Hollande ne prend pas l’Helvétie pour une lanterne…

par Camille DESMOULINS
samedi 14 décembre 2013

C’est ce qui pourrait rendre notre avenir bien sombre… et le sien encore davantage !

Car conformément à ce qu’il nous avait annoncé début octobre à l’occasion du 55ème anniversaire de la Cinquième République, la loi organique destinée à rendre applicable le nouvel article 11 de la Constitution a bien été votée le 19 novembre.(http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0240.asp)

Mais contrairement à ce qu’il nous avait annoncé début octobre à l’occasion du 55ème anniversaire de la Cinquième République (http://www.article3.fr/alerte-intox-hollande-referendum-initiative-populaire-03-10-2013), la révision de l’article 11 de la Constitution, décidée sous Sarkozy en 2008, n'a rien à voir avec un vrai référendum d’initiative populaire : il s’agit d’un « machin » qui n’est ni un référendum, encore moins d’initiative populaire, et que la loi organique ne permettra jamais de faire fonctionner pour la même raison qu'il est inutile de mettre de l'essence dans le réservoir s'il n'y a pas de moteur sous le capot.

En effet, la réécriture de l'article 11 instaure une procédure d’initiative parlementaire (on ne le répètera jamais assez : l’initiative n’est ni populaire, ni partagée, mais exclusivement parlementaire), qui ne peut déboucher sur un référendum qu’à condition d’être prise par au moins 20 % des députés et sénateurs, soutenue par 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales et que la majorité parlementaire en place refuse d’examiner la proposition de loi. Si elle l’examine – même sans la voter – le recours au référendum est écarté et 4,6 millions de personnes ont signé pour rien… Dans la catégorie « foutage de gueule », il est difficile de faire mieux.

(http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do ;jsessionid=013E1C16184060ED0E434D0194EE79A3.tpdjo15v_2?cidTexte=JORFTEXT000000571356&idArticle=LEGIARTI000006527470&dateTexte=&categorieLien=cid)

Pourtant il suffirait de jeter un coup d’œil par-dessus la crête du Jura pour trouver de l’autre côté un modèle de gouvernance bien plus efficace et pacifique que le nôtre, car il donne la parole au peuple ! Ainsi, pendant que les « bonnets rouges » bretons manifestaient leur ras-le-bol fiscal en mettant le feu à des portiques écotaxe et obligeaient le gouvernement à « suspendre » ladite taxe, les Suisses rejetaient tranquillement, dans les urnes, la proposition d’une hausse (de 40 à 100 Frs) de leur vignette autoroutière.

Le même jour (le 24 novembre dernier), ils ont également rejeté la proposition de réduire les écarts de salaire (initiative 1:12) et celle d’accorder des avantages fiscaux aux familles qui assurent elles-mêmes la garde de leurs enfants (http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/20131124/index.html).

On peut penser ce qu’on veut de ces mesures, le fait est qu’elles bénéficient d’une légitimité démocratique incontestable, et les Suisses ne descendront pas dans la rue pour les remettre en cause : on n’a jamais vu un peuple manifester contre lui-même ! S’il s’avère à l’usage que des décisions prises par référendum ont des effets pervers, les Suisses disposent de l’outil pour les modifier : il leur suffira de lancer une nouvelle initiative citoyenne pour se donner l’occasion de rectifier le tir. Rien à voir avec nos politiciens qui préfèrent persister dans l'erreur de peur de perdre la face et les prochaines élections.

Toujours le 24 novembre mais à l’échelon local cette fois, les électeurs concernés ont majoritairement refusé de fusionner le canton du Jura avec la partie jurassienne (et francophone) de celui de Berne. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Question_jurassienne#Votation_du_24_novembre_2013). C'est leur choix et il sera respecté. Rien à voir non plus avec nos propres réformes administratives : le référendum alsacien du 7 avril ayant rejeté le projet de fusion du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en une seule entité régionale, nos élus-qui-savent-mieux-que-nous-ce-qui-est-bon-pour-nous se sont empressés de tenter de modifier la loi (par l’amendement 745) pour éviter désormais que ce genre de question puisse être soumise à un référendum… (http://referendum.alsace.over-blog.com/article-amendement-745-internautes-en-resistance-119935430.html)

On mesure la profondeur du fossé qui sépare la culture politique suisse de la nôtre : là bas, on fait confiance au peuple et la démocratie fonctionne, ici nos élites autoproclamées font planer des soupçon de « populisme » (combien de fois ai-je entendu dire que, dotés du référendum d’initiative citoyenne, les Français rétabliraient la peine de mort !) pour nous confisquer notre souveraineté. Résultat : la démocratie est en crise.

Car notre système est miné par cette contradiction interne qui appelle « démocratie représentative » un régime qui n’est ni démocratique, ni représentatif, et qui pour devenir ce qu’il est censé être a besoin de cet outil de démocratie directe qu’est le référendum d’initiative citoyenne : ce serait la seule solution pour empêcher nos « représentants » d’aller contre la volonté générale, donc la seule manière de les inciter à se plier à cette volonté (plutôt qu’à celle des lobbies) et de nous représenter vraiment.

L’idée fait son chemin, mais elle n’arrivera pas au bout du voyage si on ne pousse pas à la roue. J’ai déjà signalé ici (http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/un-premier-pas-dans-la-bonne-139120) la proposition de loi n° 1248 de Nicolas Dupont-Aignan qui est le résultat de nos démarches en faveur de cet outil de démocratie directe. L’inconvénient majeur de cette P.L. est d’être portée par un député qui, ne disposant pas d’un groupe parlementaire, n’a aucun moyen de la mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous avons été nombreux à écrire aux 70 membres de la commission des lois constitutionnelle : il fallait attirer l’attention sur cet enjeu. (http://occir.free.fr/pl_1248.htm)

Objectif atteint : le 10 octobre dernier, 47 députés principalement de l’UMP ont repris mot pour mot la P.L. de Nicolas Dupont-Aignan pour la déposer à nouveau, sous leurs propres signatures ! (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1457.asp) Cette fois, l’UMP disposant d’un groupe parlementaire, la P.L. n° 1457 peut être mise à l’ordre du jour, discutée, amendée, puis votée, il suffit de convaincre les autres députés UMP de lui accorder l’importance qu’elle mérite, puis les élus de la majorité de ne pas s’y opposer sous prétexte qu’elle vient de l’opposition ! Ils auraient pu eux-mêmes en être à l’origine s’ils n’avaient pas perdu leur temps avec la loi organique de l’article 11… Ils auraient pu marquer des points en se faisant eux-mêmes porteurs de ce progrès démocratique. A présent, ils ne peuvent plus qu’éviter d’en perdre en s'abstenant d'y faire obstacle…

La situation politique est favorable, le gouvernement bat des records d’impopularité, il a déjà fait la démonstration de son extraordinaire capacité à céder à toutes sortes de pressions, il peut aussi céder à la nôtre… à condition que nous la lui mettions ! (http://occir.free.fr/pl_1457.htm

L’intérêt de l’actuelle majorité est de laisser le peuple prendre ses responsabilités, elle en aura d’autant moins à assumer elle-même. Que ce soit en matière économique, sociétale, financière ou fiscale, ce gouvernement a fait des choix contestés. Les Français doivent pouvoir reprendre la parole, pour les valider ou s’y opposer. Et si les choses tournent mal, nous ne pourrons nous en prendre qu’à nous-mêmes.

Ainsi, de la crise (économique, sociale, politique, morale) pourrait naître... la démocratie, dans le plein sens du terme.

Patrice Camille Desmoulins, le 14 décembre 2013.


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