Hollande : sortir de l’enfer

par Prax
lundi 22 février 2016

François Hollande n’a guère que deux portes de sortie de l’enfer dans lequel il s’est mis. Partir et laisser une trace, fût-elle éloignée de l’idéal de départ, ou jouer sa réélection sur une violente transgression des codes.

François Hollande ne sera donc pas candidat à sa réélection si le chômage ne baisse pas. Il se garde pourtant bien d’indiquer à partir de quel taux de réduction du nombre de chômeurs il considérerait pouvoir retourner devant le suffrage universel. Sans doute ne le sait-il pas lui-même. A moins qu’il n’ait déjà pris sa décision, celle de ne pas se représenter, ce qui serait une première dans l’histoire de la Cinquième République.

Cette première hypothèse n’a rien de farfelu. Elle pourrait expliquer le virage social-libéral auquel nous assistons depuis quelques mois. A défaut d’avoir réussi son quinquennat, l’Histoire porterait à son crédit le fait d’avoir eu l’audace de réformer un pays réputé irréformable, d’avoir provoqué une révolution culturelle à gauche, que l’on considère ces deux points comme positifs ou non.

A moins que François Hollande ne vise sa réélection en tentant sa réelection sur un coup à plusieurs bandes.

Cette seconde hypothèse relève davantage du calcul court-termiste. La présidentielle de 2017 ne ressemblera à aucune autre. Marine Le Pen étant assurée par les sondages de se retrouver au second tour, il suffit donc à chacun de ses adversaires de devancer tous les autres au premier pour être élu. Pour ce faire, il faut par conséquent séduire cette partie flottante de l’électorat qui oscille entre le centre gauche et le centre droit, en clair passer devant Alain Juppé. Cela présuppose une autre condition, la victoire de ce dernier à la primaire des droites. Ce n’est pas le pari le plus risqué. Ce faisant la gauche de la gauche peut bien hurler à la trahison des valeurs socialistes, il est à peu près certain que cela ne représente guère de danger sur le plan électoral. La gauche de la gauche partira en ordre dispersé, les déçus du PS s’abstiendront et nombre d’électeurs populaires iront renforcer le score FN et non pas celui des Républicains. Ce calcul, pour politicien qu’il soit, n’a donc rien de hasardeux et François Hollande est trop fin stratège pour qu’on puisse l’exonérer de ce type d’arrière-pensées. De plus, il n’aura pas échappé au Président que l’électorat qui se réclame globalement de la gauche est assez majoritairement sur une ligne Valls-Macron, même si pour l’heure ce soutien est médiatiquement nettement moins bruyant que celui des opposants de gauche avec laquelle les réformistes ne peuvent plus se réconcilier pour reprendre les termes du locataire de Matignon. Ce divorce acté, les réformateurs – encore une fois le sujet de cet article n’est pas de porter un jugement sur les valeurs qu’ils portent – n’ont que deux possibilités de refaire leur vie. La première étant de la concevoir seuls en attendant de potentiels agrégats, ce qui peut prendre du temps, la seconde de jouer sur le terrain du camp adverse pour y accentuer ses divisions tout en maquillant l’opération des atours de l’intérêt supérieur de la Nation.

Les deux hypothèses n’ont certes rien de réjouissant d’un point de vue éthique. Mais a-t-on un seul exemple historique en mémoire d’une politique qui aurait rejoint la morale dont elle se prévalait ? On entre en politique par conviction, on en gravit les échelons en opérant des choix stratégiques (et avec un minimum de charisme) et l’on s’y maintient par élimination, fût-ce au prix de renoncements idéologiques et de calculs d’arrière-boutique. Il en va ainsi de la démocratie, « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ».

Gardons-nous de tout jugement hâtif : ce qui pourrait ressembler à du cynisme n’est en fait que le reflet de nos imperfections.

François Hollande n’est en ce sens ni pire ni mieux que tout un chacun. Il doute, il calcule, il peut faire preuve de cynisme, il se trompe. C’est au final un homme banal mais à un poste où cette banalité devient anxiogène pour le pays car elle nous renvoie à nous-mêmes, à nos propres doutes et incohérences.

On attendrait de lui qu’il montre un cap, qu’il ait une vision pour notre avenir commun. Or, ce n’est pas qu’il en soit incapable qui pose problème car nul ne le serait. C’est le fait qu’il le montre sans doute bien malgré lui.

Nous étions prévenus, nous aurions affaire à un Président normal. Une très grande majorité de Français avaient alors imaginé le négatif de son prédécesseur, narcissique et infatué de lui-même, et se retrouvent in fine avec un locataire de l’Elysée perclus de doutes, normaux ceux-là. Et ce hiatus fait des dégâts considérables. Les hésitations présidentielles deviennent problématiques et la personne même du Président cristallise toutes les contradictions de la société française, pire, elle les personnifie. 

On en revient donc à nos deux hypothèses. François Hollande n’a guère que deux portes de sortie de l’enfer dans lequel il s’est mis. Partir et laisser une trace, fût-elle éloignée de l’idéal de départ ou jouer sa réélection sur une violente transgression des codes.

Mitterrand venu de la droite reste une référence totémique de la gauche. Hollande, venu de la gauche pourrait-il devenir lors d’un second quinquennat un Président de centre-droit ? Nous n’en sommes pas là quoi qu’en pensent ses très nombreux détracteurs. Le peuple de droite aime les hommes forts, qui ne doutent pas et ne se dédisent jamais. François Hollande n’a pas cet estomac. Il aime la vie. Il est sans doute trop normal, trop libre et sans doute encore trop de gauche pour tromper son monde.

On en revient donc à la première hypothèse. Il ne serait pas si surprenant qu’il décide de jeter l’éponge. De mauvais chiffres du chômage ne seraient alors qu’un prétexte à son départ.


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