« Je le redis, la lâcheté... »

par LM
mercredi 21 juin 2006

Gros chahut hier à l’Assemblée lors des questions au gouvernement. Hollande a provoqué de Villepin qui l’a renvoyé dans les cordes sans ménagement. Debré a tout tenté pour faire revenir le calme dans cette classe très agitée. En vain : ça sent les vacances.

Il était 15 heures, un poil plus, hier après-midi, et la séance hebdomadaire de questions au gouvernement se déroulait sans anicroche, quand monsieur Hollande, le baudet du Limousin, compagnon de la favorite des sondages, s’est levé pour s’avancer vers le micro :

« Monsieur le premier ministre, en politique comme en toute chose, rien ne peut se construire sans la confiance. La confiance, vous l’avez perdu auprès des Français... », commence le patron du PS, provoquant d’emblée quelques remous dans les rangs de la majorité. « Cette confiance, Monsieur le premier ministre, vous ne la retrouverez pas dans les procédures judiciaires que vous intentez contre des journalistes », poursuit Hollande, faisant référence à la plainte déposée par Villepin à l’encontre de Denis Robert, le journaliste « inventeur » de l’affaire Clearstream. « Nous sommes dans le régime de l’irresponsabilité », continue le rougeaud commandeur des socialistes, plutôt en forme sur ces attaques-là, et qui va poursuivre, en évoquant les dérapages d’EADS, le possible délit d’initié d’un de ses dirigeants, Jean-Noël Forgeard.

Il est 15 heures 12 à la pendule de l’Assemblée, et la caméra vient à ce moment-là se poser sur un premier ministre que l’on sent tendu, le cheveu certes élégant mais des valises sous les yeux, les lèvres pincées, comme s’il ruminait déjà sa réponse. Force est de constater qu’il ne goûte pas, mais alors pas du tout, le laïus du petit François.

Qui continue, qui parle d’enrichissement des actionnaires au moment même où les salariés sont menacés de licenciement, et qui finit, parce que c’est le but du jeu, par poser sa question : « Monsieur le premier ministre, maintenez-vous au nom du gouvernement, votre confiance à monsieur Forgeard ? »

« Merci monsieur Hollande », intervient Debré, qui pense l’intervention socialiste terminée, mais Hollande rétorque : « Attendez, Monsieur le président ! », à l’adresse de Debré, soudain offusqué sur son perchoir. « Non, monsieur Hollande ! Non ! Chacun a le droit au même temps ! », hurle Debré tandis qu’Hollande dans un brouhaha de plus en plus envahissant termine sa question : « Si c’était le cas (maintenir Forgeard) ça voudrait dire que nous serions dans l’irresponsabilité générale. »

Voilà. Hollande a dit ce qu’il avait à dire, il est, allez, quoi, 15h14 à la pendule de l’hémicycle, et tout se calme soudain. Villepin se lève, se place derrière son micro, droit comme s’il sortait de la mer, et d’emblée bombe le torse : « Monsieur Hollande, il est des moments dans la démocratie, où l’on ne peut pas dire n’importe quoi », démarre le Galouzeau. « C’est vous qui avez défini le pacte d’actionnaire, sous le gouvernement Jospin, c’est votre responsabilité. » Riposte classique : on renvoie la balle dans l’autre camp, c’est celui qui dit qui y est. La suite est nettement plus bucolique : « Monsieur Hollande, il est des moments dans une démocratie, où l’on ne peut pas mélanger les carottes et les choux fleurs. »

Il est toujours 15h14 à la pendule mais d’un coup on a avancé dans le temps, on sent qu’on ne va pas tarder à s’amuser pour de bon. Villepin précise : « On ne peut pas mélanger l’exigence de vérité et l’exigence de bonne gestion. » Si l’on traduit bien, l’exigence de vérité c’est les carottes, et l’exigence de bonne gestion, c’est les choux fleurs.

Ca n’a l’air de rien, tous ces détails, mais c’est à ce moment-là que tout va se jouer, à ce moment-là qu’on va passer du potager au poulailler :

« Et je dénonce monsieur Hollande, la facilité, et je dirais même, en vous regardant (la caméra sur Hollande, qui ne s’attend pas du tout à la suite, visiblement) la lâcheté (brouhaha, Hollande fait non avec sa petite main boudinée, Villepin n’en démord pas) la lâcheté qu’il y a dans votre attitude (dans le camp socialiste, certains se lèvent, Debré leur demande de s’asseoir, Villepin continue)

Je le redis, la lâcheté... »

Et là ça part vraiment dans tous les sens, le bruit est énorme, mais ne réussit pas à couvrir Villepin qui continue, qui argumente, qui explique ce qu’il appelle les « contradictions » d’Hollande. Debré demande à tout le monde de s’asseoir, sur un ton parfois pagnolesque, ses « Asseyez-vous, asseyez-vous » le rendent plus proche de Raimu que d’un président d’Assemblée nationale qui prendrait ce charivari au sérieux.

« Quel spectacle ! », déplore Debré

« Ca ne sert à rien, asseyez vous ! », mais rien n’y fait.

A gauche, on crie toujours, on demande la démission du premier ministre, pas sur l’air des lampions mais pas loin, et Villepin continue sa diatribe, très offensif, l’œil noir, même pas l’air satisfait de son tacle, mais à fond dans l’action, remonté comme jamais.

Le premier ministre termine sa réponse, les députés de gauche n’en peuvent plus de s’agiter, de bouger leurs bras, de hurler on ne sait quoi à l’adresse du perchoir ou de de Villepin, qui s’est rassis.

« La parole est à monsieur Perruchot », déclare alors Debré, qui lui veut poursuivre les questions, malgré le désordre, le mot est faible. Mais avant de laisser ce bon monsieur Perruchot parler, il faut quand même tenter de ramener le calme. Debré demande à ceux qui veulent sortir de le faire, interpelle « Monsieur Hollande » sur un ton de remontrance, comme un renvoi au piquet.

« Si vous voulez sortir, sortez », lance Debré aux députés socialistes debout, qui s’agitent.

« On y va doucement, gentiment, la télévision vous a filmé, c’est bien ». Puis Debré va tenter désespérément de lancer ce bon monsieur Perruchot

« Allez-y, monsieur Perruchot, allez-y . » Mais Perruchot ne peut pas y aller, c’est compliqué, trop de bruit, trop de souk.

« C’est pas la peine de crier, n’en rajoutez pas ! », hurle Debré à l’adresse des agitateurs, avant de s’en prendre à monsieur Perruchot

« Monsieur Perruchot, vous parlez ? »

« J’attends que le calme revienne, Monsieur le président ! »

« Si vous ne voulez pas vous exprimer, je vais passer au suivant ! »

« Monsieur le président, mettez le calme dans l’hémicycle ! », s’entête monsieur Perruchot.

« Très bien si vous ne voulez pas vous exprimer, je passe la parole à monsieur Garrigue », le sanctionne Debré, agacé. Perruchot range sa cravate à rayures, et monsieur Garrigue pose sa question à monsieur Douste Blazy.

Il est 15h20, plus personne n’écoute, et au moment où Douste se lève pour répondre à monsieur Garrigue, Debré se plante et l’appelle « Monsieur Coppé ».

Un mardi de haute volée (de bois vert) à l’Assemblée nationale.


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