Hulot vire alter-mondialiste

par Laurent Herblay
samedi 13 juillet 2019

Quand il avait démissionné de ses fonctions de ministre de l’écologie il y a dix mois, j’avais applaudi le discours de Nicolas Hulot, notant un début très intéressant de remise en cause du modèle économique actuel. Avec la signature d’un nouvel accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur, il franchit un vrai cap dans la critique du système. Merci à lui !

 

L’oligo-libéralisme, anti-écologique (entre autres)
 
Bien évidement, certains râleront en notant que cela n’est pas nouveau, qu’il aurait pu s’en apercevoir avant, mais je crois qu’il faut surtout applaudir quand un homme politique de premier rang évolue petit à petit vers la pensée alter-mondialiste. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Dans une interview au Monde, il soutient que « l’accord avec le Mercosur est complètement antinomique avec nos ambitions climatiques (…) le libre-échange est à l’origine de toutes les problématiques écologiques  ». L’évolution de la pensée politique de l’ancien ministre est d’autant plus intéressante qu’il reste un homme politique particulièrement populaire et que l’enjeu écologique devient de plus en plus important.
 
Et ici, Nicolas Hulot apporte une contribution majeure à la critique du système actuel, osant remettre en cause la religion du laisser-passer, pourtant ultra-dominante médiatiquement. Il me semble que c’est la première fois qu’il pousse aussi loin sa critique du système actuel, et ce faisant, apporte une contribution particulièrement bienvenue à sa remise en question. Ce qu’il dit peut sembler être évident, mais il faut bien reconnaître que nos idées ne sont pas (encore) majoritaires. Un tel discours, venant d’une personne comme Nicolas Hulot, populaire, ancien ministre, qui a pu constater que ses idées étaient bloquées par les dogmes oligo-libéraux, peut contribuer à un vrai renversement politique.
 
Il est bien évident que le laisser-passer porte une responsabilité majeure dans l’urgence écologique. Quel peut bien être l’intérêt qu’un morceau de bœuf fasse plus de 10 000 kilomètres pour être consommé dans des pays qui toute capacité à s’auto-approvisionner ? Et cela est d’autant plus choquant que le fuel utilisé pour les transporter, outre le fait de ne pas être taxé, est particulièrement polluant. Ce dogme du laisser-passer montre bien que derrière les beaux discours, il y a une concurrence déloyale, certains étant soumis à des normes bien plus sévères que d’autres et que la logique intrinsèque à ce libre-échange est une course au moins disant environnemental, tout autant que social et fiscal.
 
Alors que la lutte contre le réchauffement climatique devrait pousser à la relocalisation de la consommation et à une juste taxation des externalités négatives du transport des produits exportés, une des angles-morts effarant des débats sur le climat, l’UE trouve le moyen de signer un nouvel accord qui doit laisser plus encore passer les produits entre l’Amérique Latine et l’UE, au détriment du climat et de l’écologie, avec une région du monde qui est loin d’être la plus avancée en matière écologique, comme le note Nicolas Hulot. Encore un accord qui montre bien que l’UE n’a que faire du climat, qu’elle ne sert que les intérêts des multinationales, fussent-ils contradictoires avec l’environnement.
 
 
Voici pourquoi je renouvelle mes remerciements à Nicolas Hulot pour son ouverture intellectuelle, sa capacité à se remettre en cause et remettre en cause les dogmes de notre époque. Si les petites rivières font les gros ruisseaux, sa contribution pourrait bien être une grosse rivière. Merci de montrer que c’est tout le système actuel qu’il faut remettre en cause, et particulièrement ces accords de laisser-passer.

Lire l'article complet, et les commentaires