L’avenir est sombre pour le Front national
par Jean-Michel Aphatie
jeudi 24 mai 2007
L’avenir est sombre pour le Front national. Son candidat a réalisé une performance médiocre lors de l’élection présidentielle : 10,44% des suffrages et une quatrième place qui sonne comme une lourde défaite après sa qualification pour le second tour, cinq ans auparavant. Quant aux élections législatives qui se profilent, l’espérance de bien figurer paraît des plus réduites. Les sondages, qui ne sont pas une bible, accordent quelque 5% des intentions de vote au parti de Jean-Marie Le Pen. En tout état de cause, la gueule de bois risque d’être sévère au soir du 17 juin, date du second tour des élections législatives.
Pour expliquer la mauvaise passe qu’il traverse, Jean-Marie Le Pen a
mis en avant, ce matin, les circonstances. En 2002, a-t-il expliqué en
substance, deux candidats fatigués lui faisaient face. En 2007, la
scène politique redessinée était plus défavorable à l’expression de ses
idées. D’où le choix des mots pour qualifier le résultat du 22 avril.
Il s’agirait d’une contre-performance, d’un aléa en quelque sorte, et
non d’une défaite.
Cette présentation ne doit rien au hasard. Elle
lui permet de maintenir intacte sa volonté de continuer à diriger le
Front national. Jean-Marie Le Pen l’a dit clairement, ce matin, au
micro de RTL : il entend bien faire renouveler les cadres de son parti
son mandat de président du Front national. Puisque ce sont les
circonstances qui expliquent la mauvaise performance, la responsabilité
personnelle du dirigeant ne saurait être invoquée. Donc, aucune raison
de ne pas reconduire une équipe qui, si elle n’a pas gagné, n’a pas
perdu non plus.
On peut trouver au raisonnement sa logique. On peut aussi en pressentir les conséquences. Faute d’une analyse sérieuse de l’échec, et donc faute d’en tirer des conséquences, ce qui guette, ce n’est pas le renouveau et le retour de la santé, mais plutôt le dépérissement, voire le déclin. Le Figaro d’hier fait dire à Nicolas Sarkozy, d’une phrase entre guillemets, que selon lui, je cite, "la destruction du FN est un phénomène durable." Après avoir écouté Jean-Marie Le Pen ce matin, on peut se demander s’il n’y a pas quelque chose de juste dans le propos prêté au président de la République.
Un autre parti s’enfonce dans une crise qui pourrait lui coûter très
cher au soir des élections législatives. Il s’agit du Parti socialiste.
François
Hollande a annoncé hier qu’il ne solliciterait pas le renouvellement de
son mandat de premier secrétaire. La nouvelle n’en est pas forcément
une puisqu’il avait déjà dit, voilà plusieurs mois, son souhait de
passer la main après dix années consacrées à cette fonction. Malgré
tout, la réaffirmation de sa décision en pleine campagne législative
résonne étrangement.
Ce matin, François Hollande ressemble à ces généraux qui abandonnent
leurs troupes en pleine campagne. Alors même que tous les dirigeants
socialistes s’évertuent à dire que rien d’autre ne doit compter que
l’actuelle campagne électorale, voilà le patron du Parti socialiste qui
rappelle à chacun qu’il faudra lui trouver un successeur.
Cette
répétition de sa position ne pouvait-elle pas attendre trois semaines ?
Puisque la chose était connue, pourquoi donc la redire ? Sans doute
faut-il comprendre que François Hollande a dépassé la zone du
supportable, que le fardeau de guider ce Parti socialiste en perdition
lui pèse trop et qu’il est maintenant pressé de s’en défaire, fût-ce
symboliquement. Entendez-moi bien, répète-t-il, je ne suis plus votre
chef, je ne suis plus responsable de ce qui arrive, et ceci encore : ce
qui vous attend est au-dessus de mes forces, je vous abandonne.
De manière involontaire, encore qu’il soit permis de s’interroger, le meeting organisé hier à Bordeaux par le Parti socialiste a symbolisé ce désarroi collectif. Cette réunion publique devait être la première des trois grands rendez-vous que le Parti socialiste entend donner à ses électeurs. Or, il n’y avait hier soir sur la scène que ce premier secrétaire déjà démissionnaire, accablé par le poids de sa charge et pressé désormais de s’en défaire. Ni Dominique Strauss-Kahn, ni Laurent Fabius, n’étaient là. Prévenus trop tard, ont-ils dit. Peut-être, mais quand même, on croit rêver.
Mais entre toutes, c’est l’absence de Ségolène Royal qui était et demeure remarquable. Voilà quelques jours qu’elle est revenue d’un repos mérité. Depuis, silence radio. Elle ne parle pas, ne se montre pas, ne participe pas à une campagne dans laquelle elle n’est même pas candidate. Ce désinvestissement personnel donne le vertige. Face à une UMP surpuissante, déployée jusqu’au dernier de ses militants depuis plusieurs semaines, le grand Parti socialiste qui devrait être le pivot et le pilier de la prochaine opposition donne le spectacle d’une machinerie usée, vieillie, fatiguée, et en plus, privée de chef.
Si rien ne se redresse dans ce camp-là, les chiffres risquent d’être cruels le soir du second tour des élections législatives. Face au vide, l’UMP pourrait bien pousser les feux jusqu’à dépasser les 400 députés, ce qui représente aujourd’hui le haut de la fourchette dans plusieurs sondages. Le PS, lui, pourrait bien passer sous la barre des 100 et ajouter à la défaite de la présidentielle, la bérézina des législatives, ce qui ne l’aiderait sûrement pas dans la tâche immense et complexe de la reconstruction qui l’attend.