L’impossible unité nationaliste

par Malika NN
vendredi 20 septembre 2013

Une nouvelle pseudo structure d’extrême droite a vu le jour dans l’espace virtuel Facebook : Alliance. Fondée par une internaute connue plutôt pour ses éclats anti-islamistes que pour la profondeur de ses pensées politiques, en coopération avec un ancien membre du Front national belge, ex-responsable des relations internationales de la folklorique NWA. Le nouveau « parti », sans aucune importance politique, est toutefois symptomatique d’une flagrante réalité : le nombre des mouvements et partis d’extrême droite n’arrête pas de grimper en Wallonie et à Bruxelles. A moins d’un an avant des élections féderales et européennes de 2014, la nébuleuse brune continue sa défragmentation. Et cette mutation, notamment depuis la dissolution du Front National belge, semble désormais irréversible. Malgré les appels infructueux à la formation d’un cartel électoral lancé dernièrement par le Parti des Pensionnés, une mini-entité diforme qui ne se préoccupe point des sujets liés aux retraités, appels adressés dans une lettre ouverte "aux partis P+, La Droite, New Belgium, P.P, N ouvelle Elan Wallon, et aux autres Le Pen - Wilders" (sic).

Mais quelles sont les causes qui rendent l’unité nationaliste une mission quasi impossible ? Les raisons sont tant d’ordre politique et idéologique que d’ordre individuel. Sans doute, l’échec du Front National belge est, avant tout, à l’origine de cette lourde dérive identitaire. Trop longtemps, les nationalistes francophones avaient calqué leurs actions dans la sphère politique sur celles du FN de Jean Marie Le Pen. Ils ont copié les initiatives, les slogans, les idées nocives et se sont contenté de transposer littéralement dans un micro-espace belge francophone des conceptions françaises. Sans réel programme politique, sans identité idéologique cohérente, sans base électorale stable, sans cadres bien formés, ils ont juste voulu surfer sur la popularité de leurs doublons français.

Malgré la fidelité soumise au FN dans les années de départ, la distanciation récente de Le Pen fille des anciens camarades belges de combat de son père, pour cause d’excentricité extrémiste, l’interdiction formelle d’utiliser le nom et le logo sont quelques facteurs qui ont acceleré le processus de désintégration. Sans l’appui du FN français, l’extrême droite a dû se retrouver seule, face à ce qu’ils répresentaient réellement sur la scène politique francophone : presque rien. Si l’on compare avec la France, on constate que le FN belge, même à ses heures de gloire, n’a jamais su trouver une vraie dynamique fédératrice de ses électeurs et sympathisants. A la différence de Le Pen, qui avait quand même réussi à réunir les extrémistes paiens d’inspiration néonazie et une partie de l’électorat traditionnel catholique.

En dépit d’une crise économique qui semble ne plus finir, malgré un discours qui se veut social, voire populiste, l’extrême droite francophone ne séduit pas l’électorat. Parfois, comme dans le cas extrême du mouvement Nation, elle s’illusione de pouvoir obtenir les résultats similaires que leurs comparses néo-nazis d’Aube Dorée (Grèce) ou Jobbik (Hongrie). Nonobstant une population qui se désespere de l’austerité, nourrir un tel espoir illustre à quel point les nationalistes francophones sont déconnectés des réalités sociales, économiques et institutionnelles de notre pays. Car aucun leader nationaliste ou identitaire ne fait une analyse approfondie de la situation belge, en se limitant à reproduire quelques slogans anti-immigration. Ce discours avait déjà commencé après la crise pétrolière de 1973, qui fut un déclic dans un contexte favorable à ces idées et porteur pour l’extrême droite, et présentait un grand avantage pour ses adeptes : une couverture de facilité pour le manque de solutions. 40 ans après, les voilà dans la même situation : incapable de fournir des idées et propositions concrètes, l’extrême droite se cantone à des slogans électoralistes et discours populistes contre « le système » dont elle rêve pourtant d’en faire partie. Et dont elle fit, occasionnellement, partie. N’oublions pas que dans la plupart des pays européens, l’extrême droite a des élus qui disposent des moyens pour faire des propositions en conformité avec les lois de leurs pays. L’ancien FN belge, à ses heures de son apogée des années 90, eut aussi des élus en Wallonie, voire le VB en Flandre, où la NVA fait actuellement des scores significatifs. Cette NVA qui a suivi la recette fédératrice et de dédiabolisation du FN français, à la finalité identique, en s’éloignant - en apparence seulement- de tous les élements nostalgiques néo-nazis du Vlaams Belang, ancien Vlaams Blok.

