L’occupation du temps de Sarko disponible

par LM
vendredi 30 novembre 2007

Avant un passage à Nice puis son envol pour Alger, Nicolas Sarkozy, revenu de Chine, est venu sous sa tente de Bédouin de l’Elysée porter la bonne parole à D’Arvor et Chabot, et à tous les Français par la même occasion. Sécurité, logement, pouvoir d’achat, emploi, complet tour de chant du président en baisse de popularité.

Revenu de son voyage chez les hommes aussi petits que lui, notre chaleureux président Nicolas Sarkozy s’accordait une pause télévisuelle, hier soir, au milieu d’un programme surchargé. Une respiration cathodique plusieurs fois repoussée, because les grèves, les violences en banlieue et l’absence de mesures efficaces pour donner l’impression qu’on peut améliorer véritablement le sacro-saint pouvoir d’achat des Français. Sarko a hésité, tâtonné, demandé à Guaino ce qu’il en pensait, et finalement s’est lancé, non sans filet. Un filet comme une aubaine : ces quelques envolées anarchiques nocturnes, dans cette sympathique commune de Villers-le-Bel, qui ne pouvaient que donner l’occasion au premier de tous les Français d’enfiler à nouveau son costume de petit père de toutes le victimes, redresseur de tort et pourfendeur de l’injustice. Dans la première partie de son intervention, hier soir, Sarkozy a donc répondu aux questions sur le sujet insécurité avec délectation, efficacité et énergie, comme il avait très bien su le faire durant sa longue et triomphale marche vers le pouvoir. La Rollex très agitée autour du poignet, l’homme de Neuilly ressortit tout son catalogue d’évidences qui vont encore mieux en les disant, assorties de formules coup de poing qui ont fait sa marque (« je ne peux pas l’accepter », « on les retrouvera un par un », « quand on veut expliquer l’inexplicable, c’est qu’on est prêt à excuser l’inexcusable »), toute cette ritournelle bien balancée, un poil surjouée, mais sans plus, ce qu’il faut de noir dans le regard pour convaincre la ménagère de plus de 50 ans : l’homme de fer est bien de retour. Et il entend encore recevoir les victimes, punir les voyous et ne pas laisser sortir « tous ces prédateurs tant qu’ils ne se feront pas soigner », allusion au meurtre d’une jeune femme dans le RER, par un récidiviste.

Et le pouvoir d’achat dans tout ça ? Parce qu’à la base, depuis dix jours, on n’attend que cela : que le grand petit homme annonce quelques mesurettes pour regonfler la bourse des Français, leur redonner le moral, et l’envie de consommer à ces pauvres gens, qui en novembre ont trinqué avec les grèves et le mauvais temps et l’augmentation du prix de tout, ma pauvre dame, au point que la consommation, donc, pique du nez. Alors, quid du pouvoir d’achat ? Une rafale de mesurettes : indexation du prix des loyers sur l’inflation, plus de caution demandée aux locataires, un seul mois de loyer exigible d’avance, tout pour un accès au logement locatif plus facile donc, mais également une volonté farouche exprimée d’« obtenir une baisse des prix dans les grandes surfaces ». Pourquoi pas ? Là aussi, il ne se trouvera pas grand monde pour se mettre en travers de ces bons sentiments. Mais ce n’est pas tout, les universités tanguent aussi, s’énervent à peine, bloquent un peu, et Sarko a un petit cadeau pour elles, un cadeau électrique : vente de 3 % d’EDF, pour financer à hauteur de 5 milliards un plan d’aide aux universités afin selon Sarkozy que les facultés puissent se doter de superbes campus. A l’américaine ? Il n’empêche, 5 milliards, effectivement, ce n’est pas rien, au moment où Pécresse semble déjà avoir convaincu l’Unef de reprendre les études. « Les étudiants ne sont pas là pour faire grève, les étudiants sont là pour étudier », a dit Sarkozy hier, se prononçant pour le vote à bulletin secret et contre le « blocage », qui n’existe « nulle part ailleurs ».

Et les 35 heures ? "Dans les entreprises, s’il y a un accord majoritaire entre les partenaires sociaux, ils pourront s’exonérer des 35 heures contre des augmentations de salaire"(...)"Je veux donner la possibilité pour les salariés de racheter leurs RTT, de transformer leurs RTT en argent." A encore dit Sarkozy qui « souhaite élargir les possibilités de travailler le dimanche ». Travailler plus, gagner plus, refrain connu là aussi. Et les grèves ? Sarkozy s’est félicité du dialogue social, même s’il reconnaît que « pendant neuf jours » ça a été la galère pour des millions de Français, tout en soulignant que neuf jours, quand même, ce n’est pas grand-chose pour une telle réforme. Une réforme sur laquelle le président ne « pouvait pas reculer » : « Je ne pouvais pas reculer parce que c’est l’intérêt national. Mais c’est aussi l’intérêt national que de garder des interlocuteurs ». Le président qui, sur ce même élan, ne manqua pas de saluer le remarquable travail de Xavier Bertrand et de François Fillon. Et Jacques Chirac ? Ah, Jacques Chirac ! Il est « dommage que la justice vienne si tard », assure Sarkozy, alors que Le Canard enchaîné nous apprenait mercredi qu’il aiderait volontiers l’ex à se sortir des griffes de Xavière Simeoni, si le Grand Jacques voulait bien lui donner tous les tenants et aboutissants de l’affaire Clearstream, autrement dit lui servir la tête de Villepin sur un plateau (de boucher ?). Le même Canard enchaîné qui faisait dire à Sarko que Chirac n’avait plus sa place au Conseil constitutionnel : « Le Conseil ne peut se permettre de laisser siéger des mecs poursuivis par la justice ». En version télévisée ça donne : « Je n’ai pas de commentaire à faire ».

Alors, les Français, ça va mieux ? Le moral des ménages, il est ragaillardi par les bonnes paroles du petit timonier ? On le saura plus tard, dans quelques sondages sans doute, comme celui qui hier, sur le site du Nouvel Observateur, donnait « autant de satisfaits que d’insatisfaits » de la politique sarkozienne. Le pouvoir de confiance, lui aussi, diminue. Beaucoup y croient moins, le plateau d’hier soir n’était là que pour tenter de regonfler le moral des troupes : le capitaine a annoncé qu’il maintenait le cap, que ce n’était qu’un début, qu’il ne fléchirait pas, qu’il n’était là, après tout, que depuis six mois, en terminant par un étonnant « merci de m’avoir invité » adressé à deux journalistes venus chez lui, à l’Elysée. Une fin sur la pointe des pantoufles après un début façon pêcheur breton, c’est la désormais bien rodée mécanique du temps de Sarko disponible, bien occupé hier.


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