L’ironie du sort : et si le 22 avril marquait la sortie par le haut de la France ?
par Rage
lundi 16 avril 2007
Enfin, nous y sommes : cinq ans que les Français attendent. Le 22 avril, les Français pourront voter pour ce qu’ils défendent, le premier tour étant a priori le tour où l’on choisit, le second, celui où l’on évite le pire. A cette date, quatre grands candidats se distinguent et sont, suivant les sondages, mais aussi suivant bon nombre de paramètres, tous à même d’émerger au second tour. Cet article ne sera pas un énième article politique sur un sujet labouré par tous les rédacteurs depuis des mois, mais simplement une vision de ce que les Français pourraient infliger à toute la classe politique en votant massivement pour un cas de figure et un seul : le second tour Bayrou-Royal.
Puisque les jeux ne sont pas encore faits, autant le dire d’entrée : cette élection compte double. Un vote pour les candidats radicalisés, et c’est le spectre de 2002 qui prend forme. Un vote formaté pour les deux candidats des partis traditionnels, et c’est l’éternelle litanie qui continue dans une stérilité absolue de positions aveugles.
En 2002, les électeurs se sont majoritairement exprimés par le vote blanc - dont personne ne veut reconnaître qu’il devrait être considéré comme tel et non comme de l’abstention - ainsi que pour le refus de la caste politique en place. Forçant le second tour comme une alerte forte aux décideurs, les Français ont élu J. Chirac dès le premier tour avec un socle de 18% dont la moitié provenait des fidèles de Bernadette Chirac.
Soutenu démocratiquement par 82,6% des voix au second tour, J. Chirac aurait dû gouverner avec une coalition large de démocrates de tous bords : au lieu de cela, il fit le choix avec une base minoritaire de créer le parti unique : l’UMP
Quatre candidats pour une présidence
Parti unique vite noyauté et récupéré par un certain N. Sarkozy qui mit, dès 2003 « en n’y pensant pas qu’en se rasant » terme au second mandat de J. Chirac. Le parti unique devant l’arrière-cour de l’ascension de l’ambitieux N. Sarkozy, la France devait subir pendant cinq ans le pire « règne » de la Vème République, l’immobilisme couplé aux contre-décisions, aux positions rétrogrades, défensives et creusant s’il le fallait encore le canyon social.
Outre une position salvatrice « contre » la guerre en Irak issue d’une réflexion avant tout économique - la France de 2003 ne pouvait se payer le luxe d’une guerre, surtout celle-ci - et géopolitique - le Moyen-Orient a longtemps été un bon marché pour les majors françaises -, le règne de Chirac a été clôturé dès 2004 par la perte de 20 des 22 régions françaises au profit de la gauche ainsi que par la débâcle d’un référendum sur l’Europe pourtant « gagné d’avance » suivant ses proches conseillers... comme les régionales de 2004...
Profitant de l’usure du pouvoir en place, la gauche a cru « tirer les leçons » en changeant la façade, sans changer ni les méthodes, ni le fond. S. Royal émergeant du lot par sa nouveauté féminine, sombrant dès les premières déclarations dans une faiblesse issue d’une position difficilement tenable à mi-chemin entre le PS et l’extérieur du PS. Outre la façade et un fond sympathique au premier abord, la candidate du PS a oublié les classes moyennes de son discours, focalisant sur les « mis à l’écart », occultant qu’on ne gouverne pas un pays uniquement pour une frange - même la plus isolée et faible - des Français.
Laissant un boulevard au « centre », l’émergence d’un centre rénové par une candidature « commando » d’un François Bayrou poursuivant sur une position initiée dès 2002 était prévisible : l’ascension du candidat centriste ne devant pas tant à ses « troupes » qu’à des idées plus modérées susceptibles de rabattre les modérés de l’UMP et du PS.
Stratégie folle ou mensongère, F. Bayrou a profité et profite encore de la radicalisation de ses rivaux, toujours plus à gauche pour l’une devant préparer des alliances éventuelles, toujours plus à droite pour l’autre, lorgnant depuis bien longtemps avec une alliance contre-nature qui sera vendue pour le compte des « voix radicalisées qui ne savaient plus comment se faire entendre ».
Rempilant pour une énième élection, le candidat frontiste, fort d’un programme inexistant et d’un silence à proprement parler scandaleux mais toujours ponctué de discours à la rhétorique remarquable et caressant des Français plus que jamais prêts à mettre le système politique parterre, J.-M. Le Pen n’avait plus qu’à passer pour le candidat martyrisé pour les parrainages et résolument ouvert vers une France recroquevillée sur elle-même pour mieux se protéger de tout ce qui ne lui ressemble a priori pas.
