Hollande et Valls pris au piège de l’eurolibéralisme

par Laurent Herblay
mardi 16 septembre 2014

Aujourd'hui, le Premier Ministre va faire une nouvelle déclaration de politique générale, après celle réalisée il y a moins de 6 mois, après sa nomination à Matignon. L'exécutif se débat, mais dans les sables mouvants du néolibéralisme, et il semble s'enfoncer chaque jour davantage.

Un piège politique
 
Il faut être clair : François Hollande a toujours été eurolibéral. Qu'espérer d'autre que d'un fils politiques de Jacques Delors (dont il a géré le club politique Témoins) et de Lionel Jospin ? Et depuis le début de l'année, il a décidé d'ajuster son discours pour assumer dans la forme ce qu'il faisait sur le fond, tout en allant plus loin encore dans cette logique, comme l'illustre le Pacte de Responsabilité, un CICE plus important, reposant sur la même logique que la baisse du prix du travail serait l'issue pour notre pays. D’abord, malgré la persistance de sondages désastreux, du fait de la faiblesse de l'UMP et du FN, j'ai cru que cette stratégie pouvait peut-être marcher. Après tout, dans une logique politique linéaire, cela permet au PS d'occuper un large spectre politique, avec l'alliance tacite de son aile gauche.
 
Déjà, cette manoeuvre est mise à mal par les sondages désastreux, mais aussi par le rejet grandissant du clivage gauche-droite traditionnel. Mais l'évolution du climat politique questionne la stratégie du couple exécutif. En effet, en mettant un coup de barre à droite, loin d'occuper un large spectre de l'opinion publique et de coincer l'UMP dans un corner politique trop droitier, on peut se demander si la manoeuvre n'a pas fait bouger les plaques tectoniques politiques vers la droite. Et si la capitulation idéologique vis-à-vis de la droite la plus dogmatique (pour reprendre l'analyse de Paul Krugman) contribuait à droitiser temporairement les Français sur le plan idéologique, poussant le pays vers moins d'Etat, moins de dépenses, moins de solidarité ? Cela s'exprime dans le jugement plus dur de la population à l'égard des personnes pauvres, ce qui est paradoxal après 6 années de crise économique.
 
Une impasse politique et économique
 
Après tout, les partis à gauche du PS n'ont pas enregistré de bons résultats aux élections européennes, ce qui semble montrer que la thèse d'un recentrage semble avoir un défaut de conception. Le psychodrame autour du déficit budgétaire, avec une majorité qui annonce aujourd'hui qu'elle atteindra en 2017 ce qu'elle avait prévu d'atteindre initialement en 2013 nourrit deux interprétations dévastatrices : son incompétence, et le fait qu'elle ne serait pas allée assez loin. Et si la droitisation de l’UMP n’était pas forcément suicidaire ? La petite musique néolibérale se propage, sur le budget, les professions réglementées (dites protégées, mais du domaine du service public). Aujourd'hui, PS et UMP se rejoignent pour défendre un agenda néolibéral qui serait la seule solution pour redresser la barre pour la France.
 
Même si sur certains sujets, la parole s'est libérée, sur d'autres, nous n’avançons pas dans le bons sens. Paradoxalement, la situation ne se dégrade peut-être pas assez rapidement pour provoquer un électrochoc, d'autant plus que les idées alternatives ont été vampirisées par un parti aussi extrémiste qu'incompétent (comme le reconnaisse la grande majorité des Français). Dès lors, l'histoire néolibérale semble gagner la bataille pour le moment. Pourtant, elle est totalement suicidaire dans un monde où en Europe de l'Est, en Afrique du Nord ou en Asie, des personnes se satisfont d'un salaire mensuel équivalent à 10% du nôtre, une fois la fable de la différence proportionnelle de productivité effacée. Une histoire où nous serions victimes de nos rigidités et du poids de notre Etat s'installe, malgré les évidences.
 
Ce faisant, Hollande et Valls sont pris au même piège que ceux qui ont cédé de plus en plus d'autonomie aux régions, et qui n'ont fait que nourrir des séparatismes inconcevables il y a quelques temps. Le pari machiavélique de l'exécutif est loin d'être gagné, malgré les immenses faiblesses de l'opposition.

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