Karachigate : l’affaire qui empoisonne la présidence Sarkozy

par Henry Moreigne
vendredi 14 mai 2010

L’article de Bertrand le Gendre dans les colonnes du Monde le 7 avril n’est pas passé inaperçu. Le journaliste livre une analyse pertinente dans laquelle il relève des similitudes frappantes dans les parcours de Chef de l’Etat de VGE et de Nicolas Sarkozy. La conclusion est cruelle pour l’actuel locataire de l’Elysée suspecté de se Giscardiser. Le parallèle ne serait pas complet sans une affaire gênante. A ce titre, le Karachigate pourrait bien constituer pour Nicolas Sarkozy, en plus explosif, ce que fût le dossier noir des diamants pour VGE.

Le Karachigate n’aurait pas pris une telle ampleur sans la détermination à faire émerger la vérité d’un quotidien, Mediapart , et d’un homme politique, le député Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d’information parlementaire mandatée pour éclaircir le dramatique attentat de Karachi .

En septembre 2008, Mediapart lance l’affaire. Le quotidien d’Edwy Plenel évoque une affaire d’Etat dans laquelle s’entremêle corruption liée aux ventes d’armes et financement illicite de la vie politique.

En 2002 un attentat est commis contre des employés de la Direction des constructions navales (DCN). Onze d’entre eux sont tués. Le pôle antiterroriste est saisi. Le dossier est confié au juge Jean-Louis Bruguière. Fin 2008, Marc Trévidic lui succède et soulève la piste d’un acte terroriste lié à l’arrêt du versement de commissions promises à des décideurs pakistanais suite à la vente de sous-marins en 1994. L’enquête du juge fait également apparaître des soupçons sur l’existence de rétrocommissions qui auraient notamment été reversées à des politiques français par des intermédiaires rémunérés.

Les rétro-commissions sont suspectées avoir, en partie, été destinées à financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Ce soupçon est alimenté par le versement d’un peu plus de 10 millions de francs essentiellement en billets de 500 francs sur le compte de campagne de l’ancien premier ministre, au lendemain de sa défaite au premier tour. L’affaire éclabousse par ricochet le ministre du Budget en poste en 1994, un certain … Nicolas Sarkozy. Selon plusieurs documents et témoignages, ce proche d’Edouard Balldur aurait personnellement suivi de très près le dossier, c’est en tout cas ce qu’avance Mediapart .

Mission parlementaire contre commissions financières. Début 2009, Bernard Cazeneuve député-maire PS de Cherbourg, ville dont sont originaires les victimes de l’attentat souhaite à la demande des familles faire la lumières sur les causes de l’acte terroriste. Pour cela, il demande que soit mise en place une mission d’information parlementaire dont les prérogatives sont beaucoup plus restreintes qu’une commission d’enquête mais se heurte au refus du bureau de l’Assemblée nationale.

Soutenu par Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, le parlementaire s’obstine et finit par décrocher en juillet 2009, la création de la « mission d’information sur les circonstances ayant entouré l’attentat de Karachi ». Trop beau pour être vrai. Contrairement à l’usage qui veut que pour des raisons d’impartialité le président et le rapporteur soient de bords différents, deux UMP, signe de fébrilité sont désignés. Après un nouveau bras de fer avec Guy Tessier, président UMP de la commission de la Défense, M. Cazeneuve est désigné rapporteur.

Très vite pourtant le torchon brûle entre l’impétueux parlementaire et ses collègues de la mission, notamment le président. Tout est fait pour entraver l’avancement de l’enquête. Mediapart qui a consciencieusement suivi le dossier à travers de nombreux articles cite Bernard Cazeneuve : “Il y a eu une opération d’entrave, menée par les plus hautes autorités de l’Etat, visant à empêcher notre mission de travailler. Sans doute le gouvernement a-t-il eu peur qu’en coopérant, il expose le président de la République.

Publié mercredi, le rapport de la mission parlementaire confirme le lien possible entre l’attentat de Karachi et l’arrêt du versement de commissions sur la vente de sous-marins. Les conclusions opposent toutefois Bernard Cazeneuve et le président de la mission Yves Fromion, député du Cher qui désapprouve le rapport , dénonçant le fait qu’on puisse « entretenir la fiction » d’un lien entre l’attentat et les commissions. Interrogé en 2009 sur le sujet, Nicolas Sarkozy avait qualifiée cette piste de « fable », la jugeant « ridicule » et grotesque ».

La prestation de Bernard Cazeneuve sur France Inter jeudi 12 mai constitue la meilleure réponse.


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