Intermittents du spectacle, permanents de l’arnaque

par Francois Vial 75
vendredi 24 août 2012

A la recherche de quelque menue monnaie point trop coûteuse en voix, le Gouvernement Ayrault enquille les mesurettes et pourrait bien voir la dernière en date lui sauter à la figure…

Seuls dans la multitude des travailleurs, les intermittents du spectacle ont obtenu en 2003 sous Chirac – Raffarin un « moratoire » sur la révision de leur statut : autant dire que nous avions alors assisté à un baissage de culotte en règle, consécutif à trois manifs et deux grèves de leveurs de rideaux…

En 2013, le moratoire arrivera à échéance : supprimer le texte en cause, Hollande voudrait bien… Mais n’ose point ! Du coup, c’est le ministre de la Culture Aurélie Filippetti qui s’y colle. Citée par Le Parisien – Aujourd’hui en France du 20 août, elle affirme que chacun devra se montrer « lucide et courageux »… Avant d’ouvrir le parapluie en assurant qu’il faut « préserver le système ». Remettre en cause un système, tout en le préservant : vaste programme !

L’enjeu n’est pourtant pas négligeable, puisque d’après la Cour des comptes et son Premier président Didier Migaud – ex président socialiste de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale –, les 106.000 intermittents indemnisés représentent à eux seuls… plus de 30 % du déficit de l’Assurance chômage. Chiffre à mettre en perspective avec leur poids réel dans le compte des demandeurs d’emploi : 3 % !

Pour rappel, le statut des intermittents du spectacle* est unique au monde : pour trois mois travaillés sur 10, huit mois de chômage à taux plein ! Inutile de préciser qu’une fois le quota atteint, peu se montrent empressés à poursuivre l’effort. Les défenseurs de la profession – c’est-à-dire principalement les intermittents eux-mêmes – protestent que le nombre d’heures réellement effectuées est largement supérieur à huit heures par jour. Si l’on tient cette affirmation pour vraie et que, dans un élan de socialisme incontrôlé, on considère que ces stakhanovistes sont à la tâche 16 heures par jour, on arrive à un résultat fictif de six mois travaillés dans l’année avant de prétendre aux indemnités de chômage. Très loin des conditions imposées aux autres travailleurs…

« C’est le prix de l’incertitude », voire de la précarité, objecteront quelques bonnes âmes. D’un point de vue pragmatique, il s’agit simplement de la conséquence d’un choix fait en toute connaissance de cause : celui de vouloir approcher à tout prix les artistes, les people, les sportifs, leur monde, la scène, la télévision. Et de vivre leur gloire par procuration, comme la tique accrochée au cheval de César vivait celle de l’Empereur. Quand l’individu prend un risque, ce n’est pas à l’Etat de jouer les assureurs : l’Etat-providence ne devrait être destiné qu’à ceux qui, malgré leurs efforts et à leur corps défendant, ont besoin d’un filet de sécurité ou d’une béquille temporaire. Tant que les corporatistes Français n’auront pas compris cela, la République restera assimilée à une vache-à-lait…

Evidemment, si l’on met fin à leurs privilèges d’un autre temps – celui des Trente glorieuses, du plein-emploi et de la gestion paternaliste de certains corps professionnels –, les intermittents useront de terribles mesures de rétorsion : sabotage de représentations à Orange ou Avignon, défilés dans les rues de Paris, grève de la perche sur les plateaux TV. De tout cela, la majorité des Français n’a que faire… Au contraire de dirigeants socialistes aux petits soins pour leur clientèle électorale.

Comme l'exige le plus élémentaire bon sens, Mesdames et Messieurs les intermittents devraient voir leur statut purement et simplement aligné sur celui du commun des cotisants. Après tout, un agriculteur, un artisan, un ouvrier à la chaîne peuvent-ils se permettre de ne travailler qu’une moitié de l’année ?

Malheureusement, une fois tombés les premiers sondages confidentiels de réactions à une éventuelle atteinte aux « droits » des intermittents, il y a fort à parier que le Grand mol et son Premier taiseux enterreront discrètement un projet qui aurait pourtant pu asseoir leur crédibilité en termes de volonté politique et de responsabilité. Occasion gâchée. Faut-il s’en étonner ?

* http://www.intermittent-spectacle.fr/conditions-d-acces-au-statut-d.html


Lire l'article complet, et les commentaires