L’ouverture sarkozyste : une chance ou le baiser de la mort pour le PS ?

par Mmarvinbear
jeudi 21 mai 2009

En politique, l’ ouverture consiste à faire appel, pour officier au sein d’un gouvernement, à des personnalités politiques d’un camp opposé au sien, que la personne soit membre de plein droit d’un parti ou pas.
Le but officiel de cette manoeuvre est de rassembler une équipe gouvernementale composée de personnalités de premier plan, à même de gérer au mieux un pays, sans considération d’opinion politique.

En théorie, cela pourrait marcher, mais un point de détail vient tout gacher : les ministres, quel que soit leur rang, sont responsables et solidaires. C’est à dire qu’implicitement, tous doivent accepter la voie choisie par le Premier Ministre et le Président et la soutenir devant les médias et la population.
Un ministre de droite ou du centre-droit doit donc publiquement soutenir les mesures prises par un gouvernement de gauche. Et inversement.
Ce point du règlement nous montre le véritable but d’un gouvernement d’ouverture : foutre le bordel dans le camp adverse, l’affaiblir électoralement de façon plus ou moins durable, et décrédibiliser un potentiel futur rival qui aura cédé aux sirènes adverses.


Les médias ont fait des gorges chaudes de l’Ouverture promise par le candidat Sarkozy. Mais très peu ont parlé d’un autre gouvernement qui a eu recours à un tel montage : celui de Rocard en 1988.
Mitterrand venait d’être réélu en battant sèchement Chirac d’un joli 54/46. Pour gérer le pays, après l’expérience désastreuse de 81-83, il prend Rocard, qu’il déteste, mais dont il sait qu’il n’est pas un idéologue socialisant obtu.
L’ouverture est à ce moment là une option, un moyen d’affaiblir encore plus le RPR en asséchant en partie son emprise sur le Centre, alors représenté par l’UDF et quelques clubs satellites. En cas de réussite, soit le RPR était certain de perdre les présidentielles de 95, soit il était contraint de faire alliance de façon plus visible avec un Front National alors à 14 %. Ce qui le coupait encore plus nettement du Centre qui ne voulait entendre parler de Le Pen à aucun prix. Bref, une stratégie gagnante à tous points de vue.
L’hameçon fut lancé, mais seules quelques sardines virent dans le panier PS. Des pontes comme Simone Veil étaient espérés mais ils avaient finalement renoncé à franchir le Rubicon. La pêche s’annonçait plus dure que prévue...
Et ce d’autant plus que les législatives qui suivirent ne donnèrent au PS qu’une majorité relative. Pour gouverner tranquillement, l’apport de quelques voix centristes ne serait pas de trop. Le remaniement qui suivit fut quelque peu plus fourni, mais là encore, seuls les seconds couteaux acceptèrent les postes proposés. Durafour, Soisson, Pelletier, Rausch, Stirn, Durieux, Stoléru, Dorlhac y virent une occasion de sortir de l’ombre des géants Veil, Léotard, et VGE.

Mais il faut bien le reconnaitre, aucun d’entre eux ne resta dans la mémoire collective, ou presque.

Michel Durafour est encore connu à cause d’un sordide jeu de mot qui valu une belle condamnation sociale et judiciaire à Le Pen.
Jean-Pierre Soisson, lui, consacra la suite de sa carrière politique à manger à tous les ratelier. Retournant à droite, et n’hésitant pas à accepter les voix du FN lors de régionales suivantes pour prendre un poste de président de région.
Olivier Stirn lui eut le malheur de trop vouloir bien faire. Craignant d’avoir une salle quasiment vide pour un meeting de son ministre de tutelle, il embaucha une centaine de figurants pour faire la claque. Mais cela se sut, et, penaud, il donna sa démission alors que personne ou presque ne lui demandait rien...

