« Jour de colère » ou « Jour de manip » : témoignage

par Jean de la Beauce
mercredi 29 janvier 2014

J'y étais. Même si je n'étais pas descendu à Paris pour cela ce dimanche 26 janvier 2014. Après un repas avec des proches dans le quartier des gobelins je pensais remonter vers le quartier latin me balader malgré la pluie qui commençait à tomber dur... quand "ils" se sont fait entendre. 'Ils" ce sont les manifestants de ce "jour de colère" dont les commerçants de mon patelin avaient affiché l'appel à défiler contre la politique économique et sociale du président Hollande. Alors je suis allé voir, pour écouter et dialoguer, filmer avec mon portable pour ma chaine youtube, et remonter vers la gare Montparnasse...

Il était déjà presque seize heures. La foule était dense et hétéroclite. Les CRS présents en force et leurs collègues en civil infiltrés dans le cortège (ils avaient des brassards orange) circulaient groupés. Les slogans étaient anti-fiscalistes, appelaient le président à démissionner, d'autres s'opposaient (encore) au mariage gay au nom d'associations catholiques. Il y avait aussi des gens brandissant des ananas (!) en référence à l'affaire Dieudonné, des bonnets rouges, des royalistes plus quelques jeunes tout de noir vêtus foulard au nez qui voulaient en découdre avec leurs alter egos antifas...

Bref un carnaval ouvert à la diversité (conservatrice), sans meneurs véritables ni programme politique concret à opposer au système actuel. Mon parti, debout la république, n'était pas dans le cortège, le FN et la droite populaire non plus. Un défilé assez nerveux mais calme et sans incidents où on entonnait facilement l'hymne national et la comptine "François et la quenelle"... tout cela donnait une impression de rassemblement d'opposants aux medias plus qu'aux politiques. Tous ceux qui ont été ces derniers temps dans le collimateur des sbires du Monde ou de France-inter étaient là. Une sorte de réponse à la gauche bobo en somme, rien de plus.

Après avoir sympathisé avec un jeune... islamiste(!) avec qui j'ai disserté de l'affaire Dieudonné puis de l'intégration républicaine et des religions j'ai suivi le cortège jusqu'à la place Vauban, son terminus, cerné par de massives forces de police. Des gens ont pris la parole depuis une estrade pour brailler des diatribes anti-PS : un artisan, une dame au chômage, un étudiant et quelques autres... qui criaient très fort mais ne proposaient rien de construit. C'était "jour de colère" à défaut de "jour de réflexions" ou de "jour de propositions", mais on ne peut tout faire en même temps. J'ai essayé de le faire remarquer à un type en blouson noir statique derrière moi : il n'a pas répondu, je n'avais pas remarqué le cordon de son oreillette : combien y avait-il de policiers en civil dans cette foule ? 

Puis la pluie s'éternisant et trempé jusqu'aux os je me suis décidé à rentrer après ce sympathique après-repas dominical. Avant d'atteindre le métro des CRS nous arrêtaient pour une fouille des sacs. Ouf ! Je n'avais pas d'explosifs sur moi, on m'a laissé passer. Mais cela devait fatalement poser problème pour les quelques jeunes venus en découdre avec les éventuels antifas ou pour les gens qui avaient prévu une petite lacrymo en cas d'agression extérieure. Au moment où je suis parti aucune friction n'avait encore eu lieu (vers 17h45)... mais par la suite dans ce contexte cela devait partir en vrille avec une foule qui n'acceptait pas, à juste titre, d'être massée et fouillée sous une pluie battante... sacré Manuel ! Il a bien fait les choses...

Les journalistes n'ont donc retenu que les échauffourées de cet hétéroclite défilé de mécontents de droite (et d'apolitiques). 30000 participants tout de même pour un rallye pédestre annoncé seulement sur le web, belle performance. Mais les observateurs et les curieux ne retiendront que l'inutilité de cette manifestation.

Aucune proposition politique concrète à opposer au gouvernement, un antisocialisme primaire contradictoire et névrosé : la dame au chômage qui criait l'enfer de sa situation devrait donc renvoyer son RSA et autres aides si elle était logique ? Le jeune étudiant critiquant les "privilèges " des fonctionnaires se réjouissait-il des 300000 suppressions de postes dans les services publics des années Sarkozy, autant de jobs en moins pour lui ? Des clips de "guignols" socialistes ont étayé les discours ;c'était crétin et sans intérêt... car Hollande n'est que le gouverneur de la province européenne "France" et il n'est pas le principal responsable des malheurs de nos râleurs, il faut rechercher du côté des banques privées et des bureaucrates bruxellois. 20 milliards d'euros de fraude fiscale, 50 milliards de profits annuels pour les multinationales...

De plus il a été élu, ce qui lui confère une certaine légitimité qu'on le veuille ou non. Je n'approuve pas non plus de nombreux aspects de sa politique, et je le ferai savoir en militant sur le terrain et en votant pour des gens qui ont un vrai programme, eux. Mais défiler pour rouspéter et se fritter à la police très peu pour moi... certains gus pensaient-ils faire la révolution en ce 26 janvier ? Impression très mitigée donc à la sortie de ce jour de colère et de temps pourri.

Je vous balance cet article pour contre-balancer ceux qui traitent de nazis les participants de ce naif et inutile carnaval, on ne change pas les gens en les insultant ou en les traitant à la matraque, mais par une politique volontariste et humaine qui recherche l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre, pas les intérêts de quelques uns... l'extrémisme n'est que la conséquence de l'effondrement du niveau de vie et de l'abrutissement des masses populaires... "jour de colère" de victimes de la crise contre "jour de manip" d'un ministre de l'intérieur peu soucieux de la démocratie... bref un jour pluvieux à oublier, vivement le printemps !


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