Soutenu dans la course aux parrainages par un N.Sarkozy prêt à tendre une main à un électorat susceptible de le faire élire quel qu’en soit le prix ou le fond, J.-M. Le Pen semblait et semble pour beaucoup être un soutien de poids au candidat UMP.
Mais dans un jeu à quatre, très rapidement, on se rend compte qu’il y a des alliances qui se créent, qu’on le veuille ou non.
N. Sarkozy a fait le choix de lorgner vers un électorat FN propre selon son analyse à le faire élire : cela fait des années qu’il partage ces idées-là en feignant de ne pas y être sensible : comme d’habitude, à sa façon, il ne partage pas les idées, mais souhaiterait bien partager les subsides du pouvoir de ces idées, quand bien même puissent-elles être difficilement audibles.
Ces derniers jours, alors que la campagne de S. Royal souffre de l’absence du soutien de bon nombre « d’éléphants », voilà que des notables PS dévoilent leur jeu et tablent sur une alliance dès le premier tour avec l’UDF de Bayrou. Parallèlement, voilà que, du côté UMP, quelques figures viennent elles aussi tenter ce qu’aucun « assujetti à la soupe UMP » n’aurait osé faire il y a quelques mois, tant l’odeur d’une bonne soupe sarkozyste semblait bien à point.
Duel PS-UDF VS UMP-FN ?
Pour beaucoup cette configuration peut sembler contre-nature ou inadaptée. Néanmoins, cette configuration constitue aujourd’hui, tant la probabilité d’un duel Sego-Sarko matraqué par les médias semble rejeté, le vrai enjeu de cette élection présidentielle.
Le 22 avril, les votes devront clairement choisir entre une voie démocratique et une voie unilatéralement orientée vers l’extrémisme qu’il soit racial ou économique.
Le 22 avril, le duel, ce sont les sociaux-démocrates naissant contre les piliers de l’ancien régime et de la France décadente dont font pleinement partie une partie du PS, une partie de l’UMP et bon nombre des extrémistes de droite comme de gauche.
Il advient, suivant cette configuration, que la donne est bien différente de celle présentée par les médias :
N. Sarkozy a clairement ouvert la voie à une alliance avec le FN. Le seul problème, et c’est là que pourrait être l’ironie du sort, c’est que J.-M. Le Pen n’est pas homme à s’allier : il est seul contre tous, et l’alliance ne peut se faire qu’autour de lui, pas avec lui.
Cette analyse est confirmée par les récentes prises de position qui sont plus dures avec l’allié éventuel qu’avec tous les autres candidats, le FN voulant SES électeurs et non faire de la présence pour plaire aux yeux de N. Sarkozy et de l’UMP. On ne peut s’allier avec le « feu » sans risquer de se brûler...
Là où N. Sarkozy voyait un allié, il se pourrait bien que ce soit cet allié qui lui fasse perdre les quelques « % » nécessaires pour aller au second tour.
Car ne soyons pas aveugles, le premier tour se jouera dans un mouchoir de poche avec trois candidats à 20-25% voire quatre candidats à 20%. Dans cette configuration, tout est possible. Mais là où l’ironie du sort pourrait être salvatrice pour le peuple français, c’est qu’avec des votes raisonnés et résolument « utiles », c’est-à-dire en faveur de S. Royal et de F. Bayrou, non seulement la démocratie serait sauve, mais en plus le règne de Sarkozy serait écarté de la manière la plus « divine » qu’il puisse être : un 21 avril à l’envers provoqué par celui-là même qui devait permettre la victoire à tout prix.
Vers un séisme politique issu de la raison des Français ?
Plus encore qu’un 21 avril, le rejet de toute la clique médiatico-économico-mafieuse organisée autour du candidat unique à peine soutenu par le président sortant, le rejet de cinq ans de défiance au peuple, d’effets de manche suivis d’inactions retentissantes et d’inégalités sociales criantes voire dangereuses, la mise à l’écart d’une société vouée à l’affrontement pour avoir enfin un second tour digne de ce nom, avec des débats sur le fond et surtout un positionnement clair de l’ensemble de la politique française :
Un second tour Bayrou-Royal, l’un assis sur tous les déçus de l’UMPS et la troisième voie, l’autre sur le socle de la masse de tous les écartés de la société, serait l’occasion pour les deux candidats de se positionner résolument là où ils se trouvent - surtout pour Bayrou - et d’avoir une sortie par le haut d’une campagne illustrée jusqu’alors par la médiocrité affligeante du fond comme de la forme.
Le 22 avril, si les Français votent utiles pour la démocratie, alors il serait fort possible que « l’ironie du sort » soit la sanction de celui qui a voulu gouverner sur des cendres et non sur l’âme de la France.
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