L’humanisme n’est pas un projet politique, c’est un bilan global
par Pierre Meur
samedi 20 septembre 2008
On confond souvent l’humanisme avec un projet politique idéalisé, alors que c’est, avant tout, un constat. Celui de l’ensemble des progrès et des reculs de l’humanité. L’humanité se définit par l’appartenance au genre humain. C’est une espèce animale qui a des propriétés particulières, dont la plus remarquable, et la plus divergente avec le reste du règne animal, est la conscience qu’il a du concept spatio-temporel.
Ce qui caractérise également l’être humain, c’est ce point de vue particulier qui tend à lui faire croire que tout tourne autour de lui, dans une relation unilatérale avec ce qui n’est pas lui. On appelle ça l’individualisme. Ce n’est pas un point de vue à nier, mais c’est un point de vue irrationnel, car il décohère la réalité qui est basée sur l’information, et partant de là, sur la relation que nous avons avec l’information. L’autre existe n’en doutons pas, et lui aussi possède ce préjugé individualiste. Dans son regard, nous aussi, nous passons du statut d’observateur à celui d’objet observé.
Mais revenons-en à l’humanisme. Personne ne niera son appartenance à l’espèce. Ce qui implique que l’espèce, et ici, en l’occurrence, l’humanité, doit être comprise comme une entité une et indivisible, dont chaque composante ne peut se dissocier, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Alors l’humaniste ne considère plus l’humanisme comme un idéal à atteindre, mais le niveau global atteint et actuel de l’humanité ainsi que la capacité potentielle et tout aussi actuelle de l’humanité. Si l’individu a une responsabilité toute relative, il y a, bel et bien, une responsabilité collective dont nous ne pouvons nous dissocier, sous peine de nous affirmer surhumain ou sous-humain, bref de ne plus appartenir à l’espèce.
Un humaniste doit considérer la conscience politique de son temps, parce qu’il fait partie d’un organisme social. Si l’individu reçoit l’information, et qu’il en bénéficie ou en même en pâtit, son rôle n’est pas de la garder et de mourir avec, mais de la traiter et surtout de la transmettre, en l’améliorant si c’est possible. En clair, l’individu n’est pas que le réceptacle de l’information, il en est surtout le support très temporaire. Il est à l’humanité, ce que la cellule est au corps humain, un messager de l’information, dont la substance est tout aussi nécessaire à l’humanité que l’oxygène l’est pour le corps humain.
S’il appartient à chacun de se former, il appartient à chacun, en conscience, de rendre ce qu’il reçoit. De grands hommes sont sortis du lot, mais c’est bien le lot qui a bénéficié de leur travail. Si la conscience collective grandit, l’individu ne s’en portera que mieux. Si l’individualisme grandit, c’est l’opportunisme qui l’emportera, telles les cellules cancéreuses, alors l’humanité y perdra, et donc également l’individu, qu’il soit opportuniste ou pas.. Si l’individu était immortel, il aurait intérêt à la puissance pour lui-même. Comme l’individu est mortel, c’est la transmission inter-générationnelle de sa puissance qui est la véritable finalité de son existence.
Il y a une morale naturelle qui doit concourir à la survie d’une espèce. Ceci dit si la survie de l’humanité peut être un but, une relation cohérente avec son environnement doit également être prise en compte, sous peine de scier la branche sur laquelle l’humanité est assise. Considérant l’état de la planète, la conscience politique de l’humanité doit dépasser une politique de conflits internes pour devenir une alliance pour sauver le cadre de son existence. L’humanisme doit non seulement être cohérent en interne, mais également être cohérent dans sa relation à ce qui n’est pas lui.