Immigration choisie ou immigration subie ?

par Michel Launay
mercredi 28 juin 2006

Dans sa motion de synthèse sur le passage d’une immigration subie à une immigration choisie, l’UMP, présidée par le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, a dévoilé le 9 juin dernier, quels seront les axes majeurs de son programme pour les présidentielles et législatives 2007. Après un bref paragraphe rappelant les contributions positives des vagues d’immigration successives depuis 1880, cette motion dresse un bilan des politiques dites de l’immigration, depuis le milieu des années 1970, et met en évidence les contradictions qu’elles comportent. Sous des dehors de nouveauté, l’UMP n’est-elle pas en train de tromper les Français ?

Il ne s’agit pas ici de commenter ce programme en détail, mais d’attirer l’attention du citoyen sur un point déjà largement commenté d’ailleurs : la volonté, affichée par l’UMP, de faire appel à une immigration choisie pour les étrangers qualifiés, et à une immigration plus libre pour les métiers moins qualifiés pour lesquels il existe « des pénuries avérées de main-d’œuvre ».

Cette motion de synthèse est présentée comme étant novatrice sur le sujet. Elle appelle pourtant les remarques suivantes.


Dans un pays qui compte officiellement deux millions et demi de chômeurs, et à peu près autant de bénéficiaires des minima sociaux, comment peut-on prétendre constater des pénuries de main-d’œuvre ? L’UMP pense probablement au bâtiment, à la restauration ou aux travaux saisonniers... Qu’elle le dise alors clairement, le débat démocratique s’en trouvera clarifié...

Mais comment ne pas s’étonner que des résidents français se détournent de ces métiers s’ils ont la certitude qu’ils seront mal payés, et qu’ils n’auront aucune possibilité d’évolution, parce qu’il seront mis en concurrence tout au long de leur carrière avec une main-d’œuvre importée prête à faire la même tâche pour moins ?

Précisons le propos : l’UMP croit-elle que si les maçons gagnaient 3000 € par mois (comme on peut le constater dans de nombreux pays européens), au lieu des 1250 de rigueur, il y aurait encore pénurie de main-d’œuvre ? Au lieu de cela, l’importation massive de travailleurs, par le biais de l’immigration clandestine, exerce en France depuis trente ans une pression à la baisse sur les salaires de ces emplois peu qualifiés. Pourquoi un résident français, sous prétexte qu’il n’a aucune qualification, serait-il condamné à gagner toute sa vie un salaire de misère ? Croit-elle qu’il y a des métiers trop sales ou dégradants pour être effectués par des Français ?

L’UMP se dit populaire. Qu’elle écoute plutôt la colère du peuple. Sous le couvert d’une proposition de loi raciste, elle fait une fois de plus un cadeau aux élites, satisfaites de pouvoir faire faire leurs logements et basses besognes à moindre coût. Paupérisé, le peuple n’a qu’à faire ses travaux lui-même, son heure de travail ne valant pas beaucoup plus que ses heures d’oisiveté. On ne peut en tout cas pas lui reprocher de préférer vivre des aides sociales que du fruit de son travail. Une fois de plus, c’est le peuple qui est trahi. On ne pourra donc pas non plus s’étonner qu’il se tourne à nouveau vers un Le Pen.

Quant à l’importation d’une main,d’œuvre qualifiée, l’UMP intègre-t-elle dans cette catégorie les médecins et infirmières et toutes les formations médicales et para-médicales qui manquent cruellement dans certains hôpitaux et centres de soins... ? Si elle souhaite ouvrir chaque année des quotas de main-d’œuvre immigrée pour ces qualifications, ignore-t-elle que tous les ans des milliers de jeunes Français se détournent de leurs études ou s’exilent en Belgique parce que les quotas de places pour ces formations en France sont insuffisants ? Qu’elle ouvre largement des places pour ces formations, au lieu de prévoir d’importer, comme des négriers, la main-d’œuvre qu’elle ne veut pas former. Ignore-t-elle enfin que des centaines de milliers de jeunes Français sont contraints chaque année, à la fin de leur études, de trouver leur premier emploi à l’étranger parce qu’ils n’en trouvent pas en France ?

La philosophie générale de la politique d’immigration proposée par l’UMP pour 2007 ne change en rien. Il n’est jamais tenu compte de l’intérêt des pays tiers, ni rappelé combien l’immigration est avant tout un drame personnel, une expérience traumatisante pour les personnes concernées.

Sous une apparence de nouveauté, l’UMP propose d’inscrire dans la loi ce qui se passe depuis trente ans dans l’illégalité : beau programme !


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