfois même écorchées, souffrantes. Dans l’histoire de la colonisation, ceux qui ont été jetés dans le ventre des galions, qui ont traversé l’Atlantique pour être amenés au cœur des plantations : ce sont des souvenirs qui sont vivants. Quand vous allez à la Guadeloupe, à la Martinique, vous le voyez, tout cela sécrète encore de grandes douleurs », a expliqué M. de Villepin. « Nous devons trouver le moyen de la regarder avec sérénité, c’est là que l’historien est indispensable », a poursuivi le chef du gouvernement, considérant qu’un « simple acte de contrition ne suffit pas ».

Merci, Monsieur de Villepin... même si les sondages donnent raison à ceux qui veulent mettre en relief les « aspects positifs de la colonisation ». La France aurait moins de difficultés à affronter les problèmes d’aujourd’hui, si les Français savaient mieux regarder leur passé en face.

Il ne s’agit en rien de se plonger dans une masochiste « repentance ».

Il ne s’agit pas de juger hier et avant-hier avec notre regard et nos valeurs d’aujourd’hui. La colonisation, cette post-croisade et cette pré-mondialisation, n’est pas une exclusivité française...

Il ne s’agit pas d’alimenter ni d’encourager les rancunes, les rancœurs, les griefs, les injustices, les visions sélectives des «  indigènes de la République » ou des militants d’un tiers-mondisme plus passéiste que porteur d’avenir.

Il s’agit de ne pas confondre le croire et le savoir. Et de fonder ce «  vivre ensemble » si difficile et si menacé, sur une quête de vérité qui passe par des confrontations des mémoires, des limages de cervelles, des études sérieuses. Et par le respect mutuel.

L’ histoire officielle est comme la vérité du même nom. Elle est officielle, non histoire. Et l’on sait trop où conduit l’histoire téléguidée par les politiques : au nationalisme, facteur de guerre, au révolutionnarisme romantique, responsable de tant de désillusions, aux dictatures, si chargées d’injustices, et aux totalitarismes, si écrasants pour la personne humaine.


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