L’indécente critique de la Hongrie

par Laurent Herblay
mercredi 2 septembre 2015

Dimanche, le ministre des affaires étrangères Français, surfant sur l’émotion des morts de migrants, Laurent Fabius, a critiqué la Hongrie, qui « ne respecte pas les valeurs communes de l’Europe  » pour avoir érigé une clôture à sa frontière avec la Serbie. Une critique profondément indécente.

 
Communication bien pensante à courte vue
 
Il est tout de même effarant qu’un ministre d’un pays l’UE critique un autre pays de l’UE pour simplement mettre une séparation à sa frontière, d’autant plus que ce pays est un des pays qui est une des frontières de l’espace Schengen. D’abord, on peut penser qu’un ministre Français n’a pas à se prononcer sur la façon dont un autre pays gère sa frontière. Que dirait-on si un ministre Hongrois critiquait l’organisation de notre frontière avec la Grande-Bretagne ou la Suisse ? En cela, le ministre Hongrois des affaires étrangères a eu bien raison de répliquer : « au lieu (de porter) des jugements choquants et infondés, on devrait plutôt se concentrer sur la recherche de solutions communes pour l’Europe  ».
 
La réaction de Laurent Fabius est d’autant plus effarante que la Hongrie, comme la Grèce, est en première ligne pour les mouvements migratoires qu’affrontent les pays du continent. Voici donc un autre pays de 10 millions d’habitants qui est une des frontières stratégiques d’un espace de 400 millions d’habitants. Car la configuration si particulière de l’espace Schengen, sans frontières à l’intérieur, créé un poids disproportionné sur les pays qui forment sa frontière, surtout quand ils sont placés aux endroits les plus faciles d’accès pour les immigrés illégaux, et qu’en plus, ils sont petits et manquent de moyens pour gérer ces flux. Comment la Hongrie ou la Grèce peuvent aujourd’hui assumer le rôle de point de passage de centaines de milliers de clandestins qui veulent aller dans les autres pays de l’espace ?
 
Peut-on encore débattre d’immigration ?
 

Ce faisant, la réaction de Budapest de construire une clôture est parfaitement compréhensible pour ne pas se retrouver à gérer seule un afflux de migrants totalement disproportionné par rapport à sa population et ses moyens. Mieux, ce choix est un service rendu à l’ensemble de l’espace Schengen, pour permettre un bien nécessaire recensement et suivi de ces immigrés clandestins. Refuser la mise en place des clôtures, c’est ouvrir la porte à tous ceux qui veulent venir, sans le moindre contrôle. Il est tout de même effarant qu’un pays comme la France, dont l’exposition directe aux migrants est limitée, se permette de critiquer le pays qui est en première ligne et souhaite juste canaliser les flux.

 
Mais il y a également un autre point effarant dans le débat. On semble être dans un monde en noir et blanc, où il n’y aurait que la possibilité d’être soit un méchant xénophobe qui veut réguler les flux de migrants, ou d’être un bisounours partisan d’un laisser-passer sans nuance. Jean-Paul Delevoye, ancien ministre UMP et candidat à la présidence du RPR, en est même venu à choisir la seconde proposition, s’attirant les louanges de Daniel Cohn-Bendit ! Ici, je pense que le laisser-passer est un encouragement pour les migrants comme les passeurs, et que cela ne ferait qu’augmenter le triste nombre de victimes, dans les mers ou les camions. C’est la loi de la jungle qui produit des morts, pas les règles.
 
Le dossier des migrants révèle une drôle de construction européenne, où la Hongrie subit les critiques pour gérer les flux de migrants qui veulent venir en Allemagne, applaudie pour son sens de l’accueil. Une Europe de l’arbitraire, l’irresponsabilité et la recherche un peu facile d’un bouc-émissaire.
 

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