Hollande : l’amertume et la rancœur
par Henry Moreigne
mercredi 2 octobre 2013
Comme il s'y était engagé avant son élection, François Hollande est revenu sur le site de Florange en Moselle. Plus qu'un Chef de l'Etat louvoyeur apte à s'affranchir de ses engagements mais qui tente de faire croire le contraire, on retiendra de cet épisode l'extrême dignité des ouvriers Mosellans. "On n'est pas des sauvages en Lorraine, on a le respect de la fonction présidentielle" avait prévenu Edouard Martin le syndicaliste CFDT de Florange. Les électeurs n'auront peut-être pas la même élégance lors des prochains scrutins. Car une autre promesse oubliée, celle d'une grande réforme fiscale n'en finit pas de faire des vagues.
Les promesses de campagne formulées un peu rapidement ont vite fait de constituer des petits cailloux dans les chaussures présidentielles. Ca n'empêche pas de marcher mais ça se rappelle en permanence à votre bon souvenir.
Car ce sont bien ce qui devaient être les piliers du Hollandisme à savoir la mise au pas de la finance et la grande réforme fiscale qui ont été passés pour l'instant par pertes et profits.
Si le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy en faveur des plus riches s'était vite mué boulet fiscal, la non mise en œuvre d'une grande réforme fiscale par François Hollande risque bien de prendre le même chemin. L'économiste Camille Landais n'hésite pas à parler "d'une erreur fondamentale de stratégie politique". "Le mot d'impôt est devenu synonyme de catastrophe nucléaire pour la gauche".
Camille Landais voit juste lorsqu'il décrit stratégie Elyséenne de dissimulation plutôt que la réforme. Ce qui est en cause c'est bien l'absence de lisibilité du système pour ne pas dire son opacité que les Français pressentent qui permet, pour être caricatural, d'exonérer les riches mais de taxer les pauvres. Ce tour de passe-passe est rendu possible par le biais de l'évasion et de l'optimisation fiscale mais aussi, par les transferts de charge des entreprises vers les ménages.
Au-delà, c'est la question de la bonne gestion des deniers publics qui est posée. Comme le relève Camille Landais, "Dans une démocratie moderne, lorsque près de 50 % du revenu national sert à financer la puissance publique, le consentement à l'impôt passe par la transparence et le débat. Les Français ne sont pas stupides, ils savent bien que le taux de prélèvement ne dit rien du niveau de vie réel. Les Américains ont un taux de prélèvement inférieur de plus de 15 points de revenu national, ils doivent payer de leur poche la quasi-totalité de leurs dépenses de santé, soit 18 % de leur revenu. Mais quitte à financer des services publics plutôt que privés, les Français veulent en connaître le prix et savoir qui paie quoi".
On nous assène fréquemment que nos impôts servent à faire tourner les services publics et pourtant, tous sont en régression tant dans les moyens alloués à leur fonctionnement que dans le niveau des prestations. Un peu comme si on jetait l'argent public dans le tonneau des danaïdes et comme si nos fameux énarques qu'ils soient fonctionnaires ou responsables politiques étaient dans l'incapacité de réformer un Etat difforme sclérosé par les lobbys et les corporatismes. Il manque cruellement à notre époque un Napoléon capable par un trait de plume d'esquisser une administration performante et lisible.
Le 24 septembre, devant les parlementaires socialistes Jean-Marc Ayrault a déclaré que "Redresser les comptes publics, ça ne fait rêver personne." C'est oublier qu'après les années de Sarkozysme perçu comme le président des riches, les Français très conscients des contraintes financières publiques ont largement fait le choix de François Hollande parce qu'ils pensaient que celui-ci opérerait ce redressement dans la justice et l'équité.
Mais la pierre angulaire de ce rétablissement, celle sans laquelle rien n'est possible, c'est le grand soir fiscal. Or, dans son ambigüité permanente du mi-chèvre mi-choux, l'exécutif a réussi le tour de force de ne faire que des mécontents du côté des ménages. Alors qu'un effort inédit de maîtrise de la dépense publique est engagé, l'illisibilité entretenue, omniprésente dans le projet de budget 2014 conduit irrémédiablement au désaveu de l'impôt républicain ressenti comme injuste.
Le Monde rapporte qu'en 2013, le nombre de foyers fiscaux dont l'impôt augmente est de 16,15 millions, soit 44 % des foyers fiscaux. Mais surtout que 2,13 millions voient leur impôt augmenter à revenu égal ou inférieur. Qu'en sera-t-il demain avec la fiscalité locale ? Cet amateurisme au plus mauvais sens du terme ne peut produire qu'amertume et rancœur. Un terreau des plus fertiles pour un FN en embuscade.