L’Assemblée nationale soigne ses fonctionnaires

par Henry Moreigne
jeudi 7 février 2013

A l'occasion de l'interminable débat sur le mariage pour tous, l'opposition met en avant le coût des séances de nuit évalué à environ 50 000 €. La faute à un système de primes dont bénéficient les fonctionnaires qui leur permet de doubler, voire tripler leur traitement de base. A elles seules les séances de nuit permettraient des variations de salaire de 30% d'un mois sur l'autre bénéficiant même aux fonctionnaires qui ne sont pas présents.

Oubliant un peu vite qu'elle partage la responsabilité du système en place, l'opposition remet sur le devant de la scène médiatique le problème des rémunérations excessives des fonctionnaires des deux chambres et notamment de l'Assemblée nationale. 1250 agents pour cette dernière avec une rémunération moyenne toutes catégories de personnels confondues de plus de 7.700€ brut par mois et par agent.

"C’est près de 77 % de plus que pour un fonctionnaire du Bundestag allemand et près deux fois plus que son homologue britannique" souligne un rapport de l'IFRAP, une fondation indépendante spécialisée dans l'analyse de la performance de l'Etat, des administrations et des politiques publiques.

Le rapport, réalisé dans des conditions difficiles du fait de l'opacité organisée autour du système, est accablant tant pour les fonctionnaires qui en bénéficient que pour les parlementaires, au premier rang desquels les questeurs et membres du Bureau de l'Assemblée.

Agnès Verdier-Molinier, l'un des auteurs du rapport, dénonçait ainsi en juin 2012 sur le site Le Lab, une baisse hypocrite de 30 % des indemnités des ministres qui cache le maintien de situations privilégiées pour un petit nombre de fonctionnaires. En haut de la pyramide, les administrateurs perçoivent de 15 à 18 000 € par mois soit beaucoup plus que les parlementaires, les ministres et le Président de la République lui-même.

Outre une absence de contrôle, le rapport de l'IFRAP pointe le fait que l'Assemblée nationale dispose d'un budget supérieur de 110 millions à ses homologues britannique et allemand et que les charges de personnels jouent un rôle important dans cet écart. A noter également, que sur la période 1960-2010, les personnels se sont accrus de 115,5 % (38 % entre 1980 et 2010), dont 87,4 % pour les administrateurs (les mieux payés) et 123 % pour les administrateurs adjoints. Depuis 2011 cependant, on enregistre un effort léger de baisse des effectifs (- 6 %).

Dans le même temps, l'IFRAP relève que les fonctionnaires de l’Assemblée nationale ont reçu par arrêté des questeurs (de juillet 1999) une attribution de points d’indices majorés supplémentaires, et bénéficié d'une réforme sur mesure de la carrière des agents avec création de nouveaux grades. Un tour de passe-passe qui se traduit au final par des rémunérations supérieures de 75 % à 150 % à leurs homologues de la fonction publique d’État

Une anomalie permise par une ordonnance de 1958 qui précise que les agents des services de l’Assemblée nationale « sont des fonctionnaires de l’État », tout en étant en pratique exclus expressément de l’application de la loi portant statut de la fonction publique.

Le vrai problème reste néanmoins les primes (indemnités de travaux supplémentaires et législatifs). Ainsi, pour les années à forte activité législative, les indemnités de travaux supplémentaires peuvent, comme en 2009, excéder les rémunérations et traitements de base. Le mariage pour tous devrait dans tous les cas faire des heureux à l'Assemblée nationale.


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