L’article 49-3 est-il contraire à la démocratie ? 

par Corentin
mardi 10 mars 2020

 

Samedi 29 février l’article 49 alinéa 3 a été utilisé par notre premier ministre Édouard Philippe pour faire passer la réforme des retraites. L’utilisation de l’article a provoqué l’indignation de l’opposition, députés de droite et de gauche ont en effet vivement fustigé la décision du pouvoir. Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon est allé jusqu’à parler de “pulsions totalitaires”. L'article 49-3 est-il contraire à la démocratie ?

 

Dans cet analyse nous expliquerons tout d’abord ce qu’est l'article 49-3 et nous verrons ensuite s’il est contraire à la démocratie.

 

Pour commencer, l’alinéa 3 de l’article 49 : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les quarante-huit heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. » L'alinéa 3 permet donc au gouvernement d'imposer l'adoption d'un texte par l'Assemblée, immédiatement et sans vote, ce à quoi l'Assemblée ne peut s'opposer qu'en renversant le gouvernement par une motion de censure.

Des précisions s’imposent. Premièrement, une motion de censure n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Deuxièmement, le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt et la motion doit être déposée dans les 48 heures suivant l’utilisation de l'article 49-3. Troisièmement, seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Le gouvernement disposant d’une majorité de député à l’Assemblée et les députés n’allant pas voter contre une décision de leur propre camp, la motion de censure n’a que très peu de chance de succès. Quatrièmement, l’article 49-3 coupe court aux débat à l'Assemblée nationale. Les députés ne peuvent donc plus proposer de modifications de la réforme, ils ne peuvent plus amender le projet de loi.

 

L’article 49-3 est-il contraire au concept de démocratie ?

Mais qu’est-ce que la démocratie ? Le débat est aussi ici puisque ce terme n’a pas exactement le même sens pour tout le monde. Avec la présence d’une assemblée nationale certains diront que nous sommes dans une démocratie représentative : le peuple élit des représentants (lors des élections législatives) qui votent les lois. Pour d’autres la démocratie ne peut être que directe : le peuple vote les lois. Mais au sein même des partisans de la démocratie représentative il y a débat. Ce dernier porte sur le mode de scrutin des élections législatives. Actuellement on utilise un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription. Une partie de l’opposition préférerait qu’on utilise un mode de scrutin proportionnel qui permettrait à des partis comme la France insoumise ou le Rassemblement national, qui ont actuellement peu de député à l’Assemblée au regard du nombre de Français qu’ils représentent, d’en avoir bien plus. 

Le caractère démocratique de l’article 49-3 qui permet de faire passer un projet de loi par l’Assemblée nationale, soit une démocratie représentative et donc indirecte, avec un mode de scrutin défavorable à l'opposition, en empêchant le débat parlementaire et donc les votes concernant les propositions de modification provenant de députés, peut paraître contestable. 

Cependant le président Emmanuel Macron a été élu au suffrage universel et son programme de candidat contenait cette volonté de passer à un système universel de retraites. 

La démocratie, du moins dans une certaine acceptation du terme, n'est donc pas forcément mise de côté lorsque l'on utilise l'article 49-3.

Il faudra toutefois veiller à ce que les promesses de campagnes : “Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite [62 ans], ni au niveau des pensions” soient respectées. Si ce n'est pas le cas, on pourra, à mon avis, dire que le pouvoir a agi en dehors de la démocratie. 

 


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