L’impayable Sarkozy

par LM
mardi 30 octobre 2007

Notre bien-aimé célibataire président, Nicolas Sarkozy, s’est accordé une maigre augmentation (140%) de salaire pour l’année à venir. De quoi rejoindre ce rupin de Fillon et ne plus être le parent pauvre de l’Europe.

Ce n’est pas parce qu’on va tailler le bout de gras avec quelque cheminot en détresse qu’on ne garde pas l’amour des chiffres. Nicolas Sarkozy, vilipendé scandaleusement pour sa ravissante sortie américaine, abandonné sur la route de la République par une femme sans cœur qui préfère les vitrines aux ors, se console comme il peut, en arrondissant ses fins de mois prévues rudes (municipales oblige) pour 2008. Le salaire du président devrait ainsi (selon l’hebdomadaire Profession politique) passer de 101 488 euros par an à 240 000. Mensuellement, le butin passerait en net, de plus de 8 000 à 20 000 euros. Une jolie promotion, certains diront prime sur objectifs, d’autres plus-value, d’autres prise d’intérêts, et d’autres encore délit d’initié. D’initié de l’Elysée sans doute. 20 000 euros par mois, c’est pas mal pour le phare de la France mais c’est encore moins bien qu’Angela Merkel, la peu séduisante cheftaine allemande, qui culmine elle, déjà, à 21 262 euros, selon Le Figaro. L’Express s’est même offert le luxe de produire un tableau indiquant les rémunérations de différents gouvernants, où l’on voit qu’il vaut mieux être Premier ministre en Belgique (15 082 euros) qu’en Slovaquie (2 684 euros). Que Jacques Chirac, hors frais de bouche et compte japonais, ne culminait qu’à 6 714 euros ! Que le Premier ministre luxembourgeois n’a que 18 500 euros à planquer dans son paradis fiscal ou que le moindre petit secrétaire d’Etat, aux Sports ou ailleurs, tout jambon tranché, touche aujourd’hui plus que le président en personne : 12 795 euros en moyenne pour Laporte et consorts. Le prix de l’ouverture, peut-être.

Ces chiffres, on le voit, sont loin de faire tourner les têtes. Pas de quoi déprimer la ménagère de moins de 50 ans. Au jour d’aujourd’hui après tout, notre Immense Grandeur ne gagne qu’un peu plus de 8 000 euros pas mois, et ça lui suffit pour passer des vacances sur un yacht ou dîner aux Fouquet’s. Avec un tel médiocre salaire, vous attrapez non les mouches, mais du Drucker, du Macias ou du Barbelivien ! Et du Glucksman, du DSK, gens peu vénaux, comme on le sait. C’est d’ailleurs ce modeste salaire qui a dû tromper certains « ouverts », qui n’avaient jamais vu encore de patron si mal payé. Certes le train de vie de l’Elysée, on le sait, est faramineux, mais le maître des lieux gagne en un mois ce que Thierry Henry, au hasard, amasse en une journée. N’importe quel joueur boiteux du PSG, ou de l’OM, poltrons du championnat de Ligue 1, palpe davantage que le jogger célibataire et nerveux de Neuilly. Nombre d’animateurs de télévision, étrangleurs ou non, valets du pouvoir ou moins, imitateurs chauves ou présentateurs à implants, se dorent bien plus la tranche que Sarko. Sarkozy, une sorte de prolétaire chez les riches. Un riche pauvre. C’est peut-être pour cela qu’il n’a pas pu garder sa première dame : pas assez de revenus pour qu’elle puisse jouer à Paris Hilton chez les grands couturiers ou certains joailliers. Avec 8 000 euros par mois, Nicolas n’avait même pas de quoi dégainer son bouclier fiscal ! Quelle honte ! Et on ne nous disait rien, et l’on nous laissait penser que cet homme-là, court de taille mais fort en verbe, se drapait de billets verts pour jouer avec ses amis du CAC40 ! Comme si, à 8 000 net, tu pouvais en avoir beaucoup, de potes, au CAC40 !

En s’octroyant dès aujourd’hui une grosse rallonge, Sarkozy met de la cohérence dans sa vie. De la graisse sur sa chaîne de vélo. Les talonnettes ne suffisaient plus. Pour la grandeur, il faut quelques zéros, lui le sait bien. Quelques zéros aussi pour assurer sa droite, pour recentrer le débat, et provoquer à nouveau, quelques grincements par ci, par là, chez les cheminots, les profs ou les stewards. Et puis, nous rappelle-t-on, le dernier président à s’être ainsi haussé d’une tranche n’était autre que de Gaulle. En politique, régulièrement, s’en remettre à de Gaulle est bien utile. Pour faire passer quelques pilules, rappeler qui est le boss ou ne pas avoir à se justifier. Le budget de l’Elysée va tripler en 2008, apprend-on aussi. Pourquoi pas ? Un salaire qui double et demi, un budget qui triple, et une commission Balladur qui renforce la mainmise du président, son omnipotence, son indiscutable domination. Lui devant, nous derrière. Nicolas Sarkozy fait le vide par le spectaculaire. Il laisse passer les chiffres, sous prétexte de « transparence ». Il qualifiera certainement de « tout à fait naturelle » cette augmentation de capital. Au nom de quoi, dira-t-il, le président de la République française devrait-il être moins bien payé que ses homologues de l’Union européenne ? Au nom de quoi le président de la République française devrait-il être moins bien payé que son Premier ministre, que le dernier des secrétaires d’Etat ? Et, de toute façon, c’est moins que Merkel, moins que Bush, ce dernier culminant à plus de 24 000 euros mensuels. On l’entend déjà gesticuler ainsi, plaider son cas. Convaincant et démonstratif, comme d’habitude. Ou agaçant et hypocrite. On entend déjà aussi, les Montebourg et Mamère s’agiter en vain, gueulards et jaloux.

Ses vacances, ses amis milliardaires, son divorce et maintenant son salaire. Tout, chez Sarkozy est là pour qu’on en parle, sans fin. Avec dégoût ou admiration, peu importe, tant qu’on en parle. Décidément, ce président bouillant, qui passe de l’état de grâce à l’état de vache grasse, est impayable.


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