Et en 91, une fois le joujou Rocard usé jusqu’à la corde, Mitterrand le renvoie pour le remplacer par Edith Cresson. De l’ouverture, il ne resta que Jean-Marie Rauch. Les autres sombrèrent dans l’anonymat de la tombe ou les UDF restés fidèles à leur alliance première les inhumèrent vifs.
Car telle est la sentence qui attend le ministre Ouvert quand son gouvernement tombe, pour une raison ou pour une autre. Ses « amis » politiques ne se privent pas de lui donner une belle mort politique, s’il n’a pas pris la précaution de s’encarter au parti adverse avant, histoire de s’assurer une désignation dans une circonscrition pas trop pénible aux législatives suivantes.

La stratégie de François Mitterrand ne fut quand à elle pas pleinement une réussite. Usé par le pouvoir, victime d’une crise économique, discrédité par des affaires de financement occulte, le PS fut humilié aux législatives de 93. L’UDF en sortit cependant affaibli, amorçant un rapide déclin qui culmina avec sa dissolution, scindé entre MoDem et Nouveau Centre. Le RPR gagna la présidentielle de 95, mais avec une belle balafre entre balladuriens et chiraquiens qui marque encore quelque peu l’UMP actuelle.

Il est aisé de faire le parallèle avec la situation actuelle.

La nomination du gouvernement Fillon en 07 a fait l’effet d’une bombe au sein des médias (oui, je sais qu’on dit un médium, des média... mais le mot est naturalisé et francisé donc on met un « s »...), car cinq personnalités de gauche, dont trois officiellement encartés au PS, ont accepté de servir le gouvernement de Droite.

Il s’agissait de Kouchner, de Besson, de Bockel, De Amara, de Hirsch.

Tous, au nom de leur idéologie pleinement de gauche, ont accepté de soutenir publiquement un gouvernement à la politique ultra-libérale. Les membres du PS en ont été exclu et l’un d’eux (Besson) à déjà pris sa carte de l’UMP.
La destinée finale du PS est-elle de finir comme la feue UDF ? Scindée en deux petits partis, l’un plus à gauche que l’autre ou absorbé au sein du NPA ou de toute autre entité similaire ?

C’est une possiblité, mais ce n’est pas la plus probable.

Un point commun entre les deux situations. Les cadres passés à l’ennemi ne sont pas franchement des piliers du parti. Ni des personnalités de premier plan, à l’exception de Kouchner. Ce dernier à cependant un gros handicap pour la suite de sa carrière politique (s’il en a une...) : même au PS, il n’a jamais pu se faire élire député. Tous ses parachutages se sont achevés de façon grotesque.

Au contraire de l’UDF, qui a toujours un peu oscillé entre centre et centre-droit, le PS possède toujours une idéologie (même s’il est vrai que cette dernière mérite une bonne mise à jour !) et une base à laquelle se raccrocher. Sous la direction de Mitterrand et de ses proches, le PS est devenu une véritable alternative au PCF dont il a méthodiquement pillé les adhérents dès les années 70.

Deuxième différence : le PS possède toujours une grande capacité de renouvellement de ses cadres. L’UDF avait lui perdu des cadres chez Rocard, et la génération suivante avait été laminée par une vague de condamnations judiciaires pour financement illégal de parti et corruption massive. C’est ainsi que périrent les carrières nationales de Michel Noir, de Alain Carignon et de quelques autres.

Troisième différence : même l’annonce d’un proche remaniement n’attise pas de grands appétits. Seuls Allègre et (peut-être) Lang pourraient hériter d’un nouveau maroquin. Mais pour être sincère, ces personnes là ne font plus partie de la génération montante du parti, et ce depuis un moment...

L’option la plus probable est donc que le PS, ayant perdu quelques seconds couteaux, se voit contraint de réviser sa ligne, de mettre en avant une nouvelle génération de politiques et de rédéfinir sa politique et ses alliances. En bref, de se renouveler.
Et se renouveller de temps à autre, n’est-ce pas aussi ce dont les français attendent d’un vieux parti ?

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