L’abracadabrantesque MAM
par LM
vendredi 29 décembre 2006
Curieuse attitude de Michèle Alliot-Marie qui renonce sans renoncer, se retire sans s’effacer. Et si le Palais était derrière ce coup de bluff ?
« Je ne suis pas candidate au soutien financier et logistique de l’UMP ». C’est ainsi que Michèle Alliot-Marie, dite MAM, a annoncé qu’elle renonçait à affronter le petit Turkmène de l’UMP, Nicolas Sarkozy, lors des primaires unicellulaires du mouvement. « Ce que je constate aujourd’hui, c’est qu’au sein de l’UMP, les nouveaux membres notamment ont souhaité adhérer pour soutenir une candidature de Nicolas Sarkozy. » En clair, de peur de prendre une mémorable raclée lors du vote, la générale en chef a choisi de rentrer dans le rang. La machine de guerre sarkozienne, il faut le dire, est lancée plein pot sur la voie du plébiscite, et Alliot-Marie ne semblait pas du tout perturber cette marche en avant. Sans soutien, sans crédibilité, elle risquait le ridicule, qui tue, en politique. « Il ne s’agit pas pour moi de semer le trouble. Je ne demande donc rien. »
Elle ne demande rien, convaincue sans doute à juste titre de ne rien obtenir de toute façon. Mais MAM, poussée dans ce jeu de quilles par Chirac himself, accompagné de l’homme de la dissolution, de Villepin, n’entend pas pour autant applaudir au triomphe de Sarkozy sans broncher : « Je vais réfléchir à ma candidature pour l’élection présidentielle et consulter les membres de mon association Le Chêne, les parlementaires et également des personnalités de l’UMP dans les prochaines semaines », précise-t-elle. « Après, je dirai si je suis ou non candidate. » Au pied d’un chêne, c’est bien connu, viennent les glands, rarement les grandes idées. MAM espère qu’au pied de son association de campagne jaillira quelque lumière, au moins une voie tracée pour savoir comment faire pour embêter un peu Sarko. Une candidature « hors du parti », par exemple ! Lumineuse saillie ! Si MAM n’avait que peu de chances de récolter quelques suffrages au sein de l’armada UMP, en s’affranchissant de cette infrastructure, elle s’enlève les dernières, infimes. Une candidature hors parti ! Et pourquoi pas un ralliement à la béarnaise avec lou Bayrou ? Ou une mise en commun avec la très jolie et très vexée depuis qu’on l’a exclue du buffet de l’ultra gauche, Clémentine Autain ? Alliot-Marie Autain, ça aurait de la gueule comme ticket choc pour 2007 !
Si l’on comprend aisément pourquoi Alliot-Marie ne souhaite pas se faire ratatiner par Sarkozy lors des primaires turkmènes de l’UMP, on a du mal à suivre la suite de sa stratégie. Pour une chef des armées, c’est un comble, on ne comprend pas bien comment MAM dispose ses pions. Comment cette femme, qui paraissait si sûre d’elle, si confiante, si décidée, passe soudain de cette assurance-là à une pirouette indigne qui ne déclenche que dédain et moquerie dans son propre camp ? Comment l’expliquer ?
« Ce serait une aventure dramatique d’abord pour elle-même car je pense que le score qui l’attendrait dans ces conditions-là serait très faible », déclare le député UMP des Deux-Sèvres Dominique Paillé. Et comment lui donner tort ? Il joute ensuite : « Ce serait également une aventure dramatique pour la majorité à laquelle j’appartiens car notre candidat serait privé de quelques poussières de voix qui pourraient lui permettre de faire un bon premier tour. J’espère que la raison va l’emporter. » Et là, soudain, tout semble s’expliquer : MAM pourrait bien dans son coup de bluff déguisé, avoir relancé la célèbre machine à perdre chère à Chirac.
On prête au monarque corrézien l’intention de se présenter une dernière fois, ce qu’il ne fera pas. On lui prête aussi l’intention d’appeler à voter pour Ségolène Royal, en cas de deuxième tour Sarkozy/Royal, ce qu’il est capable de faire, en bon père du peuple qui considère depuis la nuit des temps mitterrandiens qu’après lui, le déluge. On pourrait aussi lui prêter l’intention d’empêcher Sarkozy d’arriver au second tour, de le « jospiner », ce que MAM pourrait avoir commencé à mettre en route hier. Et c’est là que le sens de la curieuse attitude mamesque apparaît dans toute sa clarté : un gros coup de bluff au tout début de la partie de poker. Soit Sarkozy accepte de compter avec elle, et quelques autres chiraquiens honnis, dont de Villepin, soit MAM se présente hors parti, et trouve ainsi un moyen d’empêcher le petit Turkmène de Neuilly de passer le premier tour. Car si tout indique que Sarkozy franchira la barre des 110 % au moins lors de l’investiture UMP, rien aujourd’hui ne garantit au roi des claquettes sur talonnette un matelas de voix suffisant pour passer sans encombre le premier tour. Sauf les sondages. Et sauf ces quelques dizaines de paquet de signatures que Le Pen semble suer à récolter...
Sous des airs de déroute, la prétendue retraite de MAM ne serait en fait qu’un gonflé chantage fait à Sarko : je me retire, mais tu me prends avec toi, sinon je t’embête jusqu’au bout. En apparence, n’importe quoi, mais dans les faits, quelque chose qui ressemble comme deux gouttes d’eau des cascades de Gimel à une élyséenne abracadabrantesquerie.