Jean-Luc Mélenchon suit-il la bonne stratégie ?
par Laurent Herblay
vendredi 29 octobre 2010
La question pourra paraître surprenante tant le chef du Parti de Gauche s’impose dans les médias et également comme présidentiable en vue de l’élection de 2012. Cependant, il ne faut pas confondre la force du bruit produit avec sa pertinence.
Une stratégie qui maximise le bruit
On parle de plus en plus de Jean-Luc Mélenchon. Ses fréquentes foucades contre les journalistes arrivent même au paradoxe de faire parler de lui en son absence. Il faut dire qu’il les multiplie depuis six mois entre sa critique d’un jeune journaliste qui lui posait une question sur les maisons closes, les qualificatifs de « larbin » et « salaud » employés contre David Pujadas ou l’expression de « perruches et métronome » pour parler de trois journalistes femmes reçues par Michel Denisot.
A priori, cette stratégie peut sembler habile. En effet, les journalistes ne sont pas forcément très appréciés et devenir leur tête de turc présente l’avantage de faire (beaucoup) parler de soi. En outre, comme le souligne Marianne, ces attaques peuvent le servir en renforçant son statut de défenseur du peuple contre les élites politico-médiatiques. Cette posture, sur laquelle François Bayrou a joué en 2007, le place au centre du jeu politique et pourrait l’amener à un beau score en 2012.
Une stratégie à double tranchant
Mais comme le souligne Marianne, le « coup de gueule permanent », s’il permet de faire du bruit, n’est pas sans limite et peut parfois lui permettre de se passer de « délivrer un message cohérent et constructif ». Pire, même s’il délivre parfois un tel message, il y a fort à parier que seules ses foucades parviennent aux oreilles des citoyens. Cela pourrait bel et bien le réduire à une sorte de chroniqueur politique qui défend les petits contre les puissants, sans perspective d’arriver au pouvoir.
Bref, en multipliant les déclarations cinglantes, Jean-Luc Mélenchon pourrait au final devenir un autre idiot utile du système (au même titre que le Front National ou le NPA), c’est-à-dire un leader qui capte une part importante de l’électorat sans espoir de devenir une véritable alternative de gouvernement du fait d’un discours, qui, s’il séduit fortement une partie de l’électorat, prend le risque d’être trop réduit à ses excès pour être une alternative crédible de gouvernement.
Une leçon pour les alternatifs ?
La situation des candidats alternatifs (DLR, MRC, PG) est très compliquée. D’un côté, nous avons le besoin d’émerger médiatiquement, ce qui est grandement facilité par des déclarations fracassantes et très critiques, qui retiennent davantage l’attention. Mais de l’autre, on peut se demander si le fait d’être réduit à des foucades, qui peuvent être vues comme excessive par la majorité, ne fait pas de nous les idiots utiles du système qui divertissent sans pouvoir rien changer.
La difficulté est d’autant plus grande que la plupart des militants apprécient beaucoup les déclarations tonitruantes qui sont prises comme de la sincérité et l’illustration nécessaire des souffrances d’une grande partie de la population. Une trop grande modération peut être interprétée comme un manque de conviction ou une faiblesse. Pourtant, un discours plus policé est aussi le moyen de convaincre d’autres citoyens et de pouvoir un jour rassembler une majorité derrière nos idées.
Les foucades de Jean-Luc Mélenchon plaisent sans doute beaucoup à une minorité de l’électorat, mais s’il s’enferme dans un tel registre, il est probable qu’il ne pourra jamais convaincre une majorité de Français de l’envoyer à l’Elysée. D’ailleurs, il ne donne pas vraiment l’impression qu’il en a réellement envie et on peut se demander si son rôle de chroniqueur alternatif et vitupérant de la vie politique ne représente pas pour lui l’horizon indépassable et même souhaitable de sa carrière.
La stratégie actuelle de Jean-Luc Mélenchon est sans doute très efficace pour émerger médiatiquement. Mais en se cantonnant dans un rôle de critique acerbe du pourvoir au détriment de sa capacité de proposition, il risque de se transformer en nouvel idiot utile du système…