Justice sociale : une coquille vide ?

par etarcomed
mercredi 13 juin 2007

« Justice sociale », une expression qui revient à tout bout de champ dans les discours politiques, surtout ceux de gauche. Une de ces expressions qui comme « libéralisme » ou « ultralibéralisme » a perdu son sens, elle est utilisée un peu partout sans qu’on prenne le temps de s’y attarder. Pourtant s’y attarder sera nécessaire, et encore plus pour un Parti socialiste en quête de renouveau.

« Justice sociale », une expression qui revient à tout bout de champ dans les discours politiques, surtout ceux de gauche. Une de ces expressions qui comme « libéralisme » ou « ultralibéralisme » a perdu son sens, elle est utilisée un peu partout sans qu’on prenne le temps de s’y attarder. Pourtant s’y attarder sera nécessaire, et encore plus pour un Parti socialiste en quête de renouveau.

Qu’est-ce-que la justice sociale ? Et par opposition l’injustice sociale ? Il s’agit de l’accès « juste » pour chacun aux différentes richesses : financière, certes, mais aussi l’éducation, la culture, la santé, voire même la sécurité.

La vraie question se situe plutôt au niveau du mot « juste ». Va-t-il de soi que la notion de « juste » ou de « justice » n’est pas universelle ? Qu’il y a lieu de sentiment personnel, de choix individuels ou de société, qu’il y a donc lieu de débat ? Peut-être pas, tant le débat semble complètement inexistant, qu’on affirme que telle mesure va dans le sens ou non de plus de justice sociale.

Et pourtant, normalemen, les clivages gauche-droite se situent bien dans cette question-là de justice sociale, non pas que certains seraient pour l’injustice sociale et d’autre pour la justice sociale, mais que cette notion est variable suivant les cas.

Essayons d’analyser les différents points de vue qui existent en la matière.

  1. La justice sociale est que chaque individu ait de quoi vivre et se loger dignement, simplement car il est humain.

  2. La justice sociale c’est l’égalité, tout le monde doit avoir le même salaire, le même accès aux soins.

  3. La justice sociale, c’est de récolter les fruits de son travail, seul le travail mérite salaire.

  4. La justice sociale c’est la méritocratie, c’est d’avoir un salaire en fonction de ses compétences.

  5. La justice sociale c’est d’avoir une part de richesse en fonction des richesses qu’on crée dans la société, que ce soit par le travail, une prise de risque, un investissement, une idée originale.

  6. La justice sociale c’est aussi de bénéficier du travail dur de ses parents, de ses ancêtres.

  7. La justice sociale c’est quand les plus pauvres peuvent vivre dignement, s’ils y mettent de la bonne volonté, quelles que soient les richesses des autres.

Toutes ces propositions ne sont pas forcément compatibles entre elles, et chacun voudra mettre une dose plus importante de chaque proposition. Cela donnera un objectif politique, à partir de cet objectif, on pourra déterminer les moyens pour y arriver.

Il doit être normal de pouvoir se poser la question de la justice sociale sans idée préconçue, et sans tabou. Prenons quelques cas particuliers.

L’impôt sur le revenu est déclaré « juste » parce que progressif. Il est juste parce qu’il réduit la rapport entre les plus pauvres et les plus riches. Cela sous-entend que les différences de revenus sont à la base injustes, et que l’impôt sur les revenu tend à plus de justice. Il serait intéressant de se poser la question suivante : Dans un monde « juste » quelle est la différence de salaire entre un cadre et un ouvrier, entre un chef d’entreprise et un ingénieur, entre un chanteur et un boulanger, entre un Zidane et un ministre ? Question bien complexe, on peut comme une extrême gauche penser que il ne doit pas y avoir de différence et que tout le monde doit avoir le même revenu. Auquel cas l’impôt sur le revenu ne sera juste que s’il est total.

On peut aussi imaginer qu’il y ait des différences normales, justes, reflétant des différences de mérite. Dans ce cas, il y a un seuil où la justice sociale n’est plus d’augmenter la portée de l’impôt sur le revenu. On peut aussi considérer que la répartition des richesses n’est pas plus juste avant ou après l’impôt, mais que la répartition est nécessaire à la cohésion sociale à l’unité du pays, il s’agit de fraternité et non de justice. On peut enfin considérer que l’impôt sur le revenu est fondamentalement injuste car 50 % de la population ne le paye pas, et qu’il confisque au-delà du raisonnable de l’argent mérité et gagné honnêtement.

Le RMI est un autre exemple du genre, ou différents points de vue peuvent s’opposer, certains estimant que c’est de la simple justice sociale, d’autres trouvant que c’est plus de la solidarité que de la justice, d’autres encore (et souvent parmi les plus modestes) y voyant une forme d’injustice que de voir certains obtenir de l’argent sans travailler.

C’est un exemple qui est là pour montrer que la notion de justice sociale est bien une question d’idéologie politique et qu’il s’agit bien là d’en débattre. Il faut être capable de définir sa propre notion de justice sociale. Et ensuite y trouver les politiques qui permettent effectivement de s’en approcher.

La gauche française a fini par confondre objectifs et moyens, a décrété que certaines politiques étaient intrinsèquement des politiques de justice sociale sans s’occuper du résultat. Un peu comme si après avoir découvert qu’une recette de gâteau manquait de sucre, on se contentait d’ajouter toujours plus de sucre sans plus jamais gouter le gâteau, et sans se rendre compte qu’il est devenu trop sucré.

Symptomatiquement, la carte scolaire est affirmée comme l’outil de mixité sociale dans les écoles. Que le résultat ne soit pas au rendez-vous ne semble perturber personne. Ce n’est que quand certains parlent de la supprimer qu’on commence à admettre en reculant qu’elle n’est pas parfaite et qu’il faut la retravailler.

L’augmentation du smic est aussi quelque chose de forcément positif, en oubliant qu’elle peut aussi créer du chômage ou des délocalisations.

La création de logement sociaux est vue comme un facteur de mixité sociale même quand le taux de logements sociaux est de plus de 70 %.

Les 35 heures sont un exemple flagrant aussi, partant du constat que passer à 40 puis 39 heures fut une avancée sociale, il est devenu une sorte d’idée simple que baisser la durée du temps de travail allait forcément dans le sens de plus de justice sociale et on entend d’ailleurs des voix réclamer les 32 heures.

Cette absence de réflexion de fond conduit le Parti socialiste à ne proposer que plus de ce qu’il a fait avant, donc plus de logements sociaux, smic plus élevé, plus d’aide sociale, généralisation des 35 heures, etc.

C’est en acceptant d’avoir un débat idéologique sur la notion même de justice sociale, en remettant les choses dans l’ordre, en arrêtant de croire que tous les électeurs de la droite ont, soit été escroqués, soit choisi un programme d’injustice sociale, que la gauche pourra revenir avec un vrai projet de société nouveau à proposer au peuple.


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