L’étrange affaire Pulvar-Montebourg-(Le Pen)

par Al West
lundi 5 mars 2012

Il est des campagnes électorales qui ressemblent à des farces. Force est de constater que celle de 2012 est de celles-là. Dernière affaire en date : l’agression d’Audrey Pulvar et d’Arnaud Montebourg. Outre l’hideuse récupération politique et la mise en cause plus ou moins directe (et d’ailleurs davantage plus que moins) de Marine Le Pen dans les événements, j’aimerais revenir sur ce qui, selon moi, constitue une nouvelle blague en ce théâtre de la vie politique française, quel que puisse être son objectif. Il faut pour cela revenir quelques jours en arrière.

L’oracle Pulvar

Marine Le Pen, invitée d’On n’est pas couché, le 21 février dernier, s’indigne en direct sur le plateau de Laurent Ruquier de la violence, omniprésente selon elle, au sein de cette campagne électorale. Or, ô surprise !, Audrey Pulvar se fait, à cette remarque, la sourde voix d’une prédiction diaboliquement précise : « Vous plaisantez, ça ne fait que commencer ! » [1] (6 :30 environ). Car, cette dernière devient en effet, quelques jours plus tard, la cible d’une agression, accompagnée de « propos racistes et antisémites » [2]. Qu’on ait l’indulgence de ne pas me reprocher l’incohérence de ces propos, car ce sont ceux de l’intéressée. A ce propos…

Eléments de langue française et de logique ensembliste

Je me permets cette légère digression pour rappeler quelques éléments de bon sens et dénoncer la double absurdité des propos sus-cités. C’est assez rébarbatif, vous pouvez sauter ce paragraphe, mais comme le dit Madame Pulvar : dans une affaire comme celle-là, « les mots ont leur importance » [2].

Incohérence langagière

Antisémite, d’anti et de sémite. Qui sont les Sémites ? Les Sémites sont, par définition, l’ensemble des peuples utilisant ou ayant utilisé une langue sémitique. Quelles sont les langues sémitiques ? On en dénombre de nombreuses (les chiffres ne sont pas arrêtés, mais la dizaine est certainement dépassée), les trois plus importantes étant l’arabe (450 millions de locuteurs), l’amharique (27 millions de locuteurs) et l’hébreu (8 millions de locuteurs).

Dès lors, qui est antisémite ? Celui qui est hostile à l’ensemble des peuples sémites ? Celui qui est hostile à l’un des peuples sémites ? Quelle que soit la réponse, il est difficile de trouver une quelconque adéquation de ce terme avec ce qu’il a pour but de représenter, à savoir l’hostilité à l’égard des personnes de confession juive.

Incohérence ensembliste

Admettons, admettons, que l’histoire du français a pu conférer, comme il arrive dans bien d’autres cas, un sens différent au terme antisémite que ce que l’étymologie suggère, l’expression de Madame Pulvar en reste pour le moins ambiguë. On pourrait s’attendre à ce que l’une des journalistes les plus en vogue de France (je pouffe à l’écrire) maîtrise un tant soit peu la dialectique. Selon Madame Pulvar, voici les propos injurieux qui ont été tenus : « youpins » et « juden ». S’il est évident que ces termes renvoient directement aux personnes de confession juive, quel lien en tirer avec une quelconque appartenance à une race ? C’est un raccourci que Madame Pulvar seule s’autorise à faire. Les personnes de confession juive appartiennent-elles à une race particulière ? La simple juxtaposition de ces mots pour décrire les propos tenus par les agresseurs pourrait être considérée comme étant, en soi, à connotation discriminatoire.

Qu’on ne me fasse pas ici, de grâce, le procès trop facile du fasciste d’extrême droite : il s’agit simplement de dénoncer les abus langagiers qui sont, bien souvent au service des mêmes, un outil de propagande et de condamnation abusive. (D’ailleurs, jusque là, je votais PS, la blague !)

De l’expression au nom du service public

Madame Pulvar n’a de cesse, pour la publicité de cette agression, d’utiliser un fil Twitter du nom de 67franceinter. S’il est pour le moins étrange qu’une journaliste professionnelle utilise le nom d’une radio du service public bb pour interpeller l’une des personnalités politiques en campagne, vous pouvez toujours vous consoler en allant voir, à la source, la niaiserie s’étaler à longueur de twitts. Ce qui m’amène à me poser la question (légitime il me semble) suivante : que fait cette dame de sa vie, le regard rivé en permanence sur son écran d’ordinateur ou de téléphone portable ? C’est une autre histoire.

(Saviez-vous que Vladimir Poutine refuse d’avoir un téléphone portable ?)

Audrey Pulvar, la Lucky Luke du smartphone

Venons-en au cœur du sujet.

Madame Pulvar a, à 22h46 très précises, « twitté » un « smiley » en réponse à l’un des messages lui étant adressé : « :) » [2]. A 22h47, c’est-à-dire au maximum une minute et cinquante neuf secondes plus tard, elle « twitte » un texte qui sera entrecoupé automatiquement par Twitter pour des raisons de longueur de « twitts ». Que nous apprend ce message ?

