Immigration : les mensonges du Front National
par Laurent Herblay
mercredi 23 février 2011
L’immigration occupe une place très délicate dans le débat politique Français. A l’extrême-droite, le Front National en fait volontiers la cause de tous les maux du pays, la droite a tendance à l’instrumentaliser et la gauche ne se défait pas d’un angélisme irréaliste.
Le débat impossible
Comme l’avait rapporté Reversus, le FN la présente abusivement comme la cause du chômage (3 millions d’immigrés = 3 millions de chômeurs), de l’insécurité et d’une dissolution de notre identité. La gauche est rarement sortie d’un angélisme tel qu’elle a fait des sans papiers ses nouveaux ouvriers, comme le soulignent certains intellectuels de gauche. Et la droite instrumentalise le tout en fonction de ses besoins supposés, comme avec les Roms l’été dernier.
Si la France est une terre d’immigration, aujourd’hui, il faut réduire les flux migratoires. Si les vagues successives nous ont enrichis, les conditions économiques actuelles font qu’il n’est pas possible d’en accueillir davantage car les conditions de leur intégration ne sont pas réunies et qu’ils rendraient l’intégration de ceux qui sont déjà présents plus difficiles encore. Du coup, les régularisations de sans-papiers sont à exclure du fait de l’appel d’air que cela entraînerait.
C’est sur ce terrain miné que Marine Le Pen a repris le flambeau paternel pour attaquer la politique d’immigration du gouvernement. Exhibant des statistiques qui auraient été transmises par un fonctionnaire patriote, elle a ainsi affirmé que Nicolas Sarkozy est un « champion d’Europe » en matière d’immigration, avec les 198 000 titres de séjour accordés en 2010 (en hausse de 13% par rapport à 2009) et les 116 000 naturalisations, en hausse de 7.8%.
Fantasme et réalité
La nouvelle présidente du FN a osé affirmer que l’immigration est « volontairement accélérée dans un processus fou dont on se demande s'il n'a pas pour objectif le remplacement pur et simple de la population française ». Pourtant ce chiffre ne représente même pas 0,3% de la population (et encore, il ne s’agit pas d’un solde net, qui prend en compte les départs) et qu’on ne voit pas comment il pourrait y avoir substitution sachant que notre solde naturel est plus important.
Et les statistiques contredisent cette vision. En Europe, de 2000 à 2005, le taux de solde migratoire était de 1 pour mille en France contre 2,1 en Italie, 2,3 au Royaume-Uni, 2,5 en Allemagne et 9,7 en Espagne (pour une moyenne de 2,6 dans l’Union Européenne). Une récente étude de l’INED confirme cette tendance : le nombre d’immigrés est passé de 6,3 à 6,7 millions en France depuis 2000 (9,1 à 10,8 en Allemagne, 4,9 à 6,5 en Grande-Bretagne et 2,2 à 6,4 en Espagne).
Marine Le Pen : malhonnête ou incompétente ?
Bref, quelle que soit la manière de prendre les chiffres, la France n’est absolument pas le « champion d’Europe » de l’immigration. Si nous sommes champions, c’est comme pays qui laisse rentrer le moins d’immigrés aujourd’hui… Concernant les naturalisations, un pic de 168 mille a été atteint en 2004, puis les chiffres ont baissé. Au global, l’immigration semble relativement stable en France, à un niveau nettement inférieur à celui de nos grands voisins européens.
Bien sûr, aujourd’hui, avec près de 15% de chômeurs en réalité, accueillir des immigrés est une absurdité car ils auront du mal à s’intégrer dans un pays qui subit un tel niveau de chômage. Et pour le coup, le Front National a raison de demander de limiter l’immigration et de souligner qu’il est impératif de contrôler les flux migratoires. En revanche, Marine Le Pen raconte n’importe quoi quand elle dit que la France serait le « champion d’Europe sur le sujet ».
Comme pour la sortie de l’euro, où Jacques Sapir vient de démonter ses propositions, le FN manque de sérieux sur l’immigration. Il agite les peurs et utilise des mensonges pour rester dans un registre purement protestataire et extrémiste. Ce n’est pas comme cela que l’on redressera la France.