Il y a 30 ans, il changeait sa vie pour le meilleur, et la nôtre pour le pire

par Laurent Herblay
mardi 10 mai 2011

Aujourd’hui est la date anniversaire de l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République. L’occasion de revenir sur le parcours d’un homme qui a beaucoup compté dans ma construction politique…

Un machiavel égotique

En politique, je crois que l’on se construit autant par adhésion que par rejet. Si quelques personnalités ont beaucoup compté dans ma formation, m’influençant par leurs idées ou leur manière d’être, d’autres l’ont fait par opposition résolue à ce qu’ils représentaient : cela a été le cas de François Mitterrand (outre Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy). Je me suis littéralement construit par réaction à ce qu’il était, tant d’un point de vue des idées que de la personne.

Pour moi, il restera cet homme politique capable de mentir avec gourmandise à un Jacques Chirac bien naïf lors du débat d’entre deux tours de l’élection présidentielle de 1988, un homme sans foi ni loi, pour qui seule l’histoire personnelle qu’il essayait de conter aux Français comptait. Il restera celui qui nomme un adversaire politique à Matignon pour le détruire, ne se souciant pas des conséquences pour le pays, prêt à donner un ministère à Bernard Tapie à l’occasion.

C’est un homme prêt à tout pour gagner, créant le Front National médiatiquement pour affaiblir ses adversaires. C’est un homme qui a sali la fonction présidentielle par des scandales (liens avec René Bousquet et d’autres affairistes, favoritisme, écoutes téléphoniques…) indignes mais qu’annonçait malheureusement l’incroyable faux attentat de l’Observatoire… François Mitterrand était un aventurier de la politique, et pas au sens noble.

Quand l’obscur domine

Bien sûr, ses doubles mandats ont été l’occasion de plusieurs réformes positives, la suppression de la peine de mort ou la libéralisation des médias. Mais au global, le bilan a été désastreux. Car c’est le bien le paradoxe que soulignent beaucoup de critiques de gauche (F Lordon, J Sapir, J-C Michéa) : il a été un des principaux promoteurs de cette libéralisation économique qui maintient ce chômage de masse dont nous ne parvenons pas à nous défaire.

En effet, nous devons au terrible duo Lamy-Delors la libéralisation des mouvements de capitaux. Le PS a également soutenu l’indépendance de la banque centrale avec pour seule mission de veiller sur l’inflation, et pas sur la croissance ou l’emploi comme même la Fed le fait aux Etats-Unis. Les socialistes ont également laissé aux investisseurs le soin fixer le cours des monnaies tout en lâchant la bride aux marchés financiers, avec les conséquences que l’on sait.

En outre, c’est également le PS de François Mitterrand qui a accompagné une libéralisation mortifère du commerce, au grand dam de la croissance, de l’emploi et de notre industrie, lessivée dans le processus. Bref, c’est son parti socialiste qui a mené un des agendas les plus antisociaux qui soient et donc on voit bien les conséquences aujourd’hui en matière de croissance des inégalités, de maintien d’un chômage de masse, le tout avec un endettement paralysant pour l’Etat.

En outre, pensant y gagner une dimension historique glorifiante pour lui, François Mitterrand a été un des principaux architectes de cette Europe supranationale et anti-démocratique qui fonctionne tellement mal aujourd’hui et qui porte une part de responsabilité majeure dans la langueur économique de ces dix dernières années. C’est lui qui a poussé ces traités qui ont tant d’influence sur le cours de notre vie : l’Acte Unique et le traité de Maastricht.

Bref, la présidence de François Mitterrand a grandement contribué à la dégradation de l’image de nos dirigeants, tant d’un point de vue du comportement personnel que de l’écart colossal entre les discours et les actes. En cela, il peut représenter un véritable contre-modèle de ce que devrait être la politique.


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