Il nous apprend que, dans un français dépourvu d’abréviations et à la ponctuation irréprochable, qui est loin d’être de coutume dans l’immense majorité des « twitts » de l’intéressée, cette dernière relate son agression de façon remarquablement précise. Ci-après le fameux texte :

« Angle du boulevard Murat et de la rue Molitor, rentrant à pied avec mon compagnon, nous avons été pris à partie par une 15zne d’individus aux cris de La France aux français et autres "Le Pen président". Parmi les chants scandés sur notre passage : Jean Marie nous a donné la permission de minuit pour chasser les youpins de Paris" ou encore "juden, juden, juden !". Nous avons essuyé des jets de verre qui se sont brisés dans notre dos avant intervention de quelqu’un du personnel à moins que ce ne soit le chef de la meute ? Mme Le Pen cautionnez-vous ? »

555 caractères tapés en moins de 120 secondes à l’aide d’un téléphone, comprenant virgules, points, guillemets, points d’interrogation et d’exclamation. Petit calcul rapide : 555/120 = 4,625 caractères tapés à la seconde. Rappelons que ce chiffre constitue la borne inférieure du nombre de caractères tapés à la seconde, car on a ici fait l’hypothèse que Madame Pulvar avait envoyé le fameux smiley à 22 heures 46 minutes 0 seconde et que le message relatant son agression a été posté à 22 heures 47 minutes 59 secondes. Il est donc tout à fait envisageable que ce chiffre soit en réalité doublé (et peut en réalité tendre vers l’infini si l’on considère que le smiley est envoyé à 22 heures 46 minutes 59 secondes et le récit de l’agression à 22 heures 47 minutes 0 seconde…) Madame Pulvar, je n’avais qu’assez peu de mal à vous imaginer assujettie à votre téléphone, mais vous venez là d’obtenir toute mon admiration. Quelle maîtrise de la technologie, c’en est une prouesse. Le fusil mitrailleur Pulvar ! Et avec cela, quelques envolées lyriques, s’il vous plaît ! : « scandés », « essuyé des jets de verre », inspiration instantanée ; cela ne peut manifestement que nous appeler à l’humilité.

Qui oserait en déduire que le fameux message ait pu être rédigé à l’avance ? Infâmes complotistes !

D’autres scénarios, pour le plaisir de tous

Allez, ne soyons pas mesquins, que le bénéfice du doute soit accordé. Quelles autres possibilités s’offrent aux enquêteurs à l'esprit affûté que nous sommes ? Je n’en vois, pour ma part, que deux :

1. Twitter a « buggé » : quelle aubaine ! quel manque de chance ! Les serveurs de Twitter auraient jugé bon de se fourvoyer dans l’horaire indiqué d’au moins un de ces deux messages, ouvrant là une brèche, que dis-je, une faille (au sens géologique du terme), dans laquelle ne vont pas tarder de s'engouffrer la clique des démeurés complotistes. Chose pour le moins remarquable si l’on considère la merveilleuse précision de l’informatique de nos jours. Hélas, personne n’est à l’abri !

Le meilleur pour la fin, mon scénario préféré :

2. Twitter n’a pas buggé. Madame Pulvar a rédigé le récit de son agression avec les moyens d’un simple humain et non de ceux d’une machine de guerre, usant de son talent de journaliste pour exprimer au mieux sa rage (compréhensible) à l’égard de ceux qu’elles croient responsables. Soudain, elle se ravise, s’apercevant avoir oublié de répondre à un message lui étant adressé et jugeant préférable de répondre par un amical « smiley » à cette gentille attention, avant d’enfin « twitter » le texte choc.

En conclusion

Il me semble qu’aucun autre scénario ne puisse être envisageable dans cette affaire. S’il en va autrement, je remercierai les internautes de le signaler. Une enquête de police est en cours (ouf !) Connaîtrons-nous bientôt la suite de l’histoire ? J’ai bien peur de le savoir.

Nota bene (important) :

Si vous ne l’avez pas vu, regardez l’intervention de Marine Le Pen à On n’est pas couché [1], à partir de la sixième minute environ. Une phrase a retenu tout particulièrement mon attention :

« Je pense que le choix que les Français ont à faire en 2012 est peut-être le choix le plus important depuis le choix qui a dû être fait entre la Monarchie et la République. Je crois que le choix entre la Nation et entre la Mondialisation va engager les décennies qui viennent, va bloquer les décennies qui viennent. Et par conséquent on doit avoir ce débat, et on doit l’avoir de la manière la plus sincère possible. »

J’hésitais encore il y a peu, mais mon choix ira à Marine Le Pen, qui, j’en suis de plus en plus persuadé, n’appartient pas à l’oligarchie qui tente d’enfoncer les peuples dans la misère. J’ai de toute façon un autre article en tête à ce propos.

Références

[1] http://www.youtube.com/watch?v=3CYQS55cKaQ&feature=related

[2] http://twitter.com/67franceinter


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