Jean-Luc Mélenchon ou l’étendue du vide

par hommelibre
lundi 23 avril 2012

Si les astronomes se demandent quelles sont les limites de l’univers et quelle est l’étendue du vide, Jean-Luc Mélenchon donne une idée de cette dernière. A écouter sa déclaration après les résultats du premier tour on se demande si l’on est dans un spectacle surréaliste, un épisode des Guignols ou si, la pression retombée, JLM n’a plus rien à offrir.

Lui qui se voyait peut-être au deuxième tour, ou du moins qui l’ambitionnait ouvertement, lui qui se voyait au moins à 20% en ayant largué Marine Le Pen, le voilà KO debout, presque caché derrière cette estrade sur la Place de Stalingrad. Fini la superbe du coq qui se croit maître de la basse-cour. Fini les superlatifs que nombre de fans ou de journalistes lui ont adressé pendant la campagne. « Mélenchon, la révélation de ce premier tour ». Exit la révélation. Les prophéties sont terribles quand au réveil il ne reste que les yeux pour pleurer.

C’est une triste impression de perdition qu’il donne quand il affirme que le total des voix de droite a reculé par rapport à 2007. Il bluffe encore, prend ses auditeurs pour des imbéciles. On voit en clair que chez lui tout était dans le ton. Si l’on ne compte pas François Bayrou le total des voix de droite était alors de 45%. En 2012 il est de 46%. Dont 20% pour le FN, contre 11% en 2007. La droite et la droite nationaliste ont en réalité progressé.

J’écrivais hier que Mélenchon, par son style et ses outrances, avait peut-être légitimé Marine Le Pen. Hier soir il affirmait que le Front de Gauche était l’arbitre et détenait la clé de cette élection. Encore une fois JLM se montre excessif et abusif. Le résultat engrangé sur sa personne ne suffit pas à faire élire François Hollande. C’est Marine Le Pen qui détient la clé de l’élection, avec François Bayrou.



Un peu groggy, comme au sortir d’une soirée de bar tardive, il affirme sans rire que c’est grâce à sa stratégie que le Front National est contenu. Il prétend que c’est parce qu’il a critiqué radicalement le programme du FN, et parce que lui a fait 11% de voix, que la droite nationaliste n’est pas plus forte au premier tour. Cela n’est en rien démontré. On se console comme on peut. La rhétorique permet de faire prendre les vessies pour des lanternes. Le vote pour le Front de Gauche n’a probablement rien changé. Les thèses du Front National restent d’actualité, faute d’être traitées avec les réponses adéquates. Ses positions pro-immigration, sans l’once d’une réflexion sur la gestion de cette immigration (gestion non seulement pour le bien des français mais aussi pour celui des immigrés), a au contraire peut-être renforcé MLP.

En réalité Marine Le Pen a monté en puissance et les frontistes voient dans ce résultat une légitimité nouvelle de leur parti dans le paysage politique français. Le discours triomphaliste de MLP après l’annonce des résultats le montre bien. Pendant plus de 15 ans de pouvoir entre 1981 et 2002, la gauche a fait progresser le FN en refusant le débat soulevé, en faisant du déni. Aujourd’hui il semble que cette pathologie du déni est toujours présente, pas soignée.

Cerise sur le gâteau, Jean-Luc Mélenchon appelle immédiatement à voter Hollande sans rien demander. Si vite, sans analyse nationale de la situation, il montre d’une part la tendance autoritaire de sa direction qui ne réfère pas à ses militants (au fond la politique reste une affaire de chefs et pas de peuple), mais aussi la soumission à Hollande. Il le répète plusieurs fois comme si cela n’allait pas de soi. Et cela ne va pas de soi. La répétition de cette injonction à voter Hollande montre l’étendue du malaise à gauche. Soit JLM a déjà négocié en secret avec le Parti socialiste, soit il lâche tout après avoir été extrêmement critique à l’égard de François Hollande. S’il a négocié en secret il frustre ses électeurs qui s’estiment en droit de monnayer leur vote. S’il lâche tout il montre le vide profond de sa candidature, qui n’était alors qu’un coup de gueule ajoutant de la violence à la violence actuelle qui sévit en France. Il y a un côté baudruche chez Mélenchon. Navrant.

Nicolas Sarkozy a lui perdu toute visibilité. Il ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Le rejet de sa personnalité n’explique pas tout. Il a manqué de pédagogie, été mal relayé. Son omniprésidence lui revient à la figure. Sa navigation à vue pendant la campagne n’a pas amélioré son image. Au fond il n’est peut-être pas à la hauteur de la tâche qu’il s’est assigné : réformer et débloquer la France. Hollande joue au nounours et veut être le contraire de Sarkozy. Et bien si Sarkozy veut encore y croire, il doit être encore plus Sarkozy. Il ne doit surtout pas suivre Hollande dans le maternage des français. Il doit au contraire les affronter, se confronter à eux. Suivre sa ligne. Il a 15 jours pour mettre en place une pédagogie. C’est très court. Et il est possible qu’il ait déjà atteint sa limite de compétence.

L’ère Hollande qui va peut-être s’ouvrir n’augure rien de joyeux. Son modèle est François Mitterrand. Or Mitterrand c’était l’argent roi, la paranoïa des écoutes illégales, les intrigues, le flot de courtisans sans dignité, et une France qui n’a en rien amélioré sa situation industrielle et économique. La gauche française ayant renoncé à débattre de tout, se proclamant gardienne d’une éthique morale et politique, et campant sur des positions conservatrices, n’est pas un modèle enthousiasmant.

Où sont les Jacques Delors, les Simone Veil ? Dans la France actuelle les femmes et hommes de cette dimension manquent.


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