Intervention de Macron sans conviction le 10 décembre 2018
par Bernard Dugué
mardi 11 décembre 2018
Emmanuel Macron a prononcé pour les JT de 20 heures, pendant 13minutes, un discours de campagne pour éteindre la fronde des gilets jaunes, comme si nous étions au terme d’une élection à mi-mandat dont on devrait renouveler l’Assemblée. Faute de dissolution, Macron se dissout pour se régénérer. Rien d’étonnant dans cette intervention qui commence par quelques touches de storytelling sur la ménagère qui ne boucle pas ses fins de mois et le retraité martyrisé par la CSG. Puis une allusion rapide à 40 ans de politique approximative et lâche ayant oublié bien des citoyens. Et un mot d’ordre, sur le travail, qui doit être rémunéré et faire l’objet d’un souci permanent, notamment sur la formation et l’apprentissage. Le travail est un concept idéologique nourrissant les anciens mythes que l’Europe a connus il y a un siècle. Macron tente de renouer avec le capitalisme fordien dans un contexte où cette forme de capitalisme a été balayée.
L’augmentation du Smic s’inscrit dans la doctrine du ruissellement par le bas mais c’est une mesure insuffisante, tout en étant coûteuse, comme du reste l’exonération de CSG, certes légitime, des retraités. Le pyromane Macron est devenu pompier. En termes économiques, c’est du temps acheté à crédit, comme par le passé, déficit budgétaire pour résoudre les situations. Ce crédit de temps peut être remboursé si l’économie monte en puissance or ce n’est pas le cas si l’on se réfère aux indicateurs disponibles. On aura noté une inconnue de taille. Pour financer ces mesures, qui va être mis à contribution, où l’argent sera-t-il récupéré ? Peut-être en laissant de côté la transition énergétique, ce qui va dans le bon sens bien que Macron ne reconnaisse pas que les accords de Paris doivent être reniés. Et si la transition énergétique n’est pas abandonnée, alors le financement devra être trouvé ailleurs. Ce qui en l’état actuel de nos connaissances relève de la magie. Et dieu sait s’il y a des magiciens cachés à Bercy, officiant à l’instar des prêtres de Sumer réglant les offrandes pour plaire aux dieux de la prospérité. On ne sait pas si cela fonctionne, la seule certitude étant que les prêtres sont parmi les gens les mieux rémunérés.
Ce discours faussement de campagne laisse un sentiment de vide, sans contenu, sans idée, terne, convenu, attendu sans surprendre. Le président ne pouvait faire mieux que cet exercice d’énarque très conventionnel dans la forme et le contenu. Je n’ai pas eu le sentiment d’une personne habitée par quelque puissante âme. Plutôt le spectacle d’un homme vidé de son énergie et de son essence, marqué par une responsabilité qu’il a voulu incarner et qui l’a dépassé, englouti, lui, président en marche dont on a compris qu’il allait vers l’ancien monde en usant des techniques du nouveau monde. Le mythe macronien ne fonctionne plus, il s’est éteint avec la fronde des gilets jaunes mais les députés de LREM entretiennent la flamme du mythe et croient encore dans la méthode sans vraiment voir où va le pays. Macron a parlé d’une ardoise accumulée depuis 40 ans. En réalité, ce serait plutôt 30 ans mais peu importe, car le président croit effacer progressivement l’ardoise alors que son logiciel est ajusté pour augmenter l’ardoise.
On peut penser qu’une bonne partie des gilets jaunes sera calmée à défaut d’être satisfaite. La frange révolutionnaire des gilets jaunes navigue à vue mais aussi avec une vue solidaire sur la misère française qui ne figure pas dans les propositions de Macron. Les retraités à 2000 euros trouveront leur compte mais pas ceux qui vivent avec 900 euros ou moins, ni les travailleurs pauvres qui dorment dans leur voiture. Même si le mouvement se défait, les problèmes restent et le pays sera d’ici un laps de temps indéterminé face à une nouvelle fronde de la population. La France est dans l’impasse, l’Europe aussi, et sans doute le monde entier. Nous avons fabriqué un monstre technique et une humanité fébrile, futile, débile. Les gilets jaunes ont montré un réveil de l’intelligence accompagnée de colère un peu moins intelligente. On ne sait pas si les penseurs vont suivre.
On retiendra du discours de Macron la volonté de préserver le pays à défaut de le faire avancer. On ne peut lui en tenir rigueur. On sait maintenant que son projet était sans avenir. Si les Français veulent un autre destin, qu’ils se mettent à penser, à parler et à retrouver la confiance pour un projet généreux et porteur d’espérance. Pour l’instant, la défiance est le ressort de notre pays qui tangue. La transition écologique est basée sur la défiance. Il est temps qu’on en sorte. Que le peuple français assume son destin en le créant, s’il le veut, ce qui reste à prouver ! Il n’y a que deux révolutions, dans les urnes ou dans la rue. Pour l’instant le président tente de préserver la nation et il est dans son rôle. Il assume une présidence dans un pays qui peu à peu, parvient à la vérité de la situation. Il n’y a pour l’instant aucune solution. Les mythes de l’ancien monde règnent encore sur les âmes. Que dire de plus ?