Jean-Charles Marchiani blanchi... puis condamné : la main de la DST pour protéger Chirac ?

par Blacksmith
samedi 31 octobre 2009

La semaine dernière Jean-Charles Marchiani, le fidèle homme, l’ombre de Charles Pasqua était blanchi dans l’affaire de la libération des otages du Liban, où il avait été accusé sur la foi de notes de la DST, ingénument fuitées en 2001.

Les mêmes causes ne produisant pas les mêmes effets, Jean-charles Marchiani, mis en cause par le même genre de notes de la DST pour le même type de délit, est condamné dans l’affaire de l’Angolagate.

Ces « coïncidences » dont parle Pasqua, n’ont jamais surpris nos chers journalistes jusqu’à ce que cette vieille fripouille octogénaire les leur balance à la gueule avec son accent corse.

A quoi sert la presse si elle ne se contente que des restes de scandales que lui sert le monde politique (c’est certes jouissif de s’imaginer Pasqua ou Marchiani à la Santé, mais ça sert à quoi ?) au lieu d’enquêter sur les vrais scandales derrière l’Angolagate : une vente d’armes à une dictature décidée en violation du droit international par le président de la République et sur celui plus profond du financement occulte de la carrière politique de Jacques Chirac.

Après l’annonce du renvoi en correctionnelle de Jacques Chirac, on voit déjà les réseaux de l’ancien président se mettre en branle pour le protéger. Je gage qu’ils auront gain de cause. Raison de plus pour ne pas rester silencieux sur les (nombreux) autres scandales dans lesquels est mouillé Jacques Chirac.

(L’article ci-dessous est une version actualisée d’un post de mon blog Secrets d’Etat)

Jean-Charles Marchiani blanchi dans l’affaire des otages du Liban...

Jean-Charles Marchiani, l’ancien Monsieur sécurité et terrorisme du pagnolesque ministre de l’intérieur Charles Pasqua, a été définitivement blanchi jeudi par la justice dans l’affaire des otages du Liban.

Les documents « fuités à l’insu de leur plein gré » par les services de la DST en 2001 et qui accusaient Jean-Charles Marchiani d’avoir touché des commissions occultes sur la libération des otages français du Liban, se sont révélés sans fondement.

Une affaire et des méthodes qui en rappellent d’autres et qui jettent un soupçon sur l’intégrité de nos hommes de l’ombre qui n’ont pas hésité à jeter un des leurs en pâture à l’opinion publique pour défendre le système Chirac. Pourquoi ?

Jean-Charles Marchiani n’est pas le genre de type avec lequel je passerais mes vacances en Corse. Catho version intégriste, toujours à droite de la droite, éternel homme de l’ombre et entremetteur : la parfaite caricature du barbouze à l’ancienne.

Un coupable idéal et une histoire trop bien écrite

J’avais suivi à l’époque ses différents procès, sans sympathie mais en me disant qu’il faisait un méchant un peu trop parfait dans ces histoires d’espionnage, de gros sous et de politique.

L’histoire qu’on nous vendait semblait écrite d’avance. Jean-Charles Marchiani avait touché pendant des années des commissions occultes sur des contrats hautement stratégiques (donc un minimum contrôlés) avec l’habileté et la discrétion d’un Arsène Lupin, avant de se faire pincer comme un gamin dans un magasin de bonbons.

Pourquoi l’avoir désigné pour négocier ces contrats ? Par qui ? Ses questions n’ont même pas été effleurées au cours des différentes procédures. Pourquoi toutes ces affaires sont sorties en même temps ? A moins de six mois d’une élection présidentielle ? Cela non plus n’a pas éveillé la curiosité des juges. Pourquoi ces commissions étaient versées sur des comptes à son nom s’il avait une quelconque raison de penser qu’il pourrait être un jour poursuivi ? Autant de questions restées sans réponse.

Il faut dire que la défense de Jean-Charles Marchiani n’est qu’à moitié plus convaincante. Selon lui, et il ne variera jamais dans ses explications, les fonds perçus l’étaient à la demande de sa hiérarchie (en gros Charles Pasqua et Jacques Chirac) et étaient destinés à financer des opérations secrètes ne devant pas apparaître dans les comptes officiels, fussent-ils fonds secrets.

L’explication est un peu légère certes, mais d’un point de vue du droit c’est parole contre parole entre les notes assassines négligemment fuitées par la DST et accablant Jean-Charles Marchiani, et les déclarations du préfet qui demandera en vain tout au long de la procédure la levée du Secret Défense.

Des fonds politiques au service des ambitions de Chirac

Je n’ai jamais été convaincu de cette défense et ne vois pas bien pourquoi les autorités françaises auraient besoin d’utiliser ce genre de procédés. Encore que… Mais ma conviction, et le fait que Jean-Charles Marchiani ait été blanchi dans l’affaire des otages du Liban ne fait que la conforter, c’est que ces fonds n’étaient pas destinés à Jean-Charles Marchiani et qu’il n’y a jamais eu enrichissement personnel.

Mais je ne crois pas non plus que ces fonds (en tout cas leur intégralité) étaient destinés au financement d’opérations extérieures (même si une partie a manifestement été utilisée pour la libération des pilotes en Bosnie). Ma conviction toujours, est que ces fonds étaient destinés au financement de la vie politique en général et aux ambitions présidentielles de Jacques Chirac en particulier.

Je m’explique. Jean-Charles Marchiani est de notoriété publique l’homme de confiance de Charles Pasqua, qui est lui-même (de notoriété semi-publique) le financier occulte du RPR de Jacques Chirac.

