L’écotaxe… ou comment se prendre les pieds dans le tapis

par Pelletier Jean
mardi 5 novembre 2013

Mettre en place un système, qui permet d’actionner une contribution des transporteurs routiers à la maintenance des réseaux routiers qu’ils empruntent, est une bonne idée. Elle n’aurait pas dû poser problème. D’autres pays l’ont déjà adopté (L’Allemagne, la Suisse etc ... ). C’est le Grenelle de l’environnement qui est à l’origine de cette fiscalité écologique.

Le développement exponentiel des camions sur les autoroutes françaises pose problème, alors que de son côté le réseau ferroviaire affiche un déficit chronique. Ce dernier est pourtant moins cher que le transport par la route, mais il est hélas moins fiable sur les délais de livraison, ce qui est tout de même l’alpha et l’oméga du transport.

Pour ce qui est de l’aspect écologique le rail (comme les canaux) l’emporte largement sur la route. Aussi, comment se fait-il que nous soyons dans une telle situation, une telle confusion au moment de rendre le système opérationnel ?

Les responsabilités sont largement partagées entre le gouvernement actuel et le précèdent. En premier lieu, le gouvernement Fillon a contractualisé avec une entreprise privée le soin de mettre en œuvre ce dispositif, dont il faut bien dire qu’il est compliqué, aussi bien pour le soft que pour le hard.

De quoi s’agit-il, il s’agit de repérer les trajets parcourus par les camions sur des routes taxées. Il faut donc à la fois prévoir un appareil d’identification dans chaque camion et de nombreux portiques sur les routes et autoroutes concernées. La note est plutôt salée. Le gouvernement Fillon a opté pour déléguer à une société privée Ecomouv’, la récolte de l’écotaxe, donc l’impôt. Ce qui en soi est assez discutable, même si cette démarche s’inscrit pleinement dans la philosophie libérale, marqueur extrême de l’UMP.

Le dispositif était prévu pour rapporter 1,15 milliards d’euros par an. Mais les coûts de gestion sont énormes, la société en question prend tout de même 20 % au passage, soit 250 millions par an, la norme étant généralement sur les marchés publics de 7 à 8 %.

Un renoncement de la part du gouvernement coûterait cher, à savoir 800 millions de dédit à verser à la société, et 200 millions sur l’année à venir, coût total un milliards d’euros !

Voilà largement de quoi alimenter, hélas la polémique. Ce sont donc les socialistes qui héritent de fait, de cette situation et de sa mise en œuvre. Politiquement elle faisait alors l’unanimité. Il est assez désolant de voir des députés UMP qui ont voté l’écotaxe, défiler avec les manifestants bretons (n’est-ce pas Monsieur Le Fur) ou de voir d’anciens ministres du gouvernement Fillon condamner l’écotaxe qu’ils avaient pourtant approuvée (N’est-ce pas Monsieur Xavier Bertrand). Ces comportements ne vont pas contribuer à améliorer l’image de marque des politiques, au plus bas aujourd’hui dans l’opinion.

Alors que la colère gronde en Bretagne (mais ailleurs aussi, même si la contestation n’y est pas organisée), C’est le Président de l’UMP, lui-même en personne qui monte au créneau pour dénoncer le contrat signée avec la société Ecomouv’ : « Ce qui est surtout critiquable, c'est le montage. De tels coûts de gestion sont aberrants. [...] On ne peut pas imaginer dans un pays moderne un tel coût de collecte d'impôt quel qu'il soit" Et plouf, la pavé jeté dans la marre éclabousse toute l’ancienne majorité. Pour être, bien sûr, que la confusion soit totale, c’est au tour de Nathalie Kociusko Morizet de monter au créneau pour cette fois défendre l’écotaxe et la contractualisation avec la société Ecomouv’ : « C'est un contrat qui a été passé dans les règles, en toute transparence, à la suite d'un dialogue compétitif, c'est-à-dire d'une négociation, qui a duré plus d'un an. » .

Quant à la gestion de l’héritage par le gouvernement socialiste, elle n’est pas très heureuse. On voit bien, une fois de plus, la difficulté pour le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à piloter et à communiquer. La multiplication des allers retours et des on y va et on n’y va pas est catastrophique. Une meilleure préparation, plus de concertation (en amont, et non pas après…), de la pédagogie aurait dû faciliter la mise en place d’un projet d’une telle importance. Peut-être aurait-il fallu dénoncer, en arrivant au pouvoir, les conditions du dispositif qui est en fait une bombe à retardement laissé par Sarkozy au bon soin de ses successeurs. On voit la même droite, qui a signé ce contrat, le dénoncer sans pudeur aucune et accabler un gouvernement, dont le seul tort est de ne pas avoir eu l’énergie ou le courage de dénoncer cette privatisation de la levée de l’impôt public.

En attendant quel désordre sur ce qui aurait dû être une belle idée.

 


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