A la différence de l’extrême droite flamande, porteuse des idées identitaires et nationalistes, celle francophone n’est même pas capable de définir une ligne de conduite propre. Le sentiment nationaliste flamand a pris des dimensions nationales, les mouvements de droite ou d’extrême droite du Nord du pays militant, parfois ouvertement, pour l’autonomie de la Flandre. En Wallonie, il n’existe pas un sentiment nationaliste et encore moins national. Pour cette raison, il est presque incorrect de nommer « des nationalistes » l’extrême droite wallone, qui ne pourrait être, à la limite, que régionaliste.

Ayant les yeux rivés sur Paris, pour suivre aveuglement des courants ou actions qui parfois ne sont même pas d’application en Belgique, les répresentants belges de l’extrême droite souffrent aussi, à quelques exceptions près, d’une marginalisation sociale et professionnelle. L’action politique, même minimale, se transforme alors dans un outil, dans leur tentative désesperée de prendre leur revanche. Les égo souvent démesurés, inversement proportionnels avec leurs capacités intellectuelles, le désir maladif de montrer qu’ils existent rend également impossible l’unité de l’extrême droite et inefficace leur action. Aucun groupuscule n’a vraiment d’expérience politique, ne dispose pas de cadres compétents ou d’un programme structuré. Leurs révendications sont plutôt des vagues déclarations de principe, parfois utopiques. La plupart des points visent directement l’Islam, qui est devenu un élément fédérateur pour l’extrême droite. Car c’est connu que chacun appelle “idées claires” celles qui sont au même degré de confusion que les siennes propres

Un ennemi commun qui, dans certains cas, comme la NWA, justifie un rapprochement fortuit de l’Israel. Malgré le fait qu’il y a quelques années à peine, ils affichaient des liaisons dangereuses avec des protagonistes des vidéos antisémites. Malgré le fait que la communauté juive de Belgique n’est pas très enthousiaste d’un tel rapprochement, si l’on juge selon les réponses négatives envoyées aux demandes de manifestations conjointes. Pour d’autres mouvements, jaillissant de la même fontaine idéologique et nostalgique, comme Nation ou Democratie Nationale, qui n’ont pas encore franchi le cap des convergences des haines, l’immigration massive est présentée comme l’ouevre secrete de la « finance internationale ». A lire entre les lignes pour les amateurs de la théorie du complot universel les Juifs, qui, à leurs yeux, sont tous des Rothschilds riches, manipulateurs, des Judas sans scrupules.

Nation ne se gêne pas de critiquer les autres mouvements d’extrême droite, issus de l’ex FN. Ses leaders ont surement la mémoire courte, (ou cherchent des electeurs amnésiques) car parmi eux, on compte même des fondateurs du FN belge. Front qui regroupait des anciens membres du Mouvement social national, Front de la Jeunesse et autre Parti des Forces Nouvelles, groupements que les chefs Nation connaissent fort bien aussi. 

Il en résulte avec clarté que l’extrême droite, malgré son discours à relents sociaux, ne dispose pas de solutions pour la situation de crise et elle n’en cherche même pas. Parce que la crise est son fonds de commerce, sa raison d’exister politiquement, son alibi. Elle ne dispose pas d’avantage circonstanciel positif et pas de moyens d’unification. L’unité nationaliste, ainsi que toute forme de cartel pour les élections de 2014. dans la forme actuelle des choses, restent une chimère, et leur patriotisme un simulacre. Et ils sont prêts à recommencer dès que l’échec antérieur est oublié.

On dit que l'automne a beau se parer, comme une vieille coquette, s'orner de feuillages pourpres ou mordorés, il n'est que leurre et trompe-l'oeil. Les nationalistes d’extrême droite aussi, ils veulent s’enjoliver de discours patriotiques et sociaux, ce ne sont que des appâts creux et trompeurs.

 


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