Ce n’est évidemment qu’une hypothèse, mais je la trouve autrement plus crédible que celles proposées par ailleurs. Jacques Chirac et Charles Pasqua confiaient à Jean-Charles Marchiani des négociations délicates (qu’il ne devait pas si mal gérer d’ailleurs puisqu’il ne touchait des commissions que sur des contrats signés) et bénéficiaient ensuite d’un trésor de guerre confortable.

La DST en mission commandée

Mais pourquoi alors cette cabale de la DST et plus globalement des services français contre Jean-Charles Marchiani ? Il faut se replonger dans le contexte de 1995 pour comprendre. Charles Pasqua, l’autre ami de trente ans de Jacques Chirac abandonne alors son mentor et se rallie à Edouard Balladur.

De ce clash naîtra une situation inextricable, qui deviendra insupportable au clan Chirac sept ans plus tard à l’approche de l’élection présidentielle de 2002. Il eut été suicidaire de laisser le pactole entre les mains de Pasqua et de son jeune « padawan » (élève Jedi pour ceux qui ne connaissent pas Star Wars) Nicolas Sarkozy, qui affûtait alors ses armes dans l’ombre.

Les proches de Chirac, qui on le sait depuis le début de l’affaire Clearstream ne sont pas à une manipulation près et se fascinent comme des gamins pour les histoires d’espions, descendent l’ancien héros libérateur d’otage en diffusant habilement des notes accablantes. Il n’y aura jamais de preuves formelles, mais aucun démenti possible puisque le ministère refuse de lever le Secret Défense. Le piège est parfait et se referme sur le préfet Marchiani, qui fera un petit tour en prison pour expier les bisbilles entre Pasqua et Chirac.

On sait aussi que Jean-Charles Marchiani a doublé les services officiels à un certain nombre de reprises, que ce soit au Liban, en Bosnie ou en Algérie, et que agissant en marge de la DST et de la DGSE, il s’est créé un certain nombre d’inimitiés et de jalousies au sein de ces services.

La grâce de Jean-Charles Marchiani, le fait du prince

Nicolas Sarkozy est tellement au fait de ces péripéties (dont il était un personnage secondaire) qu’il va, à l’encontre de ses promesses électorales et de ses convictions profondes, gracier Jean-Charles Marchiani en décembre 2008. L’aurait-il fait s’il le considérait comme un voleur de poules ? S’il ne savait pas pertinemment que Marchiani avait été piégé comme d’autres par un système occulte de financement de la vie politique ?

Si Sarkozy avait un peu de consistance ou d’intégrité, il devrait désormais également demander qu’on pende à un croc de boucher les calomniateurs anonymes, que l’on retrouvera certainement encore derrière leurs bureaux de la DST ou de la DGSE, qui ont fabriqué non pas des faux listings, mais des fausses pièces utilisées dans un procès. On n’en est pas encore là…

 

... mais condamné dans l’Angolagate

Jacques Chirac doit répondre de ses actes

Jean-Charles Marchiani avec son complice de toujours Charles Pasqua a donc été condamné à de la prison ferme pour son implication dans le scandale de l’Angolagate qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la première : des histoires de commissions occultes, des notes fuitées au moment où Pasqua prépare sa candidature à la présidentielle et une instruction entravée par le Secret Défense.

Il y a toutefois une grande différence entre les deux affaires. La lettre, dont on fait peu de cas, du ministre de la Défense Hervé Morin au juge, lui demandant de classer l’affaire.

Si ce n’est pas une reconnaissance implicite de l’implication de l’Etat dans cette vente d’armes je ne sais pas ce que c’est. Le juge a même reconnu dans son verdict l’incurie des dirigeants de l’époque, en se gardant bien d’aller plus loin.

Parce que ne nous trompons pas, ce qu’aller plus loin voudrait dire, c’est trainer Jacques Chirac devant la Haute Cour de justice. Parce qu’il est quand même question d’un président (qui nous jure depuis 30 ans qu’il aime l’Afrique) et qui décide d’approvisionner un dictateur africain en armes pour mater une rébellion.

Ça ressemble quand même plus à un scandale que des histoires de rétro-commissions ou des médailles vendues à un ancien agent du KGB !!!

Hélas personne ne fera rien contre Jacques Chirac (et son renvoi en correctionnelle n’y changera rien). Trop populaire. Ancien président. Et puis ce serait l’image de la France, le pays des droits de l’Homme, qui en prendrait un coup.

L’éternelle question du financement des ambitions de Jacques Chirac

Que faisait Charles Pasqua des sommes qu’il détournait ? A quoi servaient les commissions que Jean-Charles Marchiani touchait dans le cadre de ses négociations de contrat ?

Je ne suis pas naïf. Je ne crois pas à ces histoires de fonds secrets utilisés pour des missions extérieures ultra-secrètes. L’argent des commissions était évidemment utilisé pour renflouer les caisses noires du RPR.

C’est un secret de Polichinelle. Jusqu’à la rupture de 1995, Charles Pasqua était le financier occulte du RPR. C’était semble-t-il la norme à l’époque.

Et sur ce point comme sur bien d’autres, l’Angolagate et l’affaire de la libération des otages du Liban se rejoignent. Jugeons donc Charles Pasqua et Jean-Charles Marchiani, mais comme simples complices, voire porteurs de valises, dans un procès Chirac qui aurait tout son